Il est désormais un lieu commun de débuter quelque papier, critique du théâtre contemporain, par ces mots : la parole se détachent de toute règle, les corps se libèrent.


La potentialité infinie du théâtre gagne à être explorée, les nombreuses variations du jeu comme autant de terres à défraîchir.


La pratique de l'écriture de plateau est aujourd'hui privilégiée, en tant qu'elle permet une liberté qui naît du jeu théâtral et non du « je » textuel, chacun trouve son compte au sein d'un espace de création qui n'a jamais été aussi riche, inspirant.


Résultat du contexte, en ce qui me concerne, la véritable écriture du théâtre contemporain émerge de la scène, elle part des comédiens, danseurs, metteurs en scène, ceux qui font la vie scénique autant que le dramaturge...


Le texte ayant été depuis maintenant plus d'un siècle relayé au second plan, la scène écrit elle-même son espace personnel.


Las d'une écriture contraignante, on a voulu faire du texte une composante sinon mineure, non essentielle (voyez comme ce terme revêt un sens différent en temps de crise...) du théâtre.


L'écriture théâtrale, sinon dans son essence, dans sa manière d'être étudiée, pensée, et d'être, a été profondément marquée, par les réflexions qui ont chamboulé le théâtre dans son ensemble à la fin du XIXème siècle et a évolué significativement au cours du XXème.


Nous sommes en droit de nous questionner sur l'après, comment continuer à écrire le théâtre aujourd'hui ? Cela a-t-il encore un sens ?


Michel Vinaver vient du privé, comme les personnages qu'il dépeint, lesquels sont inspirés par des personnes ayant réellement vécues, si elle n'existent pas encore aujourd'hui.
La pièce, n'est pourtant pas de monnaie mais elle développe un rapport ténue à l'argent, on se trouve là où politique et pouvoir se mêlent au jeu, plein d’hypocrisie, du fric. Ha, ça, l'argent... et les fragments de vie.


La galerie de personnages, des puissants ou des proches des puissants, dont tous gravitent autour du Bettencourt, un vrai boulevard de la mort, ou du crépuscule, des espoirs, de l'Histoire, chacun y verra un boulevard qui fera écho à sa vision du monde.
J'y vois une tentative de synthétiser les rapports humains, au pouvoir, argent, politique, bonne société, bon mots et bon chien-chien... de domination, en prenant un cas qui a défrayé la chronique et en tentant de le tendre vers l'universel.
Je ne suis pas, à la lecture seule du texte -lecture parfois ralentie par les choix de mise en page et de non ponctuation (à l'exception des point d'interrogation) de l'auteur- convaincu de l'efficacité de celui-ci en tant qu'allégorie des rapports de force sociaux.
Certes, il est ici question d'hommes et femmes de pouvoir, mais le réel pouvoir, n'est-il pas exercé par l'argent sur les individus ?


Plus encore que les statuts conférées par l'appartenance à une classe sociale, l'important est l'appât, non du gain, qui consisterait à gagner son dû, mais de l'argent brut, celui qu'on obtient par flagornerie, copinage et autres chemins de traverse ici rendus explicites par la cohorte d'assoiffés qui en veut à la vieille.


Tous sont faibles, elle comme les vautours, sauf qu''après tout, un cadavre, même riche, reste un cadavre, non ? Ce renversement constant, teinté d'une ironie qui résonne toujours au regard de l'actualité politique et économique qui fait et défait les uns des journaux, est somme toute plaisant.


Bettencourt boulevard ou une histoire de France est à mi-chemin entre un théâtre dit documentaire et une réécriture ou plutôt une re-re-re-re-revisite des grands mythes antiques (d'après Vinaver lui-même).


Oh, les cœurs...

Jekutoo
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2021, livre en main

Créée

le 27 mars 2021

Critique lue 34 fois

Jekutoo

Écrit par

Critique lue 34 fois

D'autres avis sur Bettencourt boulevard ou une histoire de France

Du même critique

Jessica Forever
Jekutoo
2

Il faut le voir pour le croire

Poisson d'avril... Vous m'avez bien eu, bravo ! Franchement, honnêtement, vous voulez que je vous dise ? C'est bien fait. Nan mais si, le coup du film de genre complètement pété à bas coût, français...

le 2 mai 2019

5 j'aime

6

J’veux du soleil
Jekutoo
4

L'enfer est pavé.

Ruffin et Perret, ensemble, dans un film traitant des gilets jaunes. Mettons de côté le deuxième pour développer sur le premier. Qu'il m'aurait été agréable de démolir la prétendue neutralité...

le 15 sept. 2019

5 j'aime

Josée, le tigre et les poissons
Jekutoo
5

Un connard en fauteuil reste un connard

Un tigre ce n’est rien de plus qu’un gros chat, sauvage. Les gens se font une montagne de n’importe quoi comme dirait une tante éloignée un peu éméchée. La réalité est nuancée, complexe. Être une...

le 17 juin 2021

4 j'aime