Paper Mario: The Origami King
6.8
Paper Mario: The Origami King

Jeu de Intelligent Systems et Nintendo (2020Nintendo Switch)

Tu aimes le rubik's cube ? Non ? Ça va être chaud.

Petit historique afin de remettre la critique dans son contexte. La critique est dans le dernier chapitre intitulé "Paper Mario : The Origami King" :)



Nintendo 64



J'ai découvert la série Paper Mario avec l'épisode Nintendo 64, que j'avais acheté au moment de sa sortie, en 2001. J'avais adoré, le côté décalé, les combats astucieux (du tour par tour avec des actions "timing"), le style graphique charmant et unique, les personnages si particuliers qui nous accompagnent et que l'on rencontre, et cette cohérence d'un monde à part qui tourne en dérision l'univers de Nintendo. Je n'y ai pas rejoué depuis (j'aurais aimé une réédition sur Switch, mais cet espoir semble contrarié), mais ce jeu m'a marqué. Un vrai JRPG qui transcende la formule dans un style familier et pourtant unique. C'était cette relecture de l'univers Nintendo qu'on trouvait aussi dans Smash Bros., à contre-courant.



GameCube



C'est donc tout naturellement que j'ai acheté La Porte Millénaire sur GameCube 3 ans plus tard, à sa sortie en 2004. Rebelotte, un jeu qui fourmille de détails, de personnages uniques et attachants (et que l'on a envie d'aider), ça grouille, il y a un sentiment de progression constant (avec une stratégie perso où on choisit de faire évoluer les caractéristiques de ses héros en fonction de son style de jeu, offensif, défensif etc.), on s'émerveille de découvrir des zones, des villages, au gré de combats motivants. L'exploration est toujours récompensée, soit par la découverte de personnages amusants, ou d'objets très utiles (notamment des badges que l'on équipe et qui permettent d'adopter sa propre stratégie en combat en changeant les effets ou statistiques). Quelques allers et retours qui aujourd'hui paraîtraient trop longs, mais tous les meilleurs ingrédients sont là, on se régale.



Wii, 3DS, Wii U



Vint l'époque Wii, avec Super Paper Mario. Le cul entre deux chaises, il abandonne les combats au tour par tour et adopte un style graphique anguleux et abstrait. J'ai fait l'impasse car je ne voulais pas d'un jeu de plate-forme, mais tout le monde s'accorde à dire que l'écriture était très bonne.
Et puis la série s'est retrouvée sur 3DS. À l'étroit, avec Sticker Star, Nintendo abandonne officiellement le système de combat des deux premiers épisodes. Cette fois-ci, un combat n'apporte pas d'expérience, mais des autocollants, sortes de munitions qui permettent de gagner le combat suivant. Les combats n'évoluent plus. Les combats de boss sont une énigme où il faut dégainer le bon autocollant et c'est plié. Pire, les seuls personnages du jeu sont des Toads, tous identiques, on perd l'incroyable diversité des deux premiers épisodes. Le monde se divise en niveaux accessibles par une carte, comme dans Super Mario Bros. 3. Considéré unanimement comme le pire épisode de l'histoire, on pense que Nintendo, qui se défend en expliquant que les RPG avec des points d'expérience c'est trop compliqué pour son public neuneu, a entendu le message.
Et pourtant, sur Wii U, sort Color Splash. Un système de jeu laborieux (chaque action demande plusieurs étapes), le moindre combat contre un ennemi de base prend beaucoup de temps, et l'on est récompensé, un peu comme Sticker Star, avec des "munitions" (ici de la peinture) pour le prochain combat. Pas d'évolution donc dans les combats, dans la stratégie, et toujours que des toads, juste une carte qui emmène d'un niveau à un autre. Ce jeu est considéré comme bien écrit mais mal fichu, pas de liant, pas de progression, pas de charme.



Aujourd'hui



Nous voilà donc sur Switch.
Après des années à avoir déçu les fans de Mario en proposant des jeux de plate-forme de plus en plus décevants (toute la série des new super mario et 3D Land/World), Nintendo sort Mario Odyssey, qui récolte tous les suffrages, le retour à la formule Mario 64, de l'exploration où chacun va où il veut à son rythme, au lieu d'une progression linéaire.
Alors on se dit que le prochain Paper Mario va s'inspirer de ce succès et revenir aux sources qui ont fait sa réputation.
Il est temps pour moi de jouer à nouveau à Paper Mario, excité car je n’ai pas eu cette opportunité depuis 16 ans.



Paper Mario : The Origami King



Quelle ironie.


The Origami King est très joli (l'éclairage, les couleurs, le papier… superbe travail). Certains dialogues sont amusants, on retrouve ce côté dérision qui fait la marque de la série (même si ça manque de piquant cette fois-ci). Les musiques, les lieux, on ne peut pas reprocher grand chose à la direction artistique (hormis les limitations imposées par Nintendo que j'aborderai plus tard). Le jeu n'a plus de carte, ce qui faisait espérer cette fameuse progression toute personnelle. C'est pas trop ça. Dirigiste (beaucoup trop au début, ça s'améliore par la suite), on nous dit où on doit aller, ce qu'on doit faire, ce qui va arriver après, regarde pas à gauche… Les initiatives sont très souvent tuées dans l'œuf. La première partie est aussi passionnante que de faire des courses au Leclerc avec quelqu'un qui te dit quand tourner ton caddie.


Pour la plupart, les personnages que l'on rencontre n'ont ni nom, ni signe distinctif. Apparemment, c'est une règle imposée par Nintendo. Une règle incroyablement stupide puisqu'il s'agit d'un RPG et que ce qui est intéressant, donc, ce sont les personnages. Là, ce sont des clones. Alors, par-ci par-là, y'en a un qui a un chapeau, y'en a un qui est habillé, mais c'est super rare, et ils n'ont pas le droit de s'appeler autrement que par leur nom générique. Le jeu ironise à quelques reprises de cette règle, et je me demande si ce n'est pas une sorte d'appel à l'aide tant on sent que l'équipe est handicapée dans sa liberté créatrice. On ne s'attache pas vraiment, on ne sait plus trop qui est qui, et puis de toute façon y'a pas de quêtes. C'est pas fait pour qu'on s'en souvienne, vite vu, vite oublié, on passe à autre chose.
Au mieux, l'exploration consiste à retrouver des toads dans une espèce d'Où est Charlie géant où Charlie est partout. À quoi ça sert ? Hmm. À avoir plus de toads dans Toadville. C'est de la déco.


Ensuite, on se retrouve avec un système de combat… particulier. Les ennemis sont placés sur des anneaux concentriques, Mario est au centre. Avant chaque combat, les ennemis sont en deux types de formation, soit en ligne, soit en carré. Le combat commence et ils sont mélangés. À la manière d'un rubik's cube à plat, il faut faire pivoter les anneaux, ou coulisser les lignes, pour organiser les ennemis en ligne ou en carré. Ensuite, il faut soit sauter sur tous les ennemis en ligne et ils meurent en un coup, soit taper du marteau sur les ennemis en carré et ils meurent en un coup. Par contre, si l'on ne réussit pas le puzzle dans le temps imparti, les ennemis attaquent, le combat va soit rapidement se terminer en game over (notamment au début du jeu), soit durer très longtemps (pitié…).


Moi, je suis pas très bon au rubik's cube. Et si je joue aux JRPG, c'est parce que j'adore suivre une histoire à mon rythme, mettre toutes les chances de mon côté en planifiant ma stratégie, mes équipements, et progresser le long de l'aventure, au fil des trouvailles cachées dans les décors, au terme de quêtes. C'était comme ça sur Mario RPG (Super Nintendo), les deux premiers Paper Mario, et plein d'autres JRPG bien sûr (Octopath Traveler ou Dragon Quest XI pour citer deux très gros succès sur Switch). Mais là, on me demande de faire un rubik's cube, dans un temps limité, et c'est là-dessus que tout repose. Si on réussit le puzzle, on gagne, si on ne le réussit pas, on perd (et si on arrive à résister, la sanction est terrible : le combat va durer des plombes). C'est aussi simple que ça. Aucune progression, le puzzle n'a que deux actions possibles (pivoter et coulisser), Mario n'a que peu d'actions possibles (sauter en ligne, marteau sur un carré d'ennemi, le reste est anecdotique). Et c'est looooong. Le moindre ennemi de base, c'est minimum 5 ennemis à aligner, puis à attaquer.


Le combat fini, on gagne des pièces. j'en ai des dizaines de milliers. Elles ne servent presque à rien, à part à acheter du temps pendant les combats (on peut aussi soudoyer le public, qui va alors jouer à moitié à notre place — oui c'est fun). Alors c'est long, c'est frustrant. On se retrouve à essayer d'éviter les ennemis tant bien que mal.


Je me suis retrouvé dans une situation ridicule. Je n'étais qu'à quelques heures de jeu. J'ai eu un game over. J'ai fini Octopath Traveler et Dragon Quest XI, plus de 100 heures à chaque fois, avec de rares échecs sur des passages très ardus, et là sur le jeu pour neuneu de Nintendo, j'ai un game over au bout de quelques heures de jeu seulement. Parce qu'il fallait faire coulisser L3 deux fois et tourner R5 trois fois puis coulisser L4 trois fois, en 30 secondes, et pas autrement. C'est dommage, si j'avais gagné, j'aurais pu gagner 300 pièces de plus.
Le pire ? C'est là (attention, je parle de boss) :


Il y a deux passages qui m'ont rendu fou. Le premier, c'est un boss qui a une attaque qui s'appelle "labyrinthe de glace". Pour faire simple, le boss est au centre, Mario est à la périphérie, il y a un (un seul) chemin fléché possible pour pouvoir attaquer le boss. Ce chemin est visible 2, 3 secondes, puis est mélangé. Je suis pas bon en probabilité, mais y'a 4 cercles et 12 colonnes. Je sais pas où c'est fun, ni même avec quel cerveau c'est réalisable, mais pas avec le mien en tout cas. Ah, j'oubliais, si on met trop de temps, le boss récupère son énergie. Trop cool.


Le second passage m'a fait découvrir que j'étais assez grossier. On me demande de compter des goombas, c'est lent, c'est pas marrant, mais en se concentrant on y arrive. Sauf que attention, la réponse, il faut la donner sous forme d'une addition ou d'une soustraction, toujours avec ces 48 cases interdépendantes, en remplissant obligatoirement les 4 cases. Et en une dizaine de secondes. J'ai beaucoup insulté cette console de jeu. Est-ce que c'est ça, le fun ? Je me suis donc trompé durant toutes ces années ?


La première partie du jeu est une vraie tannée, on s'ennuie vraiment. Par la suite, ça va mieux, mais rapidement, on se demande à quoi tout ça rime : le jeu ne motive pas. On sait que le prochain combat sera forcément plus dur et qu'on sera pas davantage préparé. On sait très bien ce qu'il va se passer ensuite puisque le scénario tient sur un post-it et qu'il n'y a personne pour donner du piquant. Il n'y a plus ces personnages extravagants, ces situations absurdes, à aucun moment le jeu ne change, à aucun moment on nous demande d'incarner quelqu'un d'autre, on bouscule tout ça… c'est petits-bras, c'est incomplet. Ah puis, on nous fait participer ici ou là à des passages de plate-forme ou de combat directement sur la carte. Ceux qui ont déjà joué à un Paper Mario savent à quel point la maniabilité est inadaptée. Mention spéciale aux chutes mortelles, quand on pense que Mario Odyssey a enfin enterré le concept dépassé de game over dans un jeu de plate-forme, The Origami King parvient à les rétablir au pire moment.


Ça me fait mal de le dire, parce que l'on sent qu'il y a du travail derrière, vraiment, les designers des environnements par exemple ont fait un travail hallucinant, tout semble être réalisé en papier, avec les contraintes que ça comporte, c'est crédible, c'est génial. Y'a même des passages qui font sourire, où on est content d'être au spectacle… Mais c'est trop rare et c'est pas ça qui fait un jeu. Gameplay aux fraises, personnages insipides et déjà oubliés, scénario sans surprise. Reste une ballade dans de charmants dioramas. C'est cool, ça vaut 7 balles sur iPhone.


Autrefois synonyme de grand jeu, à vouloir à tout prix retirer les éléments RPG de la licence, Nintendo n'a pas rendu son jeu plus accessible. Il est seulement plus frustrant et moins intéressant. Fini en une trentaine d'heures sans me presser (y'a rien à faire en dehors de la trame principale), en grande partie trainé dans des combats où j'avais pas envie d'être.

Yohmi
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le 18 juil. 2020

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Yohmi

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