Live A Live
7.4
Live A Live

Jeu de Historia, Takashi Tokita, Square Enix et Nintendo (2022Nintendo Switch)

Vivre et laisser mourir : mon avis sur Live A Live

Quand Live A Live a été annoncé entièrement remaké et disponible pour la première fois en occident, il y a eu deux publics : le premier fut "c'est quoi ce jeu?" , le second fut " OH mon dieu ! Trop bien !" . Je fais parti de la seconde catégorie.


Avant sa sortie européenne en cette année, Live A Live est ce qu'on pouvait clairement appeler un jeu de niche. Clairement pas la même aura qu'un FF6 sorti en même temps à l'époque, ni celle d'un Chrono Trigger sorti 1 an plus tard et dont l'aura, les auras, sont intarrisables.


Pourtant, dans son genre, Live A Live est déjà un sacré jeu. Une sacrée compréhension d'un genre qui connait à peine son âge d'or, le J-RPG, avec un concept diablement intéressant. Pourquoi , au lieu de réaliser une histoire fantastique de 30h, ne pas réduire le scope de chacune d'entre elle en leur donnant une mise en scène et une mécanique de jeu différente?


Comprenez que nous sommes à l'époque en 1994 et que les théories de game design ou de narrative design sont , au mieux balbutiantes, au pire inexistantes. Avoir donc le culot de déconstruire tout une architecture d'un style de jeu pour en faire quelque chose de singulier, c'est culotté. Mais rien ne peut faire peur à Squaresoft qui à l'époque domine le RPG, qui sort masterclass sur masterclass bien que la concurrence est rude (Enix, Atlus et même Nintendo...et je rajoute aussi Sega et Camelot pour les Shining Force sur Megadrive ( oui, oui, le même Camelot qui pilotera Golden Sun sur GBA pour le compte de Nintendo)). Mais Square est confiant. Ils ont démocratisé le RPG, l'on rendu jouable à plusieurs sans pour autant altérer la qualité avec Secret of Mana, et s'apprête à le faire éclater à la phase du monde avec le trio FF6- Chrono Trigger et plus tard, définitivement FF7. Mais revenons à Live A Live, nous nous égarons.


Dans ce jeu, vous incarnez donc 7 personnages. Chaque personnage appartient à une époque différente, chaque personnage possède une mécanique de jeu qui va lui être propre. Le tout est condensé en des chapitres de 1 à 3h selon. Par exemple, le chapitre de la préhistoire joue énormément sur la mise en scène et sur son imaginaire pour transmettre ce qu'il à a donné. En effet, aucun dialogue ne sera présent et toutes les intéractions se font par la présence de petites vignettes afin de symboliser les motivations de chacun. ça fonctionne très bien, c'est lisible, le jeu évite poliment le système de rencontres aléatoires pour l'époque grâce à un système de flair. C'est top et c'est parfois méchamment drôle et même dans la version originale.


Pour les autres, je ne vais rien dire. Je vous laisserai la surprise par vous-mêmes mais sachez que chaque chapitre va assez loin dans la compréhension de son système jusqu'à justifier de manière autrement plus classique la gestion de l'expérience par exemple. Les combats sont assez intéressants avec un système de damier plutôt efficace bien que ces derniers manquent sans doute de profondeur. Mais là est le revers de la médaille de réaliser des campagnes aussi courtes. La difficulté ne posera pas trop de problèmes, le grind est quasiment absent et les boss de chaque actes assureront facilement le spectacle.


Et puis, il y a la mise en scène. Et là, vous allez me dire "oui mais ça c'était pas dans le jeu de base" et je vais vous répondre que vous avez tort. La gestion du rythme, des ambiances, la gestion des silences est absolument fabuleuse. Il y a des vrais moments d'introspection, de réflexion, il y a un vrai sens du détail que personnellement, j'aurai aimé retrouver un peu dans Chrono Trigger. On vit chacune des époques comme si elles étaient des petites fables, des petits contes auxquels on participe. Je trouve que la vraie démarcation avec le reste se fait dans cette mise en scène minimaliste certes mais tellement folle. Et tout ça dans un jeu de 1994, encore une fois et c'est aussi pour ça que je salue autant la prouesse.


Je vais également saluer l'écriture que j'ai trouvé vraiment excellente par moment et qui viens parfois épouser les mécaniques de jeu comme c'est le cas dans le chapitre de la Chine, le chapitre du Far West qui est délectable avec une utilisation et un référencement des codes vraiment appréciable, le chapitre au Japon qui parvient à y ajouter une teneur plus aventureuse, le chapitre dans l'espace qui se la joue un peu même Alien sur les bords. Et je trouve que chaque chapitre doit se finir là où il doit finir. On conclu l'arc narratif là où on l'a commencé et c'est très bien. Evidemment que j'aurai voulu en avoir plus. J'aurai aimé suivre les prochaines aventures de Sundown ou celle de ce Shinobi qui a décidé ce qu'il allait faire...


Parce que oui, bon nombre de chapitres vous propose des bonus et des fins différentes. ça ne changera radicalement pas fondamentalement le jeu ni la conclusion mais ces embranchements sont toujours bien justifiés et propres dans la manière dont ils sont conçus.


Au niveau de la réal', on est sur du très bon. Je vous ai parlé de mise en scène plus tôt, pensé bien que celle-ci est bien renforcé par le lifting avantageux dont a bénéficié le jeu. A noter toutefois deux choses :


- Les musiques sont pour la plupart excellentes mais je les ai trouvé parfois assez répétitives même si elle ont pas mal de personnalité.


- Le jeu rame parfois sur Switch notamment au Japon et...dans les menus (si si x)) mais clairement rien pour altérer le plaisir de jeu.


Le jeu est superbe, les sprites qui étaient déjà incroyablement quali en 94' (si si allez voir ^^) le sont encore davantage, les décors sont très fournis et détaillés, le voice acting bien que loin d'être extraordinaire, fait le taff'...c'est un vrai bon remake avec tout ce qui faisait le matériel de base qui a été conservé à sa chair. On notera aussi la présence du GPS qui fonctionne pas trop mal nous permettant de savoir où aller si jamais on est perdu. Que vous pouvez désactiver dans le menu si vous voulez profiter au maximum de l'expérience.


Avec tout ça...vous allez me dire...Whoah, on tient un jeu excellent. Ouais ! Si vous faites abstraction de la briéveté des actes ce qui pourra en décevoir plus d'un de voir le jeu passé si facilement du coq à l'âne en permanence et de quelques petites errances par-ci par-là et voir pour certains carrément du chapitre du présent qui se résumera à...du street fighter 2 en RPG en fait (mais avec un twist intéressant), on est clairement dans le très très haut du panier.


Et puis arrive le dernier chapitre et là, je passe en spoiler donc libre à vous de lire.


Une fois les 7 chapitres dévérouillés, on accède à un dernier chapitre, le Moyen-âge. Un chapitre...bien plus clssique qui est censé faire la liaison entre tous les autres. En effet, ici on se retrouve avec un système de jeu plus typique à base de combats aléatoires et de membres à recruter. l'histoire est simple puisqu'il s'agit de retrouver une princesse en détresse. Pour cela, on se rend chez le méchant, on lui pète la gueule et...on s'enfuit. On est alors arrêté pour un crime que nous avons commis et...relâché???? De là, on ère dans le chapitre, on enchaine les rencontres aléatoires de merde, on sait pas où aller parce que le GPS déconne donc on se rend au repaire du méchant, on fait des combats aléatoires de merde, on se rend dans la salle où on a combattu le méchant mais il y a rien donc on s'énerve, donc on sort de la grotte et là...on est retrouvé pour être jeter en prison !!! Quoi?! Mais pourquoi ne pas l'avoir fait avant?

Bref, on s'échappe vous savez pour aller où?? Au repaire du méchant !! Donc c'est reparti pour du backtrack, du combat aléatoire à en vomir, 3 mid-boss bien vénère parce que voilà, on revient à l'endroit où on est allé affronter le maitre des ténèbres et on découvre un passage dans un petit twist simple mais bien fichu. Et là, on affronte le vrai méchant qui est en réalité un de nos allié depuis le début. On le bat, s'enchaine un monologue sur la détresse des âmes qui se termine par une scène ultra-violente où la princesse qu'on devait sauver se suicide. Dés lors, on devient fou et c'est là que le chapitre final commence, l'objectif étant de tuer le personnage devenu fou. Vous voyez le nom du jeu maintenant?

Pour commencer ce nouveau chapitre, vous allez pouvoir choisir un de vos personnages y compris celui damné. Si vous prenez celui corrompu, vous enchainerez tout un tas de combats jusqu'à obtenir une bad ending mais une ending quand même. Si vous prenez un allié...vous allez...redémarrer dans le chapitre du Moyen-âge. Votre objectif, trouvez les autres membres de votre groupe. Pour cela, vous allez devoir parcourir la map, faire des combats aléatoires de merde, recruter les membres de votre équipe dont certains qui sont INFECTES à recruter (genre Sundown) PUIS ENSUITE, faire du grind !! Le fameux grind qui était inutile et je dirai même impossible à faire dans les chapitres est présent ici. Mais c'est pas tout ! Le jeu contient pas mal de contenu annexe dans ce chapitre final et il faudra parfois le bon personnage pour y accéder. Des annexes terriblement dur qui méneront à votre décès la grande majorité sans prépaation. A noter en plus que vous ne pourrez pas avoir tous les membres de votre équipe, il faudra faire un choix des 3 autres personnages qui vous accompagneront.

On résume : tout ce que le jeu a éviter depuis le début de manière prodigieuse se retrouve concentré dans les dernières heures de jeu. Quelle déception. Parce que comprenez que ce qui fait la singularité du jeu, c'est justement d'avoir éviter de manière magistrale tout ce que les RPG faisait en mal à l'époque. Ce sera notamment les prouesses d'un certain Chrono Trigger. Mécaniquement, on a donc l'impression de faire un pas en arrière, au niveau de l'histoire, on a l'impression de faire également un pas en arrière avec un contexte bizzaremment amené, pas très cohérent et avec une gestion du rythme plus que contestable.

Et c'est putain de dommage ! Parce que le jeu avait toutes les cartes en main pour réussir un impressionnant tour de force. Il se plante malheureusement lamentablement sur la ligne d'arrivée bien que la true ending soit hyper intéressante avec un combat final inédit et assez fort symboliquement. Mais voilà, le jeu jette tout ce qu'il avait fait de bien à l'eau. J'en ai vu des jeux se prendre les pieds dans le tapis mais jamais aussi prodigieusement que Live A Live qui semble se dédouanner de son concept comme pour s'excuser d'avoir été trop innovant.


Je pense surtout que les développeurs n'ont pas su où aller avec leur concept pour le mener de bout en bout. C'était déjà assez casse-gueule d'avoir autant de personnages avec un niveau d'expérience si désiquilibré. Et c'est alors qu'ils ont eu l'idée du chapitre final où ils se décideraient de réunir tous les protagonnistes de l'aventure pour niveler plus ou moins équitablement le niveau de chacun. ça donne une nouvelle profondeur certes mais je trouve que ça trahi totalement le postulat de départ.

Je serai infiniment curieux de savoir ce que pensais Takashi Tokita, l'auteur sur le jeu, quand il a eu l'idée de ce chapitre vraiment final (que l'on pourrai appeler chapitre 9). Et puis, à l'inverse, je me pose la question : est-ce que je ne suis finalement pas trop dur avec ce chapitre. Peut-être fut-ce sur le moment que les foudres lui sont tombés dessus et que, refait dans un autre contexte, je serai plus tolérant. A...sans doute à vrai dire.

Mais je reste persuadé qu'il y avait mieux à faire et peut-être que lui aussi se persuadait également... Est-ce grâce à cette fin en dent de scie que l'on a obtenu la quasi-perfection un an plus tard avec un certain Chrono Trigger ? Possible.

Pour définitivement conclure, je dirai que Live A Live est un excellent concept, un très bon jeu mais qui montre la limite de la compréhension du jeu vidéo qu'on avait de l'époque avec sa fin sifflante? ça me parait une conclusion honnête pour un jeu qui me laissera à la fois admiratif et frustré. Live A Live, c'est un pistolero du Far West qui dégaina plus rapidement que son ombre, mettant en déroute ses adversaires mais qui un jour dans sa rapidité s'est tiré une balle dans le pied, rampant en demandant la pitié...avant de mourir dans le désert.

Necheku
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le 7 août 2022

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Necheku

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