Kentucky Route Zero
6.9
Kentucky Route Zero

Jeu de Cardboard Computer et Annapurna Interactive (2020PlayStation 4)

Rencontres (du troisième type) à Elizabethtown

Kentucky Route Zero, c'est d'abord un travail d'écriture incroyable, à la croisée des chemins (nécessairement tortueux) qui séparent Twin Peaks d'En Attendant Godot. Un univers d'une inventivité folle, un lore hors du commun, d'une richesse exemplaire, des personnages touchants, exceptionnels, une vraie substance, une vraie profondeur littéraire sous forme de road trip gentiment acide, fiévreusement déjanté, aux frontières du réel, où se distillent à l'aube les vapeurs de l'alcool et de la nostalgie.

Kentucky Route Zero, ça vous parle de chercher sa place, se chercher soi, errer à l'aveuglette, faire des rencontres, grandir, mûrir et perdre ses illusions, c'est un pur concentré de rêverie lucide, de solitude, d'espoir, de réflexions absurdes, profondes, et souvent les deux à la fois.

Un voyage sans retour sur une autoroute qui n'existe pas, ou plus, ou pas encore, et qui s'enfonce dans les profondeurs de la terre entre les cristaux et les âmes en peine. A chaque étape, certains s'en vont, d'autres s'en viennent, c'est le voyage, on se salue et on se quitte, pour mieux se retrouver (ou pas).

Seulement voilà. Au-delà de toutes ces belles considérations, Kentucky Route Zero, c'est chiant. Et pourtant, je m'en suis infusé des jeux indé qui avançaient à deux à l'heure, SAUF QUE KENTUCKY ROUTE ZERO CA DURE DIX HEURES (deux cent, en ressenti intérieur). Et c'est tragique parce que tout est génial, à quelques petites fautes de traduction près, on ne peut que sourire ou s'incliner devant telle ou telle réflexion, telle ou telle petite phrase, tel ou tel dialogue inspiré. Littérairement, c'est un travail remarquable. Seulement voilà, dans les faits, jouer à Kentucky Route Zero, ça se limite à appuyer sur un bouton pour faire défiler du texte à la vitesse d'une tortue au galop, effectuer quelques choix multiples qui n'ont aucune incidence sur la suite et se déplacer jusqu'au prochain dialogue pour faire avancer l'aventure.

Non seulement on a connu plus palpitant (quelques énigmes de ci de là n'auraient pas été du luxe) mais la longueur des textes, leur omniprésence, associées malgré elles à une absence quasi-totale de mise en scène, finit vite par avoir raison de la patience du "joueur", et par prendre le dessus.

Je me suis haï de vouloir rusher cette merveille et en même temps, j'ai eu beau le prendre dans tous les sens, avec toute l'indulgence dont je suis coutumier, je n'ai pas trouvé par quel bout le rendre intéressant.

La fin douce amère est superbe, quand bien même ne résout-elle rien (on s'en doutait), et le jeu laisse une marque. A posteriori, on ne se souvient que de ses bons et beaux aspects. Mais sur le moment, bon sang : quel supplice !

Quel dommage que les auteurs n'aient pas choisi d'en faire un livre à la place. Je l'aurais rangé à côté de moi, tout près, sur la table de chevet.

Liehd
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces jeux vidéo qui vous emmènent ailleurs, mais en mieux et Les meilleurs scénarios de jeux vidéo

Créée

le 23 juin 2022

Critique lue 57 fois

Liehd

Écrit par

Critique lue 57 fois

D'autres avis sur Kentucky Route Zero

Kentucky Route Zero
diegowar
4

Critique de Kentucky Route Zero par diegowar

Un point & click visuellement très à l'ancienne, et qui mise tout sur son ambiance et ses dialogues plutôt que des énigmes et un scénario. Je le dis d'emblée, personnellement je ne suis jamais...

le 17 juil. 2021

2 j'aime

Kentucky Route Zero
Ray
9

Des voix à double-sens

"Ce n'est pas la destination qui compte c'est le voyage". Dans le fond c'est une phrase qui m'a toujours plu. Elle permet de dire assez facilement que nous avons trouvé quelque chose à l’œuvre, qu'à...

Par

le 16 févr. 2021

2 j'aime

4

Kentucky Route Zero
Rn_Ganon
7

"See ya, Conway"

Un très beau... pointer-cliquer ? sous forme de road-trip kafkaesco-lynchéen (je fais brevetter ce barbarisme) dans un Kentucky fantasmé, où l'on s'attache à ces personnages que l'on croise, avec...

le 30 août 2020

1 j'aime

Du même critique

Black Mirror
Liehd
5

En un miroir explicitement

Avant d'appréhender une oeuvre comme Black Mirror, il convient de se poser la question qui fâche : pourquoi un auteur se pique-t-il de faire de l'anticipation ? Réponse : parce que c'est un genre "à...

le 7 mars 2016

104 j'aime

37

Coherence
Liehd
8

C'est dans la boîte !

Leçon de physique quantique, appliquée au cinéma : L'expérience est simple. Enfermez huit acteurs de seconde zone, cinq nuits d'affilée, dans votre pavillon de banlieue, isolez-les de l'extérieur,...

le 19 mai 2015

103 j'aime

Andor
Liehd
9

Le Syndrome Candy Crush

Puisqu'on est entre nous, j'ai un aveu à vous faire : au départ, je ne voulais pas regarder Andor. Après avoir tourné la page Obi Wan, et usé de toute ma bienveillance partisane à lui trouver des...

le 31 oct. 2022

93 j'aime

26