Bien plus que le meilleur simulateur de roulade sur le marché.

La décision de noter les 2 premiers opus de la saga du Sorceleur provoque en moi un tiraillement en tout point semblable à celui ressenti lorsque je dois faire un choix dans un épisode de la-dite saga : je pèse le pour et le contre, je change d'avis quinze fois, et quand je crois m'être finalement décidé, j'ai encore quelques arrières-pensées qui me tiraillent, m’agressant pour me demander s'il n'y avait vraiment pas d'autre solution.


Dur dur en effet de mettre la même note aux 2 jeux, alors qu'en les plaçant côte à côte dans la même pièce, on a vraiment l'impression, au premier coup d'oeil, d'avoir un bossu hémiplégique à côté d'un gamin adorable qui joue du Beethoven au piano. Même famille, vraiment ? Sérieux, vous êtes sûr qu'il a pas été adopté ?


Sauf qu'il s'avère qu'en dehors de Beethoven, le gamin a une méchante tendance à baver en louchant dès qu'on lui demande de jouer autre chose, tandis que, comme on l'a vu dans une critique précédente, tout bossu et hémiplégique qu'il est, son papa arrive à raconter des histoires avec une voix d'or.


Si vous avez du mal à voir où je veux en venir, je fais simple : au premier abord, on a vraiment pas l'impression que les deux jeux sortent du même studio. Le chemin parcouru en 4 ans est ahurissant : graphismes, mise en scène, gameplay, tout a été démonté, retravaillé, poli, remonté et soigneusement astiqué.


Et globalement, ça dépote. Mais les problèmes sont cette fois d'une nature différente, quand ce ne sont pas de vieux ennemis qui reviennent hanter le Loup Blanc. Voyons plutôt.



Au service de sa majesté



The Witcher II : Assassins of Kings, sorti en 2011, est la suite directe du premier opus : situé quelques temps après les événements qui ont amené Geralt de Riv à traîner ses pompes crasseuses et sa sale tronche parmi les grands du monde, on retrouve le Sorceleur dans une position pour le moins inconfortable puisqu'il est accusé du meurtre du roi Foltest de Téméria, meurtre que bien entendu, notre acariâtre mutant préféré n'a pas commis.


C'est donc à vous que va incomber la lourde tâche de retrouver l'assassin réel, de le traduire devant la justice et de laver votre nom. Tout ça en essayant d'éviter une guerre entre les différents royaumes voisins qui ont l'air bien décidés à se partager le gâteau laissé par la mort de Foltest. Et en chassant des monstres, aussi, de temps en temps. Vous savez, quoi, le taf d'un Sorceleur.


Commençons par les bons points : CD Projekt, pour son deuxième RPG situé dans l'univers des romans d'Andrzej Sapkowski a fait le pari de complétement revoir sa copie sur quasiment tous les points : nouveau moteur de jeu, nouveau gameplay, nouveaux graphismes, je vous ai déjà dit qu'on avait l'impression que ça avait pas été fait par le même studio ? Ah désolé, c'est à force de jouer des persos amnésiques ça.


Graphismes


Faut avouer, ça claque plutôt pas mal. Les environnements sont beaux et fourmillent de détails, surtout lors des premiers chapitres. Le character design est à tomber, même s'il cède un peu trop souvent aux sirènes du fan service (j'ai rien contre les décolletés, mais j'aime bien quand ils restent un minimum en adéquation avec le contexte général : PAS DE DÉCOLLETÉ SUR UNE PUTAIN D'ARMURE DE PLATES. C'EST LA GUERRE, MERDE.). Sinon, les visages sont beaux, les animations plutôt naturelles, les environnements vachement travaillés (mais un peu petits du coup), les oiseaux chantent, la vie est chouette.


Gameplay


Le combat a été complétement repensé pour taper plus dans la catégorie Action-RPG, avec quelques petites subtilités : on peut lancer des bombes, faire des roulades, parer, poser des pièges, bref, on a tout un attirail de chasseur de monstre tri-classé danseur, ingénieur à disposition. C'est largement plus dynamique que le premier.


Univers


Celui-là, ils n'y ont pas retouché, et ils ont bien fait. C'est toujours le même univers de fantasy sombre, un peu pulp, plein de fils-de-puterie ordinaire et de dilemmes moraux intenables. Et c'est un plaisir d'y revenir. D'autant que globalement, tout est un peu plus travaillé : si le premier épisode faisait amateur sur de nombreux points, ici, l'histoire principale passe au premier plan, s'avère bien mieux rythmée et très agréable à suivre. Les personnages sont pour la plupart excellents, et le jeu parvient à conserver un ton cynique qui apporte à l'univers une fraîcheur incroyable.


The Witcher II garde également la logique précédente de proposer au joueur un maximum de choix différents et assez peu manichéens. Quand tout le monde est un connard potentiel, difficile de savoir qui suivre. Son plus grand succès est sans conteste le fait de vous faire effectuer des choix sans vraiment y penser et d'y astreindre des conséquences assez dramatiques. Les développeurs ont poussé cette logique très loin puisque


le deuxième chapitre de l'histoire va s'avérer totalement différent en fonction d'un choix effectué dans le chapitre précédent, vous plaçant d'un côté de la guerre en cours ou de l'autre, avec un ensemble de quêtes et une version complétement différente de l'histoire à la clé.


Globalement, pour rester dans les points positifs, on peut dire que The Witcher II part avec beaucoup plus d'ambition que son aîné, afin de le surpasser sur tous les points, et se montre encore une fois très généreux.



Le chemin parcouru, et celui qu'il reste à parcourir



J'ai conscience que The Witcher 2 présente largement plus de points positifs que de points négatifs. Néanmoins, le tort principal qui m'empêche d'aduler ce jeu est tout simple : il laisse le gameplay se mettre en travers de l'histoire.


En jouant à ce second opus, j'ai eu du mal à m'empêcher de faire un parallèle avec les jeux développés par Telltale Interactive, notamment la série des Walking Dead et celle des adaptations de Game of Thrones. Ces jeux ont un point commun avec le Sorceleur, dans le sens où la majorité de leur talent vient de leur capacité à raconter une histoire et à constamment harceler le joueur en lui mettant sous le nez des choix impossibles.


Mais là où Telltale se contente d'un gameplay vraiment minimaliste pour mettre le paquet sur les interactions entre personnages, à tel point qu'il serait beaucoup plus juste de qualifier leurs jeux d'histoires interactives, The Witcher 2 fait appel à un gameplay d'action-RPG classique, qui vient desservir l'histoire. Je m'explique.


Progression et combat


A la fin du premier Witcher, Geralt était redevenu le Sorceleur d'autrefois : épéiste hors-pair possédant en plus quelques capacités magiques, des cocktails à faire pâlir d'envie n'importe quel tenancier de taverne et des mutations génétiques.


Au début du 2, on oublie tout ça, ou plutôt on garde l'ensemble des techniques, mais on remet les compteurs à zéro. D'un point de vue ludique, ça peut faire sens : c'est un jeu de rôle, il faut qu'il y ait des montées de niveaux.


D'un point de vue scénaristique, c'est bizarre et peu crédible : étant redevenu fragile, Geralt passe la moitié de son temps en combat à abuser des roulades contre des ennemis qu'il envoyait voler quelques semaines auparavant. Du coup, les combats durent trois plombes.


Si l'arbre des compétences avait ouvert des possibilités intéressantes encore, pourquoi pas. Mais franchement, ça ne change pas grand chose, et en plus l'équilibrage est un peu naze : au début du jeu, tout le monde peut nettoyer le sol avec votre tête. Passé le premier chapitre, vous traverserez les groupes de monstres comme du beurre. Ça prend juste du temps.


Idem, le crafting n'est pas super intéressant et surtout terriblement chiant à faire, la faute à un inventaire très joli, mais très chiant à parcourir. D'autant qu'on le sent plus comme une addition forcée au jeu que comme un réel atout pour l'histoire. Je suis à la recherche d'un régicide sous amphét', vous croyez vraiment que j'ai le temps de faire de la couture pour 3 points d'armure ?


Du coup, je me suis pas vraiment compliqué la vie de ce point de vue là : une épée de chaque, une armure, des bonus de stat au pif : on change au début de chaque chapitre (même pas sûr que ça soit vraiment utile) et après, j'y retourne plus. Je veux connaître la suite de l'histoire, merde !


Gameplay approximatif


Le gameplay est certes plus riche et dynamique que dans le premier volet, mais il est aussi très très brouillon et approximatif dans les phases d'action : Geralt ne tape pas forcément là où il veut, les déplacements sont un peu foireux, les esquives / pirouettes vous mettent plus souvent dans le caca qu'elles ne vous en sortent, et l'espèce de pause pour viser en utilisant des bombes est assez complexe à utiliser dans le feu de l'action.


Pour le guerrier d'élite à l'agilité surhumaine, on repassera.


Et pour l'autre grande nouveauté du titre, l'infiltration, c'est encore pire. Ces séquences donnent vraiment l'impression d'avoir été codées à l'arrache, ce qui est regrettable car elles apportent un changement bienvenu à la profusion de combats "bouche-trous" qu'on rencontre dans le jeu.


Enfin, les combats contre les boss sont dans leur grande majorité oubliables et peu intéressants.


Globalement, j'ai ressenti les séquences d'action plus comme des freins ou des passages obligés pour connaître la suite de l'histoire, que comme de vraies bonnes tranches de jeu vidéo. Et j'en suis déçu.


Univers perfectible


L'univers de The Witcher est un des meilleurs univers de fantasy disponible dans les jeux vidéo pour le moment, je pense ne pas prendre trop de risque en affirmant ça. Mais l’exécution et l'immersion sont cassées par les plus petits trucs, qui viennent juste d'une volonté de "gamifier" le jeu sans vraiment avoir de rapport avec l'histoire, un peu comme ce que je disais plus haut sur le système de progression.


Encore une fois, vous pouvez être un gros kleptomane et personne ne vous dira rien.


Mais pour prendre un vrai exemple : les monstres. Le bestiaire est un peu moins varié et intéressant que dans le premier épisode, l'optique de cet opus n'est clairement pas la chasse aux monstres et la plupart des problèmes leur étant liés se régleront à grands coups d'épée dans la margoulette.


Pire, les tristement fameuses quêtes du type : "ramène-moi trente poils de fion de harpie, c'est pour un tapis" sont toujours présentes.



  • Avantage : elles sont relativement bien intégrées à la trame
    générale. Les monstres se baladent tout le temps dans des zones où
    vous allez de toute façon mettre les pieds pour les besoins de la
    quête principale.

  • Inconvénient : ça veut dire qu'il y a une concentration ridicule de
    monstres bouche-trous au m². Si je tombe sur un scarabée géant tous
    les 50 m, je me demande comment font les paysans du coin pour aller
    vendre leurs choux au marché.


Je trouve intéressante l'idée de jouer un chasseur de monstres professionnels. Tout le travail autour du premier boss de l'histoire m'a d'ailleurs bien plu : recherche d'informations, préparation du combat en amont, possibilité de se prémunir contre certaines de ses capacités... Dommage que ça n'arrive plus guère ensuite dans le jeu, le reste étant du hack'n slash basique et pas très fun.


Restent toutefois quelques rencontres cools : les trolls sont probablement mes chouchous, mais la succube ou l'asile sont autant de rencontres intéressantes avec la gent monstrueuse. Quand les développeurs prennent le temps de scénariser le taf d'un sorceleur, ils le font sacrément bien.



A retenir :




  • Ambiance ++++ : On retrouve avec plaisir le même cocktail fantasy, dilemmes moraux et problématiques modernes, et ça marche toujours aussi bien.

  • Difficulté ++ : Le début du jeu vous donnera du fil à retordre, la faute à un équilibrage foireux et un gameplay brouillon. La suite, c'est une balade.

  • Gameplay ++ : Plus générique que celui du premier opus, il souffre d'une exécution assez bancale et de pas mal de problèmes. Ça reste toutefois correct.

  • Graphismes ++++ : Tant la direction artistique que les graphismes font de ce jeu une petite merveille à regarder, même maintenant. Globalement, c'est un régal pour les yeux.

  • Scénario +++ : Un épisode qui fait la part belle aux intrigues politiques, dans une chasse au régicide. Comme le précédent : ça révolutionne pas le genre, mais ça se suit bien et vous êtes toujours plus celui qui façonne l'histoire.

  • Durée de vie ++ : Comptez entre vingt et trente heures pour voir la fin de l'histoire. Les choix impactant véritablement l'histoire (cf le spoiler), recommencer l'histoire pour en saisir tous les enjeux est vivement conseillé.


Quand même les gars, chapeau pour le travail accompli. Entre le premier épisode et le second, c'est un pas de géant que vous avez effectué. Il y a encore des trucs à améliorer, mais vous êtes largement sur la bonne voie. J'ai un peu suivi les retours sur le prochain chapitre de la saga, et apparemment, vous avez réussi à faire un deuxième pas de géant. S'il vous fallait ces deux premiers épisodes pour vous faire la main, tant mieux, parce que ça aura été un plaisir de les parcourir. On se revoit pour le 3 !

Hamsolovski
7
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le 10 juil. 2015

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Hamsolovski

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