Valkyria Chronicles 1,4

La série des Valkyria Chronicles nous plonge dans une sorte d’Europe parallèle des années 1930. Mais une Europe passée au mixeur japonais : histoire, géographie, technologie, géopolitique… on reconnait les influences, les liens de parentés, certains événements mais tout est déformé et mélangé. Ajoutez à cela un soupçon de magie, et on obtient un univers hautement original et envoûtant, qui n’est pas sans rappeler dans l’esprit Fullmetal Alchemist. Cette franchise japonaise acclamée —mais relativement peu connue en Occident— repose sur deux piliers : l’histoire, omniprésente entre chaque mission, ainsi que son gameplay original, mélangeant tactical RPG au tour par tour et phases TPS en temps réel, nommé « BLiTZ ». Voyons donc ce que ce jeu a à nous offrir sur ces points.

C’est l’histoire d’un jeune Gallian, doux et sensible, en phase avec la nature, propulsé aux commandes d’une escouade de soldats durant la deuxième Guerre d’Europa. Il se battra contre l’Empire envers et contre tout, malgré la déroute quasi complète de son armée, faisant face avec ses amis hauts en couleurs à toute une tripotée d’ennemis, dont un homme calculateur et ambitieux, un général ennemi sympathique aux idéaux chevaleresques dans son tank personnel, et une arme humaine qu’on pensait depuis longtemps disparue : une Valkyria.

Valkyria Chronicles (2008) est une bouffée d'air frais… Attendez non, il y a une erreur. On me fait savoir dans l’oreillette qu’il s’agit en réalité de sa suite de 2018 : Valkyria Chronicles 4. Diantre. Où sont passées ces dix dernières années ? Les personnages sont vraiment très similaires, le contexte également —il se déroule parallèlement au premier épisode—, ainsi que la progression de l’histoire, dont le début est complètement la campagne de Russie de Napoléon Bonaparte. Certes, il y a des différences. Au premier chef, on suit ici une escouade de la Fédération… même si les personnages principaux sont Gallians, allez savoir pourquoi. Mais dans l’ensemble, les similarités sont trop nombreuses et on se demande pourquoi les scénaristes étaient à ce point en manque d’inspiration.
On perd donc l’émerveillement lié à la découverte des personnages ou de l’univers, mais en plus la portée de Valkyria Chronicles 4 est bien moindre que celle de son ancêtre. Le thème principal de ce dernier tournait autour de la discrimination, en particulier de l’antisémitisme, les Darcsen étant les « juifs d’Europa ». Ici, rien de tout cela. Ce n’est pas mauvais, mais ça reste une déception.
On notera l’ajout intéressant des « histoires d’escouades », qui permettent de transformer certains potentiels négatifs de vos personnages en potentiels positifs, tout en augmentant le contenu et étayant un peu les relations entre les soldats. C’est pas toujours réussi, mais c’est dans l’ensemble louable.

Penchons nous maintenant sur le gameplay. Le système BLiTZ est très solide, une approche originale du tactical RPG, et efficace. C’est un plaisir de micro-manager son escouade et de tester différentes stratégies dans de nouvelles situations. Mais encore une fois, les évolutions sont très faibles par rapport au premier volet —je n’ai pas joué aux épisodes 2 et 3, car uniquement sortis sur PSP. Quelle idée !—. Il y a bien un véhicule de transport de troupes, une classe supplémentaires ainsi qu’un système de « déplacement groupé » entre autres qui apportent plus de flexibilité tactique. Mais ça reste maigre comme évolution, et le gameplay rigide des phases TPS aurait mérité plus de peaufinage. Souvent on est bloqué par des murs invisibles ou des barrières de 30 cm de haut, comme dans l’original. L’IA est pas très finaude et manque d’agressivité, l'équilibrage des classes est aux fraises, ainsi le jeu est vraiment facile malgré sa permadeath. Même histoire dans le "mode livre", c’est bien mais aucune évolution n’est proposée. On aurait pu imaginer un peu de non linéarité dans les choix de mission, un peu plus de cartes pour situer l’action, des choix stratégiques dans la direction de la campagne, pourquoi pas un mode coop, etc. Ça reste bon, mais ça manque d’ambition.

Pour finir, quelques mots sur les performances. Le moteur graphique propiétaire CANVAS garde toujours beaucoup de charme grâce à son rendu d'esquisse, mais commence à vieillir sur certains aspects. L’animation est très rigide et les scènes de dialogues font un peu paresseuse, comme dans le premier jeu. On sent que l’équipe n’avait pas la motivation ou la possibilité de faire une vraie cinématique. Un peu comme dans les animes où seules les bouches des personnages bougent durant les dialogues. Ça se comprend d’une certaine manière au vu de la durée énorme de ces « cinématiques » sur l’ensemble du jeu, mais ça reste un peu dommage. Et puis, je me dois de dire un mot sur l’interface, d’une lourdeur dingue. Il y a des lenteurs dès qu’on passe un dialogue ou qu’on tourne une page du livre, et le mapping des touches est peu intuitif. Je ne sais pas si c’est uniquement présent sur Switch —j’en doute—, mais c’est assez pénible à la longue.

Bref, Valkyria Chronicles 4 est un bon jeu grâce aux bases très solides de la série, mais qui se repose sur ses lauriers, soit par manque d’ambition, soit par paresse. Si vous voulez plus de Valkyria Chronicles, il vous conviendra très bien, mais si vous attendiez un meilleur Valkyria Chronicles, vous serez probablement, comme moi, un peu déçu. Et si vous découvrez la série, le mieux est encore de se procurer le premier épisode.