Ma relation avec les FromSoft n'est pas des plus faciles. Durant les dix dernières années, j'ai touché plusieurs fois à Dark Souls, Bloodborne et Sekiro, en allant plus ou moins loin dans mes tentatives (aux trois quarts pour Dark Souls, pas plus loin que le Père Gascogne pour Bloodborne...). J'apprécie énormément le rythme de ces jeux : il faut être prudent, avancer lentement et faire la distinction entre les moments propices à l'offense et ceux où il faut se défendre. Mais souvent, je bloque face aux boss. Je panique en voyant leurs barres de vie gigantesques, j'attaque trop, je défends trop, et sans doute que je n'observe pas assez. À chaque fois, j'abandonne le jeu quand survient un mur de difficulté qui me semble insurmontable.


Sort Elden Ring, et là, c'est le coup de foudre. Le passage à l'open-world permet de lisser la courbe de difficulté à la guise du joueur, et on y est paradoxalement plus guidé que dans les autres jeux du studio. Le jeu est toujours difficile, mais beaucoup moins austère, et d'une beauté à couper le souffle. Mais le jeu est long, trop long, et au bout de 80 heures, je ne suis toujours pas sorti de la capitale. J'arrête, néanmoins totalement satisfait de mon expérience avec le jeu.


Cette année, je lance Sekiro, avec un but différent : celui de le terminer. La dernière fois, je m'étais éclaté les dents sur un boss du début du jeu : la Dame Papillon. J'avais fini par la battre après des dizaines et des dizaines d'essais, mais la perspective de revivre cette expérience franchement désagréable avec tous les autres boss du jeu m'a fait perdre courage.


Mais cette fois-ci, en 2024, le fameux déclic FromSoftien s'est fait. Je ne saurais trop dire ce qui a changé entre mon premier essai sur le jeu et celui-ci. Elden Ring est sans doute passé par là, le système de parade et de posture ennemie à briser a fait son chemin dans un tas d'autre jeu depuis. Toujours est-il que le jeu me semble maintenant plus... abordable ?


Il n'est pas facile, attention. Ce n'est pas un RPG, donc on ne peut pas grinder des ennemis pour augmenter ses statistiques. On peut augmenter de temps en temps sa barre de vie, son endurance, sa puissance d'attaque et le nombre de fioles de soin transportées, mais uniquement à des moments précis, grâce à des consommables au nombre limité.


Mais le jeu me paraît abordable, car assez simple à prendre en main : il y a peu de boutons d'action et quasiment aucun combo. Surtout, il ne fait jamais d'écart dans sa philosophie de gameplay de combat.


Celle-ci est très simple. On dévie les attaques en appuyant au bon moment sur la touche de parade, ce qui permet de faire grimper la barre de posture des ennemis. Quand cette barre est remplie, on peut tuer l'ennemi en un seul coup. Moins l'ennemi a de vie, plus il est facile de remplir sa barre de posture (car elle se videra moins rapidement).


Et c'est tout, ou presque. Les ennemis ont des coups imparables (qui sont gentiment indiqués par un gros kanji "DANGER" au-dessus de leur tête), qu'on peut souvent exploiter en esquivant d'une manière particulière pour remplir grandement la jauge de posture de l'adversaire.


Et c'est tout, pour de vrai. C'est quelques éléments permettent d'appréhender la totalité des rencontres dans Sekiro. De l'ennemi commun le plus insignifiant, au boss le plus coriace. Le jeu ne triche jamais.


Bien sûr, ça ne l'empêchera pas de paraître parfois franchement hostile. Il n'est pas rare qu'un seul coup vous enlève les 3/4 de votre barre de vie. Mais plus le coup fait mal, plus il est facile à anticiper et à éviter ou parer. Car le jeu vous veut du bien, plus qu'il n'en laisse paraître.


Dans Sekiro, les combats de boss servent à s'assurer que vous avez bien compris les principes du jeu. Tous les boss sont faillibles, mais tous peuvent être difficiles à appréhender. Aucun ne nécessite des réflexes aiguisés, ils sont généralement assez généreux sur les temps de réactions nécessaires pour le joueur. Ce qu'il vous demandera, c'est d'étudier et de comprendre les différents patterns du boss, quand attaquer, quand fuir, quand parer, quand esquiver.


Les boss se Sekiro sont semblables à une partition de musique. Au départ, on la déchiffre grossièrement. Ce n'est pas le moment le plus agréable : elle nous semble parfois tant insurmontable qu'on se demande si on a jamais su faire de la musique. Puis, on commence à comprendre la structure général du morceau, et on arrive même à jouer correctement quelques passages. Peu à peu, notre exécution s'affine, et arrive un instant où le morceau nous paraît maîtrisé de bout en bout. C'est le moment que je préfère : celui on l'on joue convenablement chaque phase du boss, et qu'on sait que la victoire peut à présent survenir à n'importe quelle tentative. Et c'est une autre grande force de Sekiro : il n'attendra pas de vous que vous ayez atteint le niveau de virtuose sur chaque partition. Un niveau de maîtrise suffit : si vous ratez quelques notes, que votre rythmique est un peu décalée ici ou là, la victoire sera quand même accessible.


Je ne dis pas que le jeu est pour tout le monde. Beaucoup seront repoussés par la résilience qu'il demande, et c'est tout à fait compréhensible. Chacun ses préférences, et ici, en l'occurrence, il ne faut pas être allergique à de la difficulté plutôt salée, et il ne faut pas avoir peur de recommencer une ou des dizaines de fois un même combat, même si le jeu a le bon goût de placer des checkpoints juste avant les combats de boss, ce qui permet de retourner immédiatement au combat après chaque échec, et rendre ceux-ci beaucoup moins frustrants. Mais pour quiconque se sent d'humeur endurante, avec du temps et de l'énergie à revendre, Sekiro pourra vous délivrer un panel d'émotions incroyablement fortes qui justifient le coût d'entrée cognitif un peu élevé.


Vous l'avez compris, ce que j'ai retenu de Sekiro, ce sont ses boss. Pour le reste, je conseillerai presque de le faire avec un guide à côté, particulièrement si la narration ne vous intéresse pas plus que ça, comme c'était mon cas. Les allers-retours peuvent être frustrants, surtout quand on ne sait pas vers où l'on doit se diriger pour faire progresser l'histoire. Les ennemis "normaux" ont finalement peu d'intérêt passé le premier tiers du jeu, tout comme les mécaniques d'infiltration, très limitées.


Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais même enlevé le système de prothèse shinobi et de compétences, qui ajoutent des coups spéciaux avec de divers objets. Ils m'ont clairement bien servi face à certains boss, mais le système de combat de base est si simple, si évident, qu'il me semble être pollué par ces ajouts.


Donc voilà, après une trentaine d'heures, j'ai fini Sekiro. Des semaines plus tard, certains affrontements sont encore gravés dans mon esprit. Je pense qu'ils vont y rester un moment, et puis ils finiront par s'effacer et ne restera que le souvenir vague d'une mélodie. Mais qui sait, quand j'y retournerai dans quelques années, je me surprendrai peut-être à voir mes doigts danser sur des partitions que je pensais avoir oubliées.

HDogson
9
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le 2 mai 2024

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