Peut contenir des traces de spoilers
Réalisé par les gens de Bluepoint, qui sont spécialisés dans le dépoussiérage de jeux (c'est eux qui se sont chargés du remaster de MGS 2 et 3 sur la génération précédente (et grâce à eux j'ai découvert MGS merci), ce remake 2018 du chef d'oeuvre de Fumito Ueda Shadow Of The Colossus offre une magnifique occasion aux joueurs qui l'auraient raté sur PS2 ou PS3 de se perdre dans les Terres Interdites.
Je fais partie de cette frange de joueurs qui était trop jeune en 2005 (j'avais que des jeux de courses sur ma PS2 haha honte) et qui n'avait pas de PS3 en 2011, et qui donc découvre ce jeu 13 ans après tout le monde. Autant dire que pendant des années, j'ai été nourri par la légende du 2e jeu de la Team Ico et de Fumito Ueda, un jeu qu'on retrouve systématiquement dans tous les tops des meilleurs jeux de tous les temps, un jeu dont l'héritage se retrouve même dans les productions les plus récentes, un jeu qui à l'époque avait repoussé la pauvre PS2 dans ses derniers retranchements. Au fil des ans je m'étais forgé une image très particulière du jeu. Quand Sony a annoncé ce remake, j'étais très content parce que je possédais enfin la machine qui me permettrait de découvrir ce jeu légendaire.
Quand j'ai inséré le blu ray du jeu dans ma PS4, c'était un mélange d'appréhension et d'excitation qui m'emplissait. L'excitation d'abord. J'ai enfin l'occasion de jouer à Shadow Of The Colossus ! Ça fait au moins 7 ans que j'attends ça.
L'appréhension : deux jours avant j'avais acheté The Last Guardian histoire de me familiariser avec la pâte Ueda, et j'avais été passablement refroidi par les contrôles un peu particuliers, l'animation très détaillée (aussi présente dans SotC) rendant le déplacement du garçon très lourd (ce n'est pas le cas de SotC) et CETTE CAMÉRA DU DÉMON. Même si Trico est mignon hahaha...
Je vais présenter vaguement le contexte, tout le monde connaît le jeu de toutes façons : On incarne Wanda, un jeune homme qui voyage jusqu'aux "Terres Interdites" pour ressusciter Mono, une jeune fille sacrifiée car elle était maudite. Maudite de quoi ? Et ben on le saura jamais vraiment, Ueda laisse le joueur imaginer. C'est tout ce qui fait la magie de SotC. Ce mystère, cet onirisme. Pour ressusciter Mono, Wanda est investi d'une mission par Dormin, entité à la voix dissonante à la fois masculine et féminine : abattre 16 colosses. Cela paraît impossible, mais c'est le seul moyen pour Wanda de récupérer la jeune fille.
Néanmoins, les premiers pas dans les Terres Désolées furent mitigés. J'étais à la fois complètement conquis par l'ambiance générale du jeu, ce langage inintelligible et pourtant très cohérent, ces couleurs (activez le filtre "délavé" et vous aurez droit à une direction artistique très proche de la PS2, le "bloom" en moins et les graphismes et la fluidité en plus), ces panoramas absolument magnifiques... et puis arrivé face au 1er colosse c'est la débandade. J'arrive pas à jouer haha, il faut dire que malgré la refonte des commandes, ça reste très spécifique comme jeu et il faut s'y faire. J'arrive tout de même à venir à bout du titan avant d'être transpercé par une substance noire émanant du colosse déchu et de me réveiller au temple où se trouve Mono toujours morte de décès.
Et dès le 2nd colosse, tous mes doutes s'évacuent. Une fois le gameplay maîtrisé (ce qui est une affaire de minute, on galère sur le premier et ensuite ça va tranquille), je me sens investi d'une mission. Il faut sauver Mono ! Les colosses tombent les uns après les autres, je me perds dans la map (un plaisir, vraiment ! c'est tellement joli), mais plus j'avance et plus je doute... finalement ils ne m'ont rien fait ces bêtes... et puis Wanda.. change peu à peu. Il est vrai que Dormin, au début du jeu, nous a dit qu'il y avait un prix à payer plutôt lourd pour ressusciter notre amie/âme-soeur (???).
Au fil des combats, tous plus épiques les uns que les autres grâce à la magistrale OST de Kow Otani, Shadow Of The Colossus se teinte de plus en plus d'une noirceur et d'une certaine mélancolie, les victoires sont amères, et à chaque fois que nous sommes ramenés dans le sanctuaires, la voix d'une femme (Mono ?) dans cette sorte d'écran de chargement/vision ésotérique se fait de plus en plus audible. On est malgré ça à 100% investis dans notre mission de ramener Mono à la vie, et c'est ce qui nous fait continuer. De ce fait jamais la répétitivité ou la routine ne s'installe, même si d'un œil extérieur on peut se dire "mais on fait que tuer des colosses c'est chiant" et bien pas du tout. Il faut se laisse immerger, et on finit par s'attacher à Agro notre fidèle cheval et à Mono même si elle reste à faire la morte. Ah Mono, on ferait n'importe quoi pour elle. Ueda est vraiment fort pour créer des liens entre le joueur et les personnages. Jusqu'à cette fin remplie d'émotions, superbe.
Tout ça pour dire que 13 ans après, et malgré un sacré ravalement de façade par Bluepoint, Shadow n'a rien perdu de son onirisme, de son aura et il est à la hauteur de sa légende.
Un très, très très très grand jeu.