Qui est Fumito Ueda ? Si je vous pose la question, c'est parceque le personnage est indissociable de ce qu'est Shadow Of The Colossus. La création d'un jeux vidéo est souvent le fruit d'un travail d'équipe : des designers, des programmeurs, des compositeurs, des scénaristes... Et c'est aussi le cas ici évidemment, il ne faut pas minimiser le travail des équipes de la Team Ico. Mais les jeux Ueda font partie de ce que l'on appelle depuis quelques années des "jeux d'auteurs". Des œuvres issus majoritairement d'un esprit, une vision unique. Ueda est un artiste, pas forcément issu du milieu vidéoludique mais qui trouve rapidement dans ce média une nouvelle façon de conter une histoire. Il y voit des opportunités de faire ressentir des choses nouvelles par le lien qui unie le joueur à son personnage ou son environnement. Une nouvelle forme d'art. Et dans cet optique sort son premier jeu : ICO.
Le jeu est un succès critique mais reste un peu plus confidentiel pour les joueurs. Un univers poétique (ce mot risque de revenir de façon fréquente j'en ai peur, alors je m'engage à ne l'utiliser que 3 fois... Promis !), sobre, épuré. Ueda inventera même une nouvelle façon de concevoir un jeu, il l'appellera : "La conception par soustraction".
Cela consiste à créer un jeu de façon traditionnel, mais à ensuite supprimer tout ce qui peut l'être et qui n'est pas vital pour susciter l'émotion. Ainsi ICO se voit amputé de tout mécanisme considéré comme essentiel à l'époque : Aucune barre de vie, pas de menu, d'équipements, de stats, de niveaux ... Il ira même jusqu'a supprimer toute forme de "dialogue" dans le sens ou les 2 personnages semblent parler chacun dans un dialecte différent dont nous n'en comprenons aucun.
Bref ICO bouscule les codes. ICO est déjà un grand jeu.


LA GENESE


Shadow of the Colossus est le second jeu de Fumito Ueda maintenant devenu pour Sony l'incarnation d'un jeu vidéo différent, profond, et (devinez l'adjectif ?!)..... Poétique(2). Il sort en 2006 et ce qui est sur, c'est que Ueda le visionnaire a vu loin pour son second projet. Tellement loin que les pauvres Playstation 2 sont en PLS devant l'ambition technique démesurée du projet. Les consoles rament, chauffent et parfois même meurt en tentant d'afficher des Colosses tantôt créatures majestueuses, tantôt niveau mobile à part entière. Ueda avait 10 ans d'avance sur son temps. Le jeu devient au fil des ans un objet de culte, régulièrement cité dans les classements des meilleurs jeux de tout les temps, ceux qu'il faut faire une fois dans sa vie, ceux qui tirent l'industrie vers le haut.


Bluepoint n'en est pas à son coup d'essais. Déjà à l'œuvre sur d'autres Remastered (God of War Collection par exemple), ils sont également derrière "Ico and Shadow of the Colossus Collection" parue en 2011 soit 5 ans après l'original. Un remastered efficace, surtout en terme de stabilité puisqu'il permettait un affichage à 30 images / secondes presque toujours constant. Une belle occasion pour les retardataire de découvrir les 2 premières œuvres du bonhomme (la 3éme étant The Last Guardian). Bien que la stabilité soit au rendez vous, il faut reconnaitre que 5 ans dans le jeux vidéo, c'est long. Et que le retard technique lui, était forcément la. Je ne suis pas un inconditionnel des graphismes que je considèrent comme secondaire mais il faut admettre que le temps avait passé et que cela se voyait. La 3D ça vieillit mal...
Et bien ça tombe bien car BluePoint a eu pour mission de complètement refaire Shadow of the Colossus afin de coller aux standards graphique actuelle. (sans Ico cette fois qui est peut être, lui, dans les cartons pour une annonce à l'E3 2018 ? ). Comble du luxe, c'est en 60 images par seconde que vous pourrait y jouer sur PS4 Pro.


Dans cette critique je ne me contenterai pas uniquement d'analyser l'aspect technique qui est l'argument principal de cette nouvelle itération, je ferai également une analyse/critique de l'œuvre en elle même pour une note globale de cette version PS4.


"LA MORT BRUTALE REND LE DEUIL IMPOSSIBLE"


L'histoire nous comte le récit de Wanda, que nous découvrons sur son fidèle destrier Agro. Les premières images nous montrent le voyage de notre héros qui brave les obstacles de la nature afin d'atteindre un lieu reculé. Ces terres sont l'objet de nombre de légendes et les traditions du village d'origine de Wanda en interdise l'accès à quiconque... Personne ne doit s'aventurer en ces terres. Mais on raconte aussi que la bas, un esprit nommé Dormin aurait le pouvoir de tromper la mort. En arrivant dans l'édifice central de ces lieux reculés, le héros dépose le corps d'une femme inanimée. A aucun moment le héros ne révélera le lien qui l'unit à la jeune femme mais la plupart des joueurs s'accorderont à dire qu'il s'agit de sa bien aimé.
Une voix retentit... Non... Un chœur de voix à la fois masculine et féminine... Protéiforme.
Dormin reconnait l'épée magique en possession de Wanda et en déduit qu'il est mortel. Le jeune héros en arrive rapidement au fait. Il veut ressusciter cette femme qualifiée de "maudite" par son village et sacrifiée en conséquence. Dormin confirme qu'il a le pouvoir de ramener à la vie un être humain mais qu'en échange le héros devra lui aussi faire quelque chose : Trouver et éliminer 16 colosses siégeant en ces terres ancestrales...


WANDA CONTRE GOLIATH


Le jeu repose sur un schéma très mathématique : Vous êtes dans l'édifice principal, Dormin vous évoque succinctement le prochain colosse à terrassé, vous le trouvez, l'abattez, et vous réveillez à nouveau au sein de cet édifice.
Pour trouver les colosses vous aurez à dégainer votre épée, qui, lorsqu'elle est brandit en l'air indique par un rayon de lumière dans quelle direction se trouve votre cible. Attention on ne parle pas d'un GPS soyons clair, il s'agit simplement de savoir s'il est au Nord au Sud etc... Il vous faudra chercher afin de les trouver. Ainsi, Agro, votre fidèle destrier, sera toujours de la partie pour des ballades aux 4 coins de cette vaste zone. Parlons en de ces chevauchées sauvages : C'est un des gros point fort du jeu à mon sens. Oubliez les quêtes annexes archi rabâchées des jeux modernes, ici il n'y a rien à faire hormis attraper quelques lézards ou fruits afin d'augmenter légèrement la barre d'endurance ou de vie. Le mot d'ordre est la contemplation. Et ça fait son effet. Il se dégage quelque chose de mystérieux de ces lieux. Et une simple balade en solitaire suffit à créer quelque chose, des souvenirs. Poétique (3)


CARTE POSTALE COLOSSALE


Techniquement BluePoint a fait un travail fabuleux. A la fois bluffant et respectueux du produit d'origine. Le jeu propose soit un mode "graphisme" optant pour une plus belle qualité d'images et plus de détails mais bloquant le taux d'images par secondes à 30. Ou alors un rendu fluidité de 60 images par secondes un peu moins joli mais toujours magnifique quoi qu'il en soit. Personnellement quand ce genre de choix m'est offert j'opte pour une fluidité améliorée. Dans les deux cas le jeu est hypnotisant. On y retrouve ce charme unique mais avec les moyens actuels. Et quand on le voit tourné on se dit qu'il le méritait tellement... On est à 1000 lieux des remastered opportuniste qui sortent à foison pour renflouer les caisses. Ici c'est une lettre d'amour à l'original. L'esprit conservé, le plaisir renouvelé. Il suffit de voir ces colosses se mouvoir pour être pris de béatitude devant leur aspect à la fois imposant et gracieux. Les terrasser est de nouveau un crève cœur. Pour profiter pleinement de ce joli travail, le jeu se pare d'un mode photo irrésistible pour immortaliser les moments de grâces par dizaines. Moi qui y voyait un gadget à la mode, je me suis rapidement pris au jeu vu toute les options possibles. Inutile donc indispensable évidemment.


IN THE LAND OF HAPPINESS


Autre aspect par lequel le jeu tutoie l'excellence : La bande son. Le travail de Kow Otani est d'une justesse totale. Que ce soit par les morceaux ambiants ou les envolées épiques, chaque morceau confère un semblant d'âme à chaque moment ou il est joué. L'aspect sonore est une composante essentielle de l'oeuvre. Les bruits massifs des titans, les chants de la nature durant les chevauchées, les morceaux épiques durent les affrontements, les choeurs venant transcendé un moment fort... C'est bien simple, cette bande son est une des plus belle que le média ait pu offrir. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai pu l'écouter au casque, ou en ambiance sonore...


https://www.youtube.com/watch?v=PT_SxEUT9Ks


MASTERPIECE


Les jeux Fumito Ueda sont des oeuvres singuliére, elle font appel à votre capacité à ressentir, à vous immerger complétement le temps d'une poignée d'heure dans ses univers.
La ou Ico proposait une aventure où 2 personnages affrontent l'adversité mue par une même envie de s'échapper de leur prison symbolisé par un château.
La où The Last Guardian raconte l'aventure d'un jeune garçon et une créature sauvage inconnue mais aussi la relation qui les lie et qui se construit.
Shadow Of The Colossus est le joyau noir de la trilogie Ueda, celui qui dégage la plus forte ambigüité entre la tache à accomplir, et ce qu'elle force à faire pour y parvenir. L'histoire d'un homme luttant contre la mort d'un être cher, jusqu'à braver les interdits et tout les dangers, qu'importe le prix. On en ressort totalement choqué, changé même. Le jeu habite les pensées de quiconque le fini pour la première fois. On prend conscience que l'on a vécu une expérience de jeu comme jamais, quelque chose de nouveau, qui prête à réfléchir. Pas seulement sur son histoire où sa conclusion, mais aussi parcequ'il incarne la preuve que le média est capable de choses insoupçonnées. On se fout des trophées, des récompenses, des statistiques, des quêtes annexes, bref des mécaniques inhérentes au jeu vidéo.
Le trophée c'est le jeu lui même. La récompense c'est de l'avoir vécu.


Chef d'œuvre : Ouvrage capital et supérieur dans un genre quelconque ; la meilleure œuvre d'un auteur.


NB : Si vous souhaitez aller plus loin, un ouvrage sur Fumito Ueda est disponible chez Third Edition, intégralement en Français.

Joo-Hwan
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le 15 févr. 2018

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