Boy Erased
6.2
Boy Erased

livre de Garrard Conley (2016)

I'm a homosexual ! I'm a homosexual ! I'm a homosexual ! Oh my god... they were right. I'm a homo.

Les livres "témoins" comme Boy Erased ont toujours une Hype pas possible autour d'eux et font toujours le parachute doré du cinéma. Témoin d'Histoire, voyeurisme du lecteur/spectateur, jeu du "ça se passe près de chez vous" ou thérapie d'écrivain a qui on aura pas le droit de reprocher de ne pas être passé par la fiction pour parler d'un arc important de sa vie. Pourquoi pas.
Personnellement, les témoignages me gênent à ce propos. C'est toujours délicat de les prendre en mains, de les critiquer, d'en dire quelque chose. On se rend compte que dire quelque chose sur le livre, équivaudra à dire du mal de l'histoire de l'auteur donc de l'auteur. Parce qu'on ne peut plus jouir du gaze de la fiction pour poser les bases d'une critique, eh bien... on ose moins. Et si on ose pas moins, sur des sujets comme celui-ci on pourra potentiellement être taxé d'insensible connard.


Alors, suis-je un insensible connard ? Hm... On verra !


Entrons un peu plus dans le sujet : Boy Erased c'est l'histoire de Garrad, donc de l'auteur, qui parle de son passage à LIA (Love In Action) sorte d'institut qui promet de rétablir l'équilibre hétérosexuel perdu dans les vices des pêcheurs venus toquer à leur porte. Lorsque LIA se met en place, l'homosexualité est mise au même niveau que la pédophilie, zoophilie, alcoolisme et tout le lot des addictions.
Dans l'histoire de Garrad sont rapidement évoqués des personnes un peu plus "hardcore" que des homos (pédophile par exemple). On reste cependant centré sur Garrard, sa relation avec sa famille, avec Dieu et son penchant homosexuel.
L'histoire plutôt que d'être linéaire, se découpe en chapitres courts qui font des va-et-vient entre sa vie à la Fac, son passage à LIA, sa vie avant la Fac, sa vie après LIA. C'est à mes yeux un joyeux bordel temporel et j'ai eu grand mal à m'y retrouver.
Le style est un peu naïf et inégal. On a des moments simples comme des quotes d'un journal intime, puis des descriptions de la mère, du père, qui ont un truc un peu superficiel, sorte d'exercice de style ou manière de nous fourrer du pathos au visage.
J'ai trouvé insupportablement longs, lourds, ennuyeux, les passages sur les sessions à LIA, comme sa manière de revenir et d'expédier ce qui s'est passé avec David. On sent que Garrard n'a pas encore bien digéré tout ça, qu'il n'est pas prêt à en parler vraiment. Du coup c'est gênant et agaçant. Aussi agaçant que de voir ton pote en larmes qui met 10 plombes à t'expliquer pourquoi il est en larmes.


Donc bon... J'ai achevé le livre bon gré mal gré et ? Je ne sais pas trop. Il n'y a pas d'épilogue extrêmement positif qui aiderait par exemple un gamin passé par LIA à s'en sortir. On reste à l'ébauche d'état des lieux, mais un état des lieux survolé. Ce n'est pas avec Boy Erased qu'on comprendra mieux la démarche de LIA et sa façon perverse de casser une personnalité. On est pas non plus face à une écriture qui vaille le coup d'en faire une éloge. Et même le paradoxe de Garrard homosexuel et à fond sur Dieu ne me restera pas en tête... Au point que je ne l'ai même pas évoqué avant. Car Garrard n'est pas seulement un petit américain moyen, il est le fils d'une famille ultraconservatrice (fils de pasteur en gros). Cette relation avec ses parents et Dieu reste à ce point là pudique et faite de non dits, qu'il faut passer son temps à combler les trous du livre pour s'imaginer soi-même la complexité de sa situation, la renforçant grâce aux clichés qu'on a déjà en tête ou aux témoignages déjà existants.


Conclusion : je suis entrée dans le bouquin, comme j'en suis ressortie. J'ai passé mon temps à donner corps au livre grâce à ce que je savais déjà de LIA et à d'autres lectures. C'est peut-être une bonne entrée pour quelqu'un qui découvre la cause LGBT et le reste... Mais pff, 300 pages de labeur pour du banal pathos, je trouve ça franchement triste.
A défaut, autant voir des documentaires !
Quant au film adapté du livre, aussi oubliable que le reste. Mieux vaut se tourner vers le film But I'm A Cheerleader, qui a au moins le culot d'être drôle.
Et pour compléter sa compréhension de la complexité d'être homosexuel dans un milieu religieux, allez bouquiner N'essuie jamais de larmes sans gants. C'est plus long et c'est un autre sujet, mais au moins, le livre a lieu d'être.


Je trouve ça gonflant d’encenser des écrivains pour le sujet plutôt que la qualité de l'ouvrage.


(Le titre de ma critique est une quote de But I'm A Cheerleader)

SPDD
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le 19 mars 2020

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