Sifu
7.3
Sifu

Jeu de Sloclap et Howie Lee (2022PlayStation 4)

Float like a butterfly, sting like a bee

Comme à chaque sortie d’un jeu FromSoftware où de l’un de ses descendants, le débat sur la difficulté revient sur le devant de la scène. Alors balayons rapidement cette conversation qui n’est féconde que pour les trolls d’un bord comme de l’autre : Sifu est exigeant et c’est ce qui fait son essence, traduisant la volonté des parisiens de Sloclap. Si vous n’êtes pas prêt à en baver, à mourir en boucle pour apprendre et devenir le nouveau dragon jaune, passez votre chemin, on a jamais eu autant de choix de jeux qu’à notre époque. Sinon, bienvenue dans l’arène Sifu.



"I fear not the man who has practiced 10,000 kicks once, but I fear the man who has practiced one kick 10,000 times." - Bruce Lee



Reprenant les bases d’Absolver, premier essai du studio en 2017, Sifu propose une fusion des genres. En termes de combats, on est sur une version très épurée d’un beat’em all à la Devil May Cry, où vous n’aurez pas trente six combos à vous remémorer, croisée avec ce qui se fait du côté des géniteurs de Dark Souls, et plus particulièrement de Sekiro. La castagne est nerveuse, dynamique, et vous demandera d’apprendre les patterns de vos ennemis, créant un schéma de jeu qui pourrait grossièrement se résumer à : “jouer, morfler, apprendre, rejouer, optimiser, vaincre”. D’un point de vue mécanique, ça se traduit en une prise en main facile avec une maîtrise ardue (mais nécessaire). Maîtrise en parfait adéquation avec le propos du jeu, puisque de jeune disciple revanchard, on deviendra rapidement une sorte de Bruce Lee distribuant kicks et torgnoles en esquivant projectiles et coups adverses, prenant pleine possession de notre art martial (le kung fu Bak Mei). Cohérence ludo narrative donc. Sur ce concept, on devra soit baisser la barre de vie de nos ennemis, soit briser leur posture (cf Sekiro) avant de leur asséner un finisher fatal. Le point d’orgue de ces pugilats étant bien évidemment les combats de boss qui ponctuent chaque fin de niveau.


Mais le mélange des genres ne s’arrête pas là puisque le titre ira emprunter de nombreux éléments aux rogue-lites. On commence notre quête de vengeance à vingt ans, et chaque mort nous fera vieillir, jusqu’à atteindre un certain palier (75 ans si je ne m’abuse) qui résulte en un permadeath. Cela ne veut cependant pas dire que l’on aura le droit à 55 morts, puisque chaque échec fait monter un compteur, et ainsi, si l’on meurt une première fois, on passera à 21 ans, et si l’on persiste dans la défaite, on passera alors à 23, puis 26, 30 et ainsi de suite. Un effet boule de neige dans la difficulté donc, l’avancée de votre âge ne se traduisant pas que visuellement mais également par une perte de points de vie et un gain de dégâts infligés. Il sera fort heureusement possible de réduire ce compteur par différents moyens, l’un d’entre eux étant tout simplement de vaincre un boss ou un un ennemi plus redoutable que la moyenne. A ce système vient s’ajouter tout un panel de compétences dans lesquelles on pourra investir notre expérience afin de les débloquer pour la run en cours, ou dans lesquelles on pourra mettre cinq fois la quantité d’expérience initiale afin de les rendre permanentes sur votre sauvegarde. En parallèle, des autels trouvés dans chaque niveau prodiguent des bonus propres à la run en cours, étant accessibles selon trois critères : votre âge, votre score sur la zone en cours ou par l’expérience que vous êtes prêt à dépenser. Rogue-lite donc. Heureusement, le permadeath est tempéré par un système de checkpoint, chaque niveau sauvegardant votre progrès une fois terminé. Exemple par souci de clarté:
Je termine le premier niveau à 35 ans, puis meurt sur le second. Je n’aurais qu’à recommencer le second niveau, à l’âge le plus bas que j’avais en l’atteignant. Ce qui veut dire que je vais relancer le premier niveau en essayant d’optimiser mon jeu, et tenter d’arriver au second à 22 ans et un compteur de mort plus faible afin de retenter ma chance. Et ainsi de suite pour les niveaux suivants.
Cette mécanique de répétition est primordiale, elle fait partie intégrante de la proposition de Sifu, en témoignent ces différents raccourcis que l’on débloque dans les niveaux pour nos futures revisites. En vérité le jeu est court, et pourrait théoriquement se finir sous la barre des deux heures pour une première run. Mais le fait est que j’y ai passé une vingtaine d’heures afin de le finir avec moins de vingt cinq années au compteur, par force d’acharnement à améliorer encore et toujours mes performances sur chacun des cinq mondes.



A Touch of Zen



Pour créer ce simulateur d’arts martiaux, Sloclap a tiré son imagerie de nombreuses références. La plus évidente (et avouée par l’équipe), ce sont les films de Jackie Chan, où les coups connectent, où la chorégraphie est primordiale et aérienne, et où chaque élément du décor peut rentrer dans ce ballet destructeur. Mais on pourra citer pêle-mêle des références à Kill Bill, que ce soient par certains effets de lumières pantomimiques, où par ce duel dans la neige, une reproduction de la scène du couloir de Old Boy assez jouissive, ou encore les bambouseraies d’un Tigre et Dragon. L’amour pour les genres du film d’arts martiaux et du wu xia est évident et enthousiasmant. D’autant plus que les chorégraphies sont chiadées, piochant dans une bibliothèque d’animations très riche, que les impacts se font ressentir, notamment grâce à l’efficacité du sound design et de la musique au tempo immersif. Le tout est servi par des visuels épurés mais de toute beauté, se permettant par ailleurs certains moments de respiration permettant d’apprécier le souci du détail dans la construction des intérieurs et extérieurs variés que nous sommes amenés à parcourir.
D’un point de vue technique (ici sur PS5), on appréciera l’absence de chargements, la fluidité du framerate et la mise à profit des capacités de la Dualsense. Malheureusement, Sifu fait un autre emprunt à Sekiro, c’est sa caméra parfois aux fraises. Et si c’était pardonnable dans l’aventure de l’Okami car cela ne se manifestait que dans les zones étriquées, l’immense majorité des aires de combats sont étroites ici. Le plus gros défaut du jeu donc, qui sera la seule cause de frustration que j’ai pu rencontrer.


Sifu tient ses promesses donc. Petit jeu indépendant aux ambitions de gameplay maîtrisées, grâce à l’échelle raisonnable de son contenu. Court mais dense, le deuxième titre de Sloclap est de très bon augure pour la suite du parcours du studio. On ne peut leur souhaiter que bonne chance.

Créée

le 1 mars 2022

Critique lue 211 fois

6 j'aime

Frakkazak

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6

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