Resident Evil 3
6.8
Resident Evil 3

Jeu de Capcom et M-Two (2020PC)

Critique publiée à l'origine sur Etoile et Champignon.fr


Sorti un an après le deuxième épisode, Resident Evil 3 Remake fait profiter sa suite du même traitement : il transforme le vieux survival horror de 1999 en un TPS souple et moderne, avec une caméra embarquée dans le dos du personnage, et des décors sublimement recomposés. Et si le climat de peur qui planait sur le RE 2 nouveau n’a pas disparu, loin s’en faut, il se joue maintenant sur le rythme d’une action dont l’intensité ne faiblit presque pas durant les 5 à 6 heures de la campagne.


Et le jeu ne perd pas de temps à se lancer : dès les premières minutes, sitôt découverts les nouveaux traits de notre héroïne Jill Valentine, un gigantesque colosse de chair fracasse un mur de son appartement. C’est le début d’une traque qui durera toute l’aventure, donnant au jeu son rythme de film d’action et son tempérament de shooter, riche en séquences jouissives qui mettent le tir au premier plan : on pense au siège de l’hôpital par des hordes de zombies, grand défouloir nourri de très nombreuses munitions, ou à ces premiers pas dans les rues de Raccoon City où l’on aura le plaisir de disposer des ennemis par grappes en tirant sur des barils explosifs.


De prime abord, la course-poursuite anxiogène au cœur de RE3 pourrait faire croire à une énième histoire de demoiselle en détresse, qui aurait besoin qu’on la sauve d’une sorte d’hyper prédateur. C’est tout l’inverse : le sujet nous semble plutôt celui d’une constante reprise en main de sa vulnérabilité, et en miroir, de notre peur, par l’action. Le fin mot n’est pas ici de dire que Jill est faible, qu’elle doit fuir à défaut de pouvoir lutter ; il est au contraire d’insister sur sa capacité à faire tourner son pourchasseur en bourrique et à lui tenir tête, avec le même aplomb que celui qu’elle affiche lorsqu’elle neutralise la dragouille light de son acolyte. Cette fille là ne s’en laisse compter ni par les machos mens à gros biscoto qui peuplent les fictions des jeux-vidéos, ni par les croquemitaines de cauchemar, et sa force, en plus d’attirer notre sympathie comme à l’époque celle de Ripley dans les Alien, nous guide vers une forme de courage, cette capacité à dépasser notre peur par une entrée dans l’action.


Ce virage vers l’action passe aussi par une narration « comme dans un film », dont le montage alterne entre deux personnages – Jill d’un côté, le barbouze Carlos de l’autre -, se relayant à plusieurs reprises dans des cliffhangers réellement haletants. Chaque changement de personnage s’effectue sur un pic dramatique hyper tendu, et précède souvent un emballement immédiat de l’action qui donne envie d’engloutir la suite sans attendre. D’un rebondissement spectaculaire à l’autre, l’histoire carbure à 100 à l’heure et laisse le souvenir d’une belle densité, sans un moment perdu, dont la seule contrepartie est un certain manque de matière à jouer, surtout pour un jeu au prix fort (70 euros à sa sortie). On y visite certes beaucoup de petits lieux différents (des maisons, des ruelles, des magasins, une belle place, un chantier…) qui entretiennent l’illusion d’un périple, mais les moments vécus et les lieux visités se récapitulent finalement assez vite, d’autant que contrairement à RE2, nulle campagne alternative ne vient prolonger la durée de vie.


Si l’on reste sur notre faim, c’est que le jeu reste plaisant de bout en bout. Ses zones sont globalement très agréables à pratiquer, de bonne taille, décloisonnées juste ce qu’il faut et reliées entre elles de façon crédible. On s’y sent invité à fureter dans le moindre recoin, et pas seulement pour y trouver munitions et objets de soin : chaque petit bout de décor regorge de détails intéressants à observer, qui racontent la vie passée ou le chaos naissant. Comme le début de FF7 Remake, qui brillait dans le registre de la narration environnementale, RE 3 prend son décor comme une matière première pour construire une minutieuse scénographie de l’horreur, avec ses rues encombrées de voitures et mangées par les flammes, ses magasins dont les enseignes en néons, toujours allumées, disent la soudaineté du drame, ses fast foods encombrés de cadavres et de plateaux repas, ou son usine électrique devenue le repaire d’énormes araignées, lieu de l’un des moments les plus flippants du jeu (bon courage aux arachnophobes). L’excellence de ce travail décoratif est en outre sublimé par des lumières stupéfiantes, encore plus que dans RE 2 : les néons colorés frappent par leur réalisme sur fond de ciel nocturne, les lampadaires font jouer d’effrayantes ombres projetées sur les murs (Nemesis ou pas Nemesis ?), et les éclairages intérieurs sont parmi les plus impressionnants vus dans un jeu.


Quant au commissariat à mi-parcours, aussi joli que dans l’épisode précédent, il est le lieu d’un autre plaisir : celui d’assister à la mise en place des scènes d’horreurs que l’on découvrira après-coup dans RE 2. Tel cadavre à la mâchoire déchirée se retrouve violemment projeté dans un coin, en préparation d’une horrible cinématique, tel autre s’empale sur un tuyau d’où il pendra toujours quelques heures plus tard (ou un jeu plus tôt). Au premier étage, les portes « à symbole » sont déjà prêtes à l’emploi pour leurs énigmes futures. Et à l’entrée du commissariat, un policier au visage familier rencontre son triste sort, avant de s’abriter à l’intérieur. On se plait à penser qu’il a filé prendre ses marques, comme un acteur se préparant pour la scène de sa rencontre avec Léon. Toute cette séquence du commissariat se vit comme l’installation « en direct » de toute une scénographie à usage différé, dans une sorte de bascule « en coulisses » qui en fait l’un des moments les plus ludiques de RE 3 pour qui à joué au jeu d’avant.


Finissons par quelques mots sur le Nemesis, le grand méchant du cru présent uniquement sur les segments jouables de Jill, et dont on s’attendait à ce qu’il nous rende la vie impossible. Au final, ses interventions sont dosées pour être flippante mais jamais à l’excès, et jamais trop longtemps, d’une façon qui nous totalement a convenue. Dans le jeu d’avant, on avait eu beaucoup plus de mal à gérer la peur latente qu’installait la marche lente de Mr. X, tellement certain de nous ratatiner qu’il n’avait même pas besoin de se presser. A l’inverse, le Nemesis nous agresse immédiatement de façon spectaculaire, mais cette attitude frénétique est paradoxalement trop visible pour terrifier. Par son inratable brutalité, elle nous exhorte à rentrer de plein pied dans l’action, notamment par l’esquive qui est un fabuleux outil pour dompter la peur que ne manque tout de même pas d’instiller sa présence intimidante. C’est cette dynamique positive entre la peur ponctuelle et la fuite « active » qui donne à RE 3 son identité, et en fait de le complément idéal de RE 2 sur un registre un peu différent.


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Benetoile
8
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le 8 mai 2020

Critique lue 205 fois

6 j'aime

Benetoile

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