Nous rencontrons des problèmes techniques sur la partie musique du site. Nous faisons de notre possible pour corriger le souci au plus vite.

Angélus
8
Angélus

livre de Tim Winton ()

S’il est malvenu, voire franchement mal vu, d’afficher ouvertement ses préférences en matière d’éducation ou d’enseignement (ne le niez pas, chacun à ses petits préférés, le tout c’est de savoir dépasser ces affinités ou ces inclinations naturelles), en littérature il est de bon aloi de choyer ses auteurs favoris, voire même de mettre sur le devant de la scène ses chouchous. Bref, vous l’aurez sans doute remarqué, sur ce blog nous pratiquons ouvertement le favoritisme (voire parfois la mauvaise foi plus ou moins assumée) et nous défendons bec et ongles nos “préférés”. Parmi ces honteux privilégiés, vous aurez peut-être remarqué que Tim Winton, en toute discrétion l’écrivain australien le plus traduit à travers le monde, est savamment mis à l’honneur. Sans pour autant que cela ne devienne une obsession, nous explorons patiemment son oeuvre, émerveillés que nous sommes par ses talents d’écriture, la subtilité de sa description des relations humaines et sa sensibilité à fleur de peau. Alors certes, si Tim Winton est un bon styliste, il n’est à priori pas un architecte adepte des constructions narratives complexes et hyper ambitieuses, il est un artisan du quotidien, un écrivain attaché à la simplicité des choses de la vie, et c’est sans doute cette simplicité très authentique qui réussit à nous toucher immanquablement. Et si, faute d’avoir lu suffisamment l’auteur, nous nous étions légèrement trompés, et si finalement Tim Winton était lui aussi un architecte adepte des constructions complexes ? C’est ce que laisse entrevoir furtivement Angelus, roman choral ou recueil de nouvelles on ne sait trop, un peu des deux sans doute, qui se déroule comme de coutume chez cet auteur du côté de l’Australie occidentale.


Tenter de résumer ou même de condenser le contenu du roman, soyons honnête, relève purement et simplement de l’utopie tant les personnages, les situations et les époques sont différents. Seul point commun, Angelus, cette petite ville imaginaire située au Sud de la grande ville de Perth, dont la vie est rythmée par les activités de son petit port de pêche, l’abattoir local et la vie agricole. Autant dire que pour une grande majorité d’Australiens, Angelus est bien loin de vendre du rêve, tout au plus cette tranquillité infinie invite-t-elle quelques marginaux en quête de finitude et de bout du monde à venir s’installer dans la région ; on a vu mieux en matière de dynamisme démographique. Il se dégage pourtant de ce petit bout de terre une atmosphère étrange, à la fois apaisante et envoûtante, marquée par un spleen doux et coloré d’une lumière de fin d’après-midi hivernal. Il ne se passe pas grand chose à Angelus et suivre l’itinéraire d’un seul personnage aurait probablement quelque chose d’un tantinet ennuyeux, c’est la raison pour laquelle Tim Winton semble avoir choisi la voie du recueil de nouvelles ; chaque récit apporte sa petite pierre à l’édifice, formant au fil du texte une mosaïque qui prend tout son sens et permet d'avoir une vision globale de la vie à Angelus, de la croissance (modérée) de cette petite bourgade et de l’évolution de son microcosme. Mais pour entrer pleinement dans l’oeuvre de Tim Winton, le lecteur doit accepter de perdre un peu pied et d’être ballotté au gré des envie de l’écrivain australien, qui mêle les personnages et les époques avec une science qui ne laisse sans doute rien au hasard. Les personnages se croisent et s’entrecroisent, se répondent, parfois avec des années d'intervalle, les destins se tissent et parfois se perdent en douloureuses tragédies. Des personnages à peine esquissés dans un récit, deviennent centraux dans le suivant, voire plusieurs centaines de pages plus loin. Des thèmes puissants émergent de ce roman, la solitude, la mort, la violence, l’amour, le désir de partir et de voler de ses propres ailes, l’échec des relations familiales (fraternelles ou conjugales), qui marquent toute une vie de leur empreinte indélébile…. C’est beau, c’est poignant et comme souvent dans ce genre de projet, pour peu que la narration soit suffisamment maîtrisée, le tout est infiniment supérieur à la somme des parties.


Billet initialement publié sur : http://bloggerinfabula.blogspot.fr/2017/11/australian-flow-angelus-de-tim-winton.html

EmmanuelLorenzi
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 nov. 2017

Critique lue 315 fois

3 j'aime

2 commentaires

Critique lue 315 fois

3
2

D'autres avis sur Angélus

Angélus
agnes
9

Critique de Angélus par agnes

Il s'agit de nouvelles, qui se déroulent toutes au même endroit (Angelus, une ville d'Australie), et à différents moments, certains personnages sont récurrents. Chaque nouvelle apporte un autre...

le 20 juin 2010

3 j'aime

1

Du même critique

L'Insoutenable Légèreté de l'être
EmmanuelLorenzi
8

Critique de L'Insoutenable Légèreté de l'être par Emmanuel Lorenzi

Je ne me souviens pas exactement pour quelles raisons j’ai eu envie de me frotter à l’oeuvre de Milan Kundera, et en particulier à son roman phare : L’insoutenable légèreté de l’être. Il y a...

le 2 mai 2019

24 j'aime

12

La Compagnie noire
EmmanuelLorenzi
5

Critique de La Compagnie noire par Emmanuel Lorenzi

L’écrivain américain Glenn Cook est surtout connu pour être l’auteur du cycle de la Compagnie noire, une série à succès que d’aucuns affirment classer dans la dark fantasy. On n’épiloguera pas ad...

le 8 nov. 2012

18 j'aime

10

The Bookshop
EmmanuelLorenzi
8

Une fausse comédie romantique britannique, plus subtile et délicate qu'il n'y parait

Les films qui évoquent les livres ou le travail de libraire ne courent pas les rues, The Bookshop fait donc un peu figure d’ovni dans un paysage cinématographique qui tend à oublier d’où provient son...

le 10 janv. 2019

17 j'aime

33