Galwin Donnel était un auteur de polars respecté de son vivant, adulé et mystifié de sa mort. Sa disparition mystérieuse sur l’Ile de Mirhalay suscite les plus folles théories et réunit tous les trois ans, un aréopage d’universitaires fanatiques de son œuvre. Cette année, c’est Émilie qui est chargée d’organiser les journées d’études tout en tentant de relancer son couple émietté par la place qu’à pris Galwin Donnel dans sa vie. Mais cette île est hantée par la présence de l’écrivain maudit.


Une ambiance presque gothique, digne des Hauts de Hurlevents (le mot soleil n’apparaît qu’une fois, à la fin), qui se déroule sur une île successivement oubliée puis repeuplée (le passage qui en retrace l’histoire est magique).


Une prouesse qui tient dans la construction minutieuse de la personnalité d’un écrivain fictif, Alice Zeniter creuse le détail jusqu’aux notes de bas de page et citations Wikipédia référençant des ouvrages de Galwin Donnel. On en vient à croire (et à vérifier) que l’auteur de polar a véritablement existé.


Zeniter est une conteuse facétieuse, promenant le lecteur du gothique revival à la bluette en passant par la critique d’un monde universitaire qui croit tout connaître, qui débat inlassablement de la course des étoiles mais qui ne sait plus regarder le monde par soi même. En vérité c’est Franck, infirmier venu rejoindre Émilie, qui détient les clés. Lui qui hait son nom, qui chaque jour lutte pour la vie de ses patients est avec le gardien de l’île Jock, le plus à même de connaître la vérité sur Galwin Donnel.


C’est une dualité que Zeniter veut semble-t-il, faire reconnaître au lecteur : celle de deux personnages pragmatiques – Jock et Franck – face à des universitaires retenus hors du monde réel par le souvenir de Galwin Donnel. On en vient malheureusement à détester ces intellectuels antipathiques, rendus cyniques à force lire des romans noirs. Émilie devient égoïste face à cet homme qui voudrait un enfant d’elle alors même qu’elle vient de se lancer dans une thèse, une critique de la volonté d’accomplissement personnel peut être…Volonté qui transparait dans ce passage qui relate les RDV d’Émilie avec sa coach de vie, le lecteur pourra sourire de ces êtres humains centrés sur eux-mêmes, de cette époque égoïste qui compte heureusement encore quelques personnes ouvertes au monde.


Juste avant l’oubli est un roman bourré d’intelligence et de facétie. Alice Zeniter excelle dans ce style mais laisse parfois pantois, peut être se moque t-elle beaucoup, peut être trop. Son écriture est parfaite, moins pragmatique que dans L’art de perdre – j’ai délaissé quelques passages trop existentialistes – et subtilement truffée d’indices clés annonçant le retournement final.


Face au magnifique l’Art de perdre, un roman de passage, juste avant l’oubli.


Alice Zeniter – Juste avant l’oubli – Flammarion 2015

Dadou-lit
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le 21 juil. 2018

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