Lost Judgment
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Lost Judgment

Jeu de Ryû ga Gotoku Studio et Sega (2021PlayStation 4)

Avant de lire ma critique, sachez qu'elle contient de nombreux spoilers.


Comme toujours avec les jeux du studio Ryu Ga Gotoku (peut-être à l'exception de Yakuza 3), j'ai passé un très bon moment devant Lost Judgment, que j'ai d'ailleurs trouvé meilleur que son prédécesseur.


Le scénario est encore une fois très réussi et c'est sans doute le gros point fort des jeux Yakuza/Judgment. Pour une fois, le jeu ne tourne pas uniquement autour de l'univers du crime organisé japonais mais aussi du milieu lycéen. Les deux mondes finissent d'ailleurs bien assez vite par se croiser.


Et pour cause, le phénomène du ijime, forme de bizutage qui est un grand problème de société au Japon, est au coeur de l'intrigue. C'est ce qui amène Yagami et son acolyte Kaito à venir enquêter dans un lycée de Yokohama.


Si vous avez joué à Yakuza: Like a dragon, le quartier vous sera très familier et vous reconnaîtrez peut-être quelques visages lors de vos promenades dans les rues d'Ijincho. L'histoire de cette épisode de Lost Judgment semble d'ailleurs suivre les événement de Yakuza: Like a Dragon. En effet, suite à la dissolution des clans Tojo et Omi, de nombreux yakuzas errent sans but. Cela a une conséquence directe sur les aventures de Yagami.


Mais ce qui distingue Lost Judgment, et plus généralement la série Judgment de la série Yakuza, c'est les réflexions à laquelle elle invite. Là où les Yakuza se contentent d'offrir des histoires de mafieux de très bonnes factures, la série Judgment propose un affrontement philosophique entre des conceptions différentes de la justice.


Un ami juriste m'a dit une fois: "le droit et la moralité sont deux choses bien distinctes l'une de l'autre". C'est exactement ce dont il est question dans Lost Judgment. Yagami représente la justice légale en opposition à Jin Kuwana qui lui incarne une forme de justice morale (la morale étant, bien entendu, un concept très subjectif).


C'est en ça que Kuwana est un des antagonistes les plus intéressants que les jeux Yakuza/Judgment aient connu. Bien qu'étant un meurtrier, il n'est pas à proprement parler un "méchant".


Kuwana ne croit pas à la justice légale qui de par son fonctionnement permet à des ordures de passer au travers des maillets du filet. Ancien enseignant, il est hanté par la tentative de suicide d'un de ses anciens élèves suite aux divers harcèlements perpétrés par ses camarades et que la justice fût incapable de punir. Kuwana entend réparer les manques de la justice légale en apportant la justice aux familles lésées. Il ne peut accepter que des gens qui ont ruiné des vies puissent vivre une existence paisible par la suite. Bien évidemment, la violence appelant la violence, ces actes peuvent causer des dommages collatéraux à des innocents.


Yagami, lui, incarne la justice au sens légal du terme. Conscient de son imperfection, il comprend néanmoins que l'absence de loi mène à la loi de la jungle. Les vendettas font des victimes collatérales.


C'est en ça que Kuwana est très différent des autres antagonistes de la série. Il n'est pas mû par l'ambition mais par des idéaux. C'est, je crois, le seul "méchant" de la série que j'ai trouvé touchant. Bien qu'ayant des morts sur la conscience, il n'est pas un salaud dénué d'inhumanité comme l'autre antagoniste de cet épisode.


Et l'autre antagoniste dans ce volet, c'est Soma. Il est aussi intéressant, non pas par sa personnalité, qui est au final peu développée, mais par ce qu'il représente: la mince frontière qui peut exister entre gouvernement et milieu criminel.


Au niveau du gameplay, ça fait plaisir de retrouver le système de beat'em all. Non pas que je n'avais pas apprécié le système RPG de Yakuza: Like a dragon (bien au contraire), mais le beat'em all reste la marque de fabrique des jeux Ryu Ga Gotoku. Ceci étant dit, je n'ai jamais été un grand fan des styles de combat de Yagami. Il n'a jamais égalé le fun d'un Majima ni l'efficacité d'un Kiryu dans Yakuza 0.


Les missions de filatures et de poursuites sont toujours aussi mal foutues que dans le précédent Judgment, mais le développeurs ont eu le bon goût de réduire leur nombre.


Les mini-jeux et quêtes annexes sont légion, notamment avec les enquêtes au sein des différents clubs du lycée. Certains sont plus amusants que d'autres. Par exemple, j'ai trouvé le club de boxe beaucoup très amusant à compléter, alors que le club de robotique fût un véritable chemin de croix.


Globalement, j'ai trouvé l'ambiance d'Ijincho réussi, mais c'était déjà le cas dans Yakuza: Like a dragon. A titre de comparaison, je n'avais pas du tout aimé Onomichi dans Yakuza 6. C'est un peu dommage que Geomijul, la mafia coréenne, qui occupe un rôle centrale dans Yakuza: Like a dragon n'intervienne que très brièvement dans Lost Judgment. Ils sont censés contrôler un tiers de la ville !


Aussi, c'est un des jeux les plus gores dans la série. Bien sûr, on est habitué de voir des cadavres de temps à autre dans les jeux Yakuza, mais les développeurs ont poussé le bouchon un peu plus loin cette fois avec des cadavres en putréfaction, des égorgements et quelques scènes de tortures.


Bon, maintenant que j'ai fini la quête principale, je vais aller me frotter à Amon.

JeanBaptiste2
9
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le 13 janv. 2022

Critique lue 252 fois

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