Un casino malgré tout

Un jeu qui a des cartes en main pour plaire, et en jette délibérément la moitié à la poubelle. Genshin Impact, ça peut s'aimer, tout comme se haïr à raison.

Nous incarnons une entité qui voyageait autrefois de monde en monde accompagné de son frère jumeau (ou sa sœur jumelle, en fonction de celui que nous choisirons). Mais arrivés sur Teyvat, une divinité nous bloque le passage, et nous sépare de notre frère: privés de nos pouvoirs, nous entamons un voyage à travers Teyvat pour retrouver les Sept Archons, les sept dieux de ce monde, dans l'espoir qu'ils aient des informations sur l'emplacement de notre jumeau. Ça a comme une odeur de Zelda. Pas que par l'histoire, d'ailleurs. J'y reviendrai plus tard.

Là où le jeu se sépare de Zelda, c'est dans le rôle occupé par le jumeau. Certainement pas une princesse à sauver, dont le rôle se limitera à attendre l'arrivée du héros en pleurant derrière les barreaux d'une cage. Il a son rôle, et agit sur les évènements. Au moment où j'écris, la fin n'est pas encore sortie, et ses raisons d'agir sont encore relativement floues: mais le nombre de détails que les développeurs ont pris le soin d'inclure laisse libre court à l'imagination (Nara Varuna, trailer...).

Je trouve l'histoire sympathique, sans rien de plus. On voyage, on rencontre des personnages, ça a de quoi satisfaire un joueur qui veut se distraire. Là où ça coince, c'est la narration. Les deux premiers arcs, Mondstadt et Liyue, sont réalisés avec simplicité: il y a de l'action, du lore, c'est encore le souffle de l'aventure. Ensuite arrivent Inazuma et Sumeru... Aïe. À partir de là, la quête se limitera à: "Allez parler à n PNJ" --> discussion mal écrite à spammer le click --> "Allez parler à n PNJ cinq mètres plus loin" --> discussion mal écrite... D'ailleurs, de nombreuses quêtes secondaires correspondent à ce schéma (les aranaras...). De quoi déplorer l'absence de bouton skip pour les plus persévérants: les autres auront lâché l'affaire. Je cite également les innombrables évènements sans imagination ni mécaniques intéressantes (dernier exemple en date: les champ-p'ti-gnons...).

Néanmoins, la quête de Fontaine aura de quoi redresser la balance: pour la première fois, nous aurons un intrigue attractive, des liens à faire entre les éléments pour comprendre les évènements, et Furina demeure à ce jour le meilleur développement de personnage (pas qu'elle ait eu une concurrence, mais comparé au reste, son nom mérite d'être relevé). La fin est touchante, les cinématiques grandioses. C'est l'arc des mensonges et des faux-semblants. Mais il ne suffit pas de quelques heures intéressantes pour me faire oublier la boucle (au sens propre comme un figuré) du samsara.

Un point fort du jeu, c'est les graphismes. Enfin, c'était le minimum pour un projet dont le budget de départ est de cent-millions de dollars. Ils sont variés, inédits, et tout simplement magnifiques. J'en cite la cité de Fontaine, le Gouffre, le Kart Jueyun... La carte est absolument immense, et va encore s'agrandir au fil des années. De quoi promettre des heures d'exploration jouissive.

Encore une ressemblance avec Zelda, néanmoins: Mondstadt, dans ses vallées vertes et ses pentes, ressemble à la carte de BOTW. Beaucoup, même. Sans chercher à se cacher. Je ne sais pas trop comment appeler ça autre chose qu'un plagiat. Mais la carte dans son ensemble se détache largement.

La bande-son de Yu-Peng Chen aussi mérite qu'on s'y attarde. En argument, je me contente de laisser des liens, dans l'espoir qu'ils plairont autant qu'à moi.

https://www.youtube.com/watch?v=332xxaaLCeU

https://www.youtube.com/watch?v=tpMXyVEeoXk (à ma première écoute, je me rappelle m'être figée et avoir attendu la fin de la musique pour reprendre ma partie)

Ce qui est des personnages, la plupart rentrent dans des cases. La détestable Signora présente pour la seule raison d'être haïe, Amber gentille et dynamique, Ayaka la belle et noble demoiselle... Ils sont sans originalité, ce qui n'est pas une barrière au fait de les aimer, car il en existe qui demeurent attachants malgré tout. Certains se démarquent un peu plus, comme Furina que j'ai déjà évoquée, mais ils font office d'exception.

Les chara-designs sont beaux et élaborés, on sent souvent les inspirations culturelles derrière. Je suis particulièrement admirative devant Shenhe, ou Clorinde, malgré une facette fanservice parfois présente. On peut reprocher bien des choses à Genshin Impact, mais de manquer d'esthétique n'en fait pas partie.

Le monde ouvert est rempli de choses à faire, on ne peut pas faire deux pas sans tomber sur une quête, un coffre, un mécanisme, une fée à suivre, un panorama grandiose, un PNJ, un monstre. La liberté est totale: de l'escalade, de la nage, l'exploration sous-marine est récemment devenue possible, et les vols en planeur sont satisfaisants.

Certaines énigmes sont extrêmement bien faites... et une majorité consiste à activer un interrupteur cinq mètres plus loin. J'en espérais quand même mieux venant d'un jeu d'exploration et d'aventure.

... Je vais être redondante, mais les mécaniques sont semblables à celles de Zelda BOTW. La cuisine, le vol, les mouvements de plongée... Vous trouverez facilement des vidéos de comparaison sur Youtube.

Le lore est riche et varié, chacune des sept nations de Teyvat a une histoire, des figures historiques (Deshret, Makoto, Décabarian, Guizhong...), des civilisations éteintes (Enkanomiya, les ruines anonymes, l'assemblée des Plaines Guili...) et les éléments ont été répartis un peu partout: des quêtes, des livres à trouver et à lire, des dialogues avec des PNJ, des stèles éparpillées, des succès à la description mystérieuse... On peut également trouver des écritures à traduire, toujours instructives: "passerelle vers Célestia" se retrouve sur le socle de la statue de Barbatos, tandis que les gardiens des ruines détruits des Monts Dosdragons nous disent en morse: "Pour la nation, nous ne pouvons pas renoncer à la puissance venue du ciel, mais nous avons échoué.".

Individuellement, chacun de personnages jouable est extrêmement pauvre en variété d'attaques. Une attaque de base, une capacité, un déchaînement, pour un élément associé et une arme. Quelques attaques chargées. Ce qui va faire l'intérêt, ça va être de combiner les personnages entre eux en fonction de leur élément et leurs rôles (dps, bouclier, soigneur, boost...) pour obtenir une équipe spécialisée de quatre. Les possibilités sont très nombreuses, et pas franchement originales. Certaines teams combinent l'eau et la glace pour geler l'ennemi et l'immobiliser, d'autres l'eau et les plantes pour créer des noyaux qu'on peut ensuite faire exploser grâce au feu. On peut simplement combiner glace et feu pour un maximum de dégâts, et j'en passe. Je m'amuse bien à imaginer diverses compositions, mais quand je prends deux minutes pour y réfléchir, ça a un côté un peu ridicule.

Ah, le système économique, il fallait bien y venir.

Je dirais que deux catégories de personnes peuvent jouer à ce jeu: celles qui ont un portefeuille rempli, et celles qui ont un mental d'acier. Car tout, je dis bien tout, va chercher à provoquer l'addiction du joueur et à le faire cracher la monnaie. Naïve que j'étais quand j'ai commencé: je m'émerveillais de la totale absence de publicité et l'intégralité du contenu gratuite (À l'exception des armes du Battle Pass, qui sont très largement dispensables.). Non, non, les développeurs auront été plus malins que ça. Les diverses quêtes permettent de gagner une monnaie, la primo-gemme, que nous dépensons ensuite en vœux: nous recevons alors aléatoirement un objet (arme ou personnage) trois, quatre, ou cinq étoiles. Les cinq étoiles étant évidemment les plus convoités, et avec la probabilité de tomber la plus basse. La probabilité de cinq étoiles est ridicule (1,6%) et n'augmente qu'après un très grand nombre d'essais (75). Sauf que... quand on obtient un 5 étoiles, après les 75 vœux durement gagnés, nous avons... 50% de chance d'avoir celui que nous désirons. Sinon, c'est un autre parmi une liste qui comporte relativement peu de bonnes unités. Le but étant évidemment de provoquer la frustration du joueur à qui ça arrive, pour le faire sortir la monnaie afin d'avoir quand même ce qu'il désirait.

D'où vient l'addiction, dans tout ça? Du désir d'obtenir la primo-gemme qui permettra de faire le vœu. Les ingénieux développeur ont alors inséré les missions quotidiennes, qui offrent des primo-gemmes pour seulement en moyenne cinq minutes de jeu. Mais qui sont malheureusement limitées à 60 par jour, revenez vous connecter demain! Idem pour la résine, la ressource qui permet d'accéder aux objets d'amélioration de personnages, dont nous avons une quantité limitée chaque jour.

Parlons maintenant des constellations: quand nous obtenons un doublon du personnage, cela permet de débloquer la constellation, qui va débloquer une aptitude visant à améliorer la performance. Comme si avoir un personnage n'était pas assez dur comme ça. Certains joueurs dépensent des centaines, parfois des milliers, afin d'avoir toutes les constellations de leurs favoris. Ce jeu se repose sur le principe appelé en psychologie "l'escalade de l'engagement": c'est-à-dire, prendre une décision qui est un échec, mais continuer dans cette voie afin de se persuader que nous sommes dans le juste, "parce que ça va s'arranger". Comme un joueur de poker qui continue à jouer malgré les pertes de gain, en espérant gagner à un moment ou un autre afin de rembourser ce qu'il a perdu. Sauf que dans ce cas, le joueur dépensera son argent dans les constellations, et continuera jusqu'à toutes les avoir pour ne pas réaliser qu'il fait un achat inconsidéré.

À noter que payer n'est pourtant absolument pas obligatoire: je n'ai pas de difficultés, sans avoir versé le moindre centime. Et on peut acquérir une constellation gratuitement.

J'ai connu des personnes qui haïssaient tout ce que ce jeu représente. L'amusement bête, le système économique déplorable, la cruelle absence de réflexion, la facette baston. Je ne peux leur donner tort.

En ce qui me concerne, j'aime bien, dans le sens où je n'ai jamais eu un niveau d'exigence élevé. Ceux qui cherchent un jeu-vidéo avec des surprises et un véritable intérêt dans son histoire, passez votre chemin. Genshin Impact propose un divertissement pour ceux qui aiment le genre; rien de moins, mais sûrement rien de plus. Les 4 étoiles que je donne sont relativement élevées pour la valeur réelle, mais les heures que j'ai passées à explorer et à m'amuser les valaient bien.