Final Fantasy XVI
6.6
Final Fantasy XVI

Jeu de Square Enix (2023PlayStation 5)

"A mort, Final Fantasy Croix Vé Baton !"

Tandis que j'attends que mon pouce dégonfle et de savoir si ma mutuelle prendra en charge ma tendinite des doigts, je savoure le sentiment de satisfaction procuré par le simple fait de désinstaller Final Fantasy XVI de ma console, presque aussi intense que celui procuré par un boss vaincu à Bloodborne ou par la crevaison successive d'un million de sphères de papier bulle.

Nier Automata vous demandait en bout de course de sacrifier votre sauvegarde pour permettre à un inconnu d'aller (peut-être) jusqu'au bout du générique de fin, et c'était un crève-cœur, bien sûr, mais qui faisait intégralement partie de l'expérience. Final Fantasy XVI m'aurait demandé la même chose, non seulement j'aurais effacé ladite sauvegarde avec bonheur, une, deux, trois fois de suite pour être bien sûr, mais j'aurais également envoyé dix euros et un mars à l'inconnu en question, histoire de lui témoigner ma gratitude et la compassion fraternelle de qui en est passé par là, mais a pu s'en sortir.

Tandis que je regardais défiler les noms de l'interminable générique de fin, en ayant coupé le son pour mettre une version ska de « Libérée, délivrée » à la place (nettement plus appropriée), je repensais à la relation quasi-fusionnelle que j'avais développé avec le bouton carré durant ces lentes heures passées à le marteler comme un neuneu, à tout ce que nous avions partagé lui et moi, les joies, les peines, l'amour même dans le secret de nos nuits les plus chaudes (la chair est faible quand on s'ennuie. Et la manette vibre, ça tombe plutôt bien), tout au long de cette grande aventure haute en couleurs grises et marron comme les selles d'un lapin souffrant de myxomatose.

Car Final Fantasy XVI n'est ni un mauvais Final Fantasy, ni un mauvais jeu d'action, c'est peut-être bien le PIRE jeu vidéo auquel il m'ait été donné (vendu serait plus juste) de m'atteler depuis Drakengard premier du nom, qui était un musou neurasthénique et un shoot 3D flasque comme Edouard Balladur au sortir d'un hammam, et je vous rappelle quand même que j'ai mis un 8 à Gundam Code Fairy et à Gungrave G.O.R.E.

Et oui, bien sûr, le fan, absolument, tu as raison, je ne comprends rien au génie de sa sainteté Yoshi P, je te le concède de bonne grâce. Il faudrait que son éminence m'explique, notamment, l'intérêt d'une romance dont la tension sentimentale est désamorcée dès l'intro du jeu pour cause d'évidente réciprocité, et qui consiste donc juste à regarder deux grosses nouilles se tourner autour comme des toupies Beyblade pendant 40 à 70 heures alors qu'on sait pertinemment qu'elles s'aiment, et qu'elles le savent aussi, et qu'on sait qu'elles le savent, mais il leur faut quand même treize ans pour s'effleurer chastement le dos de la main pendant que les autres personnages s'envoient en l'air à tire larigot (mais seulement pendant le premier cinquième du jeu pour justifier le PG18+, après quoi on revient dans les rails d'un J-RPG tout public standard ni vu, ni connu ; ce qui vaut aussi pour les gerbes de sang façon 14 juillet - l'original -, vite balayées sous le tapis avec la dignité du jeu, à croire qu'elles n'étaient là que pour ferrer la poiscaille le temps de la démo). Non seulement cette romance ne sert à rien mais elle n'évolue pas, elle ne présente aucun intérêt narratif, elle ne véhicule aucun enjeu, elle est creuse, niaise et artificielle, comme d'autres précédemment dans l'histoire de la licence, certes, mais en pire, subie qu'elle est (plus que portée) par des personnages qui le sont tout autant (niais, creux et artificiels, c'est dire si on a envie de s'identifier). Le seul obstacle à leur amour tient au fait qu'ils ne se le déclarent pas, sans avoir pour ce faire (et surtout : ne pas faire) la moindre raison valable. Alors bien sûr, même quand les sentiments de l'autre vous crèvent tellement les yeux que vous pourriez candidater pour le rôle de Shiryu dans la comédie musicale de Saint Seiya, on a toujours peur de se prendre un râteau, sans doute, c'est vrai, mais enfin après huit ans d'esclavage et avec sur les mains le sang de milliers d'innocents ? Je ne suis pas un spécialiste mais je crois que ça doit aider à relativiser, voire donner envie de "carpe diem" avec la frénésie d'un lapin en bonne santé, cette fois, même si Clive est tellement mou du genou qu'on se demande s'il ne l'a pas chopé lui aussi, la myxomatose.

Heureusement, l'histoire d'amour n'est pas le seul argument scénaristique de cet épisode XVI, il y a aussi de la géopolitique (beaucoup !) et un scénario fil rouge 100% certifié J-RPG, qui tient en une ligne en écrivant gros et annule tout le potentiel intérêt de la géopolitique en question (le twist final de Final Fantasy Legend 1 est plus sympa, c'est dire) . A peine dix heures de jeu passées et plutôt que de garder Ultima pour la dernière partie de son récit, en distillant progressivement ses révélations en cours de partie, ce génie de scénariste le sort du chapeau avant la fin du premier quart et nous avoue par là même, involontairement mais sans équivoque, que ses histoires de géopolitique, là, c'est du flan, du remplissage, qu'il ne faut pas s'en occuper puisque ça n'aura aucune incidence sur le vrai scénario du jeu, dont les personnages se contrefichent néanmoins autistiquement pendant des plombes. Parce que c'est vrai que si demain, j'étais confronté à des aliens hostiles sur le pas de ma porte, mon premier réflexe serait de voter utile aux prochaines cantonales.

On passe donc notre temps à suivre des intrigues de cour dont on sait pertinemment qu'elles sont anecdotiques, en attendant péniblement que la vraie trame avance, puisqu'elle entretient jusqu'à terme le mystère (Leaderprice) sur laquelle elle repose, sauf qu'elle n'avance jamais, les quêtes annexes achevant de diluer jusqu'à l’écœurement ce fil narratif trop ténu, dont la résolution est balancée d'une traite à la fin du parcours (du combattant) de façon d'autant plus grossière que le fin mot de l'histoire est navrant de classicisme autant que de simplicité.

Et ma foi, quelles quêtes annexes ! Va me chercher du bois à vingt mètres, va me servir ces plats à la table numéro 3, va rendre au boulanger son envie de faire du pain, va trouver un gros os à moelle pour ton clébard, c'est vrai, quoi, oh, fais pas ta sucrée, genre parce que c'est la fin du monde, tu peux pas filer un coup de main aux copains ? Ah ça, qu'est-ce qu'on s'amuse, qu'est-ce qu'on se marre, qu'est-ce que c'est gratifiant ! Si ma femme me filait un bout de météorite à chaque fois que je fais la vaisselle, je peux dire que ça fait longtemps que l'égalité homme-femme serait de mise à la maison !

Parole, j'ai compté, l'accès au dernier chapitre (déjà de trop puisque n'existant que pour prolonger le combat final) m'a débloqué pas moins de ONZE quêtes annexes, et les terminer m'en a débloqué TROIS nouvelles, toutes plus bavardes et répétitives les unes que les autres. Parce que non seulement les personnages n'ont aucune personnalité véritable et s'expriment tous comme des robots sans âme, unidimensionnels (Clive est ténébreux/bébête, Jill est douce/potiche, Gab est maladroit/rigolol, Cid est Nathan/Drake), écrits de la façon la plus générique et transparente qui soit jusque dans l'humour (mention spéciale à Bat-Clive, le genre de mec qui, à un entretien d'embauche, répondrait « je suis trop modeste » à la question « quels sont vos défauts ? »), mais les dialogues se tiiiiiirent encore plus que Benedikta et Hugo quand ils se croisent dans un couloir sombre, c'est dire, histoire de jouer la montre et d'allonger encore un peu plus la durée de vie. Là où une phrase aurait suffi, ils vous en pondront trois, ou quatre, ou cinq, toutes plus superfétatoires les unes que les autres, prenant bien soin de marteler des trucs que vous savez déjà au cas où vous ayez la mémoire d'un poisson rouge, dans un sabir médiéval fantastique usant sur le long terme, rendant chaque échange de paroles soporatif et laborieux, comme si les dialoguistes étaient payés à la ligne et qu'ils avaient un gros besoin d'argent, pour s'acheter un château ou une station spatiale.

« Il se trouve, cher seigneur, - et notez bien que j'emploie le terme avec déférence, sans une once d'ironie, car j'ai grand respect pour votre charge comme pour votre défunt père, le comte Duschmoll - qu'il m'est apparu ce matin et à ma grande stupeur combien l'astre du jour, dont je loue les bienfaits avec la dévotion qui lui est dû, m'a paru pâle, et blême, et sans chaleur, là où il aurait dû briller de tous ses flamboyants apprêts, et j'en conçus sur le moment quelque légitime amertume, ainsi qu'un soupçon de mélancolie laquelle, fort heureusement, fut dissipée par votre venue plus tard dans la journée, lorsque les nues se sont ouvertes pour livrer passage à quelques rayons triomphants »

« Alors, merci, déjà, mais moi, à la base, je vous demandais juste si cette place était libre, hein. Ha et je sais très bien que mon père est défunt, au fait, ça ne m'a pas échappé, figurez-vous, tout comme je me rappelle encore comment il s'appelait, je glisse ça au passage à titre d'information, des fois qu'on pourrait gagner du temps à l'avenir ».

Je crois que je n'ai jamais autant crié « ta gu************ule » à mon poste de télévision. Et pourtant il m'est arrivé, dans un moment d'égarement, de regarder du Cyril Hanouna.

Pour être tout à fait juste, les quêtes annexes vous permettront toutefois d'approfondir le fameux lore qui ne sert à rien, vu que le scénar est ailleurs, et vous apprendra plein de choses passionnantes telles que « pourquoi ce petit pain à cette forme de trou de balle (oui, absolument, ce jeu me rend vulgaire, pardon) » et « quel est le passé de ce personnage stéréotypé jusqu'à la nausée qui a trois lignes de texte dans tout le jeu et dont vous aviez légitimement oublié l'existence », tout en permettant de donner un second souffle à l'aventure en proposant, plutôt qu'une structure cinématique > dialogue > téléportation > recherche rapide > combat de sac à PV > dialogue > cinématique, une structure plus libre de type dialogue > téléportation > recherche rapide > combat de sac à PV > dialogue, ou dialogue > téléportation > recherche rapide > combat de sac à PV > dialogue, ou encore dialogue > téléportation > recherche rapide > combat de sac à PV > dialogue.

Ce qui, accessoirement, anéantit le peu de logique structurelle de l'épopée puisque le protagoniste passe son temps à se déplacer aux quatre coins de la mappemonde sans temps de chargement ni aucune cohérence géographique, se tapant dix mille bornes en un éclair pour aller chercher une fleur au-delà des mers et la ramener à un type dans le désert qui l'échangera contre un bout de métal avec lequel le forgeron à trois mille bornes de là fera un bracelet fashion que vous porterez vingt minutes, le genre de trajet qui devrait prendre des années, sans que cela n'ait d'incidence sur le récit et son urgence, comme si le protagoniste se téléportait pour de bon en mode super saiyan alors que le jeu suggère bien qu'il se tape tout ça à pied, en chocobo ou en calèche (et quand bien même se téléporterait-il qu'il trouverait toujours des PNJs à l'arrivée, partis en même temps que lui, pour lui lâcher un rageant « vous en avez mis, du temps »). Même problème au niveau de la gestion de la temporalité, avec notamment une ellipse de cinq ans passée à croiser le fer sans que Clive n'y ait gagné un seul point d'expérience ni changé d'équipement dans l'intervalle, encore moins bisouillé sa gueuse qui a décidément la patience d'une plante verte (s'est-il lavé ? Nos experts s'interrogent). Ellipse durant laquelle il s'est passé moult choses trépidantes dont le joueur n'aura vent que par ouïe dire (grâce à l'hilarante option de discussion « rappelle-moi comment on s'est rencontré déjà ? », très utile les lendemains de biture), incluant notamment un complot déjoué doublé d'une tentative d'assassinat, qu'on nous racontera faute de nous les faire jouer, préférant nous envoyer à la recherche d'un cuisinier sénile perdu dans les cailloux ou en quête d'ingrédients pour un ragoût de Morbol. Rien que ces aspects du jeu, aux antipodes de ce qui se pratiquait dans l'opus précédent, sont une insulte au joueur et à son intelligence.

Ce ne seront hélas pas les seules, loin s'en faudra. Notons également (liste non exhaustive, je vous laisse le soin de la compléter en commentaire) :

* Ces temps de chargements déguisés en ouverture de portes à base de touche à maintenir enfoncée, comme à l'époque préhistorique d'avant la Playstation 4 mais avec du retour haptique pour faire next gen, histoire de donner au joueur l'illusion d'agir alors qu'en réalité, l'action qui lui est demandée ne sert qu'à camoufler (grossièrement) une procédure automatisée sur laquelle il n'a pas prise, ce qui résume plutôt bien le jeu dans sa totalité. On vous demande d'appuyer sur un bouton pendant un temps de chargement et vous êtes censé croire que vous êtes partie prenante de la manoeuvre, comme si on vous demandait de nettoyer une pièce déjà propre ou de relire un mail qui a de toute façon déjà été envoyé. Le respect est en DLC.

* Ce leveling avec répartitions de points d'expérience automatique, parce que le faire soi-même c'est trop fatigant et que de toute façon, le changement de niveau n'est là que pour vous donner l'illusion d'un progrès chez un personnage qui passe les trois quarts du jeu à rouler sur ses adversaires, en marche avant ET en marche arrière.

* Ces QTE minimalistes avec UNE touche à appuyer en temps faussement limité toutes les dix minutes, pour nous donner l'illusion d'être actif (bis) alors qu'on est en train de regarder une énième cinématique à rallonge, sur laquelle on a plaqué deux barres de vie qui descendent pour faire croire que ça joue encore.

* Cette animation, toujours la même, hors champ, pour donner un objet aux PNJ, avec nécessité de valider le don en question alors qu'il n'y a pas de possibilité contraire. Je vous laisse mesurer l'absurdité du procédé : vous êtes obligé de valider un don que vous ne pouvez pas dé-valider, et pour ça, vous devez sélectionner l'objet en question dans une liste n'affichant que lui (oui, oui, vous avez bien lu). Là encore, le but est clair : faire en sorte que le joueur appuie sur un bouton pour qu'il ait une fois de plus l'illusion d'être actif alors qu'il ne l'est pas, tout en grattant un peu de temps de chargement ou de durée de vie à la hussarde.

* Ce niveau de difficulté si mal nommé qu'on devrait plutôt parler de niveau de facilité, ou de dîner de c*n ("dîner de Clive", dit-on en novlangue), même en normal et sans les anneaux d'assistance, lequel va donner au joueur l'illusion d'être un cake de la manette à grands renforts de coups de grâce automatiques, d'esquives parfaites ultra-permissives et de combos minimalistes (dont vous aurez fait le tour dès vos deux ou trois premières heures de jeu, le reste de l'aventure ne vous permettant d'accéder qu'à quelques attaques secondaires supplémentaires, avec seulement trois palettes utilisables simultanément). Et ne parlons même pas de la parade, qui n'a pas de bouton dédié puisqu'il suffit de frapper exactement au même moment que l'ennemi pour la déclencher. Ce qui implique que même celui qui spamme carré en mode Track and Field à un pourcentage non négligeable de la déclencher à chaque assaut ennemi. V'là le challenge. Le sentiment de puissance est d'autant plus total qu'il est généré artificiellement (mot clé de cette critique, avec "illusion"), sans que le joueur n'ait trop rien à y voir, un peu comme quand on regarde une démo de Guilty Gear en étant convaincu que c'est nous qui jouons contre l'ordinateur, jusqu'au moment où on se rend compte que la manette est déchargée et qu'on est juste une tanche.

* Ce crafting inutile puisque de toute façon, d'une manière ou d'une autre, vous aurez toujours accès à un équipement plus puissant en vous contentant de suivre le script en ligne droite. Et puis de toute façon, au front, vous ne verrez pas vraiment la différence entre votre ancienne arme ou la nouvelle, vous vaincrez vos ennemis en sept minutes trente au lieu de huit, c'est la folie, qu'est-ce que vous allez bien pouvoir faire de ces trente secondes surnuméraires ? Ecouter un PNJ dégoiser sur ses cors aux pieds ? Sans doute.

* Ces trésors brillants disséminés dans les environnements soit pour vous baliser le chemin, soit pour vous pousser intuitivement à faire des détours alors que vous savez pertinemment que vous ne trouverez rien d'intéressant nulle part, juste des griffes de bestioles pourries et 2 à 13 gils, selon la générosité de la console, quand le moindre morceaux de musique en coûte 40000 et sachant que de toute façon, les gils, vous n'en avez pas besoin puisque si vous souhaitez refaire le plein de potions pour pas un rond, il vous suffit de vous laisser fumer en combat (c'est à dire d'arrêter de spammer le bouton carré). Car à part les potions, une arme de temps en temps et les thèmes musicaux, franchement, je ne vois pas trop ce qui vaudrait le coup d'être acheté dans ces boutiques copiées-collées.

* Ces badges que vous remettent les PNJ pour vous témoigner leur confiance, comme autant de succès supplémentaires, sans qu'ils servent à quoi que ce soit ni que vous ayez le moindre mérite à les obtenir vu qu'ils sont obligatoires.

* Ce bestiaire tellement limité qu'on dirait un zoo de province à la veille de sa fermeture définitive, avec reskins d'ennemis à volonté et toujours les mêmes patterns à la clé, pour être bien sûr qu'on se retape un million de fois le même combat, mais contre des gugusses pas tout-à-fait sapés pareil.

* Ce level design en ligne droite, et parfois plus ouvert, mais tout aussi ennuyeux (rendre un jeu couloir aussi terne qu'on monde ouvert, un bien bel exploit, ma foi) puisqu'il ne s'y trouve rien d'intéressant et que pour peu qu'on s'inflige quelques quêtes annexes ici et là, on n'a absolument pas besoin de grinder ingame, et tout intérêt à esquiver les combats de mobs à dos de chocobo (le chocobo le plus useless de la licence, au passage, puisque si vous ne défoncez pas en permanence la touche R2, il est plus lent que votre personnage quand il MARCHE). A noter que parfois, vous repérerez des zones mystérieuses à l'écart sur la carte, mais ne vous embêtez pas à les explorer : vous n'y trouverez rien, elles ne sont là que pour servir d'arène au sac à PVs d'une future quête annexe. Youhou. Sans parler des murs invisibles ou des buissons et cours d'eau que Clive refuse d'enjamber. Quand on fait de la GRS avec des épées enflammées tous les quatre matins, ça fait un peu tâche, mais un héros aussi peut avoir ses limites. Tu te rends pas compte, toi, derrière ton écran. L'eau ça mouille et les buissons ça pique.

* Cette option de course automatique qui se déclenche en extérieur sans vous demander votre avis et donne à Clive un air encore plus Clive que d'habitude, avec une animation piquée sans vergogne à Noctis le mal aimé. Parce qu'il n'y a pas de petites économies, surtout chez Square Enix.

* Ces marqueurs de destination impossibles à désactiver, censés vous guider tous le long d'un jeu qui, rappelons-le, EST A 80% EN LIGNE DROITE !!!! C'est dire si les facultés intellectuelles du joueur sont tenues en haute estime ! Payer 60 euros pour se faire cracher au visage, c'est un concept.

* Ce saut automatique obligatoire pour enjamber les obstacles scriptés ALORS QU'IL Y A UN BOUTON POUR SAUTER MANUELLEMENT, inutile hors combat. Parce qu'on ne voudrait pas que vous vous blessiez, m'voyez ? !

* Ces personnages de soutien qui ne servent qu'à faire de la figuration, pendant que les ennemis, eux, lorsqu'ils sont en surnombre, vous tournent autour sans vous taper pour ne surtout pas vous déborder, houlala, on est pas comme ça, nous, on a des valeurs, le code d'honneur des méchants nous interdit d'être trop agressifs, et puis à quinze contre un ce ne serait pas très fair-pl... HAAAAAAAAAAAAAA UNE TORNAAAAAAAAAAAADE ! AUUUUU SECOUUUURRRRRS !!!!!! MAAAAMAAAAAAANNNN !!!!

* Cette surenchère de points de vie pour étendre encore davantage la durée de vie d'un titre qui, sans cela, aurait été bouclé en deux deux avec un seul doigt tant le système de combat est enfantin, jouant la carte de l'hyperbole jusqu'au ridicule pour gonfler l'égo du gamer impressionnable. « Maman, Maman, je viens de faire 5 millions de dégâts à Bahamut ! Je suis le plus foooort ! » « Et il a combien de points de vie, Bahamut ? » « 5 milliards, pourquoi ? » « Parce que du coup, c'est comme si tu avais infligé 5 points de dégâts à un adversaire qui a 1000 points de vie. Tu te sens fort, là ? ! Non ! Bon ben va ranger ta chambre alors ». Un artifice tellement bancal et mal pensé que pour éviter de perdre le joueur en cas de game over, le titre vous permet de reprendre votre combat de boss à mi durée, voire dans son dernier quart, selon l'avancement de votre affrontement au moment où vous vous êtes fait buter à force de vouloir passer en force pour abréger votre calvaire. Parce que s'inquiéter des patterns de l'adversaire, c'est rigolo, allez, quoi, cinq minutes, dix grand max. Au-delà, les gens sains d'esprit commencent à dresser mentalement leur liste de courses.

Autant de pièges à gogos accrocs à la dopamine qui ont fait les beaux jours des pires jeux gachas, et la fortune des constructeurs de smartphones.

Par contre, n'attendez pas d'altérations d'état ou de faiblesses élémentaires, on n'est pas dans un RPG à papa ici, vous pourrez flinguer les Bombos à coups de boules de feu... alors que ce SONT littéralement des boules de feu eux-même, bon sang de bois, ça valait bien la peine de passer tout le récit à collectionner les pouvoirs élémentaires dites-donc, ça pète dans le CV à défaut d'autre chose. Vous aurez bien quelques petits sphériers rachitiques à remplir pour vous donner l'illusion de progresser, mais moins que dans Jedi Survivor, et INFINIMENT moins que dans Bayonetta 3, qui propose INFINIMENT plus de combos et de zones à explorer, de façon plus ludique et plus gratifiante, tout en n'ayant pas d'autre prétention que d'être un bon BTA, et en se payant même le luxe de vous permettre d'invoquer vos « Primordiaux » gigantesques n'importe quand et à volonté.

Je veux dire, oui, dans Final Fantasy XVI, j'ai été amené à tester mes propres combos, d'accord, mais pas parce que ça changeait quoi que ce soit ingame (les dégâts restent les mêmes, encore une idée de génie, ça), juste parce que je me faisais grave suer et j'avais envie d'appuyer un peu sur d'autres touches pour voir. Je veux dire, je ne sais pas si vous vous rendez compte mais le moteur principal de Final Fantasy XVI, c'est l'ennui. C'est grave, ça, quand même.

Alors oui, si tu n'as jamais joué à rien d'autre de toute ta vie et si tu es du genre à te pâmer devant les films Marvel ou les animés de combats avec la caméra qui tourne toujours dans le même sens (pompés sans fin d'Advent Children, qui avait au moins le mérite d'être précurseur dans ce domaine), peut-être que tu pourras vivre l'aventure la bouche en cœur parce que Clive il est trop fort et il est trop badass et il est trop beau gosse et toutes les femmes elles l'aiment exactement comme toi dans la vraie vie sauf qu'elles ne le savent pas c'est bête. Dans le cas contraire, fuis. Ou rabats-toi sur Bayonetta, qui fait ça à l'identique depuis des années, mais avec une bonne dose de second degré salvateur. Ou Nier Automata, tiens, puisqu'on en parle. Certes, les décors sont bien jolis (dans l'ensemble, et uniquement tant que le soleil brille), la bande sonore est sympathique (même si pas révolutionnaire non plus, à une ou deux ruptures de ton près), néanmoins ce ne sont pas les innombrables plagiats dont le titre se rend coupable qui redoreront sa médaille, bien au contraire.

N'ayant jamais vu Games of Thrones (pas de chance pour moi, je suis allergique au sexe et aux télénovelas), je ne pourrais pas trop me prononcer en ce qui concerne la série mais je sais quand même reconnaître un Marcheur Blanc, un John Snow ou un Sean Bean quand j'en vois un. D'autant que dans la mesure où il existe une vidéo Youtube intitulée « 49 ways Final Fantasy XVI copied Games of Thrones », je ne prends pas beaucoup de risques en partant du principe que « l'influence est manifeste ». Non parce que c'est beaucoup, 49, quand même. Je ne suis même pas sûr qu'il y ait autant d'ennemis différents dans tout le jeu.

Pour ce qui est du reste, par contre, et j'en louperai sans doute, je vous propose un petit jeu plein de spoilers (de FF XVI comme d'autres oeuvres, vous êtes prévenus), mais beaucoup plus ludique et convivial que le sujet de cette critique et que s'apellerio : « FF XVI, ou autre chose » ?

Le principe est simple : je vous livre des pitchs décontextualisés et vous me dites si je parle de Final Fantasy XVI, ou d'un autre titre antérieur.

Attention, les mains sur le buzzer...

C'est parti !

_ Le héros possède en lui la capacité de se transformer en une gigantesque créature monstrueuse qu'il va devoir apprendre à contrôler pour pouvoir affronter d'autres gigantesques créatures monstrueuses de même nature.

(l'Attaque des Titans)

_ Le jeu a à peine commencé que le héros et ceux qui lui sont chers sont attaqués à l'improviste par une troupe d'ennemis sans pitié, qui se livrent à un vrai massacre sans que le héros puisse rien y faire. Traumatisé, celui-ci perd le contrôle, révèle à son insu son vrai pouvoir latent, immense, et anéantit ennemis comme alliés. Pour contrôler ce pouvoir, il devra faire la paix avec lui-même et accepter ses actes, en se confrontant à l'ennemi qu'il croyait pourchasser et qui n'était en réalité qu'un autre lui-même.

(Xenogears)

_ Le héros est un ex esclave investi d'un étrange pouvoir en lien avec l'élément feu, amené à rejoindre la résistance en compagnie d'une jeune femme du camp ennemi, aux pouvoirs similaires, qu'il a libérée le jour où il s'est lui-même défait de ses chaînes, et à laquelle il est (sans le savoir encore) intimement lié. Hélas, peu de temps après, le leader de la résistance est tué en combattant à ses côtés et il doit devenir le nouveau visage de la résistance, afin d'affronter l'un après l'autre quatre tyrans, dont un colosse brutal, une jeune femme séductrice et un noir souverain rongé par la folie, capables d'invoquer de mystérieux monstres élémentaires géants. Pour découvrir en fin d'aventure qu'ils sont tous les jouets d'une entité supérieure se servant d'eux pour extraire la force vitale de la planète sous forme de magie.

(Tales of Arise)

_ Prisonnier d'un corps qui n'est pas le sien et qui refuse de répondre à ses injonctions, le héros impuissant crie sa détresse jusqu'à se faire mal tandis qu'il met en pièce son innocent adversaire sans pouvoir s'arrêter ni lui venir en aide.

(Evangelion)

_ Enfin débarqué en territoire ennemi et avoir exploré dans son entier la carte des territoires connus, le héros découvre un monde en ruines dont les habitants ont été vidés de leur substance et de leur volonté pour devenir d'hostiles créatures offertes par leur souverain en sacrifice à un Cristal géant.

(Final Fantasy XV. Ben oui).

Etc, etc, etc.

Ainsi, pêle-mêle : l'apparence de Clive est pompée sur le Harlock en CGI de Shinji Aramaki, sa tenue est pompée du Crimson King de Ys IX et sur la troisième phase d'Haseo dans .hack//G.U. pour sa forme d'émissaire (Haseo qui, d'ailleurs, peut lui aussi se transformer en une gigantesque entité de nature inconnue, appelée Epitaph, laquelle en affronte d'autres dans des combats ressemblant au brouillon de celui contre la dernière phase de Bahamut, ou contre la deuxième du boss final), Ifrit se déplace et combat comme l'Eva 01, ressemble à s'y méprendre au Godzilla d'Hideaki Anno, l'intro se calque sur celle des Deux Tours, Jill ressemble à un mix entre les deux tenues de Callista dans The Last Story, Hugo ressemble à Thanos jusqu'aux bagouzes à la main, les ennemis SF semblent tout droits échappés de Bayonetta 3... Une vraie foire à la saucisse de l'anticréativité, comme quoi on n'a pas besoin des IA pour décalquer allègrement à droite à gauche et appeler ça « un nouveau jeu ».

Et finalement, on se demande bien pourquoi Final Fantasy XVI bénéficie de tant d'indulgence là où le XV se faisait éreinter : le système de combat est tout aussi basique et répétitif (voire plus), les quêtes annexes encore moins gratifiantes, le jeu se trace intégralement en ligne droite, les personnages ont moins de personnalité (ce qui n'est pas peu dire), et oui, ok, d'accord, il y a un scénario complet (encore qu'on ne m'enlèvera pas de l'idée que l'ellipse de trois ans n'est pas là par hasard, mais admettons...), cependant c'est sensiblement le même et il est nul, donc bon, le bilan n'est pas très glorieux non plus, c'est un navet de luxe et basta, un catalogue de tout ce qu'il ne faut pas faire dans un jeu vidéo, digne successeur de the Bouncer auquel il ressemble étrangement, que ce soit au niveau de la structure ou du gameplay.

Mais on s'en f*ut, y'a des gros monstres qui se labourent joyeusement la tronche à coups de rayons lasers, avec des effets de lumières comme dans les soirées Jean Michel Jarre du Macumba, on a pas besoin de bien jouer pour bien jouer, tout se fait tout seul, l'héroïne elle est jolie et à un moment elle est toute nue, ça buggue mais on s'en tape, si tu sors de la zone de combat par inadvertance tu peux bien frapper sur le monstre qu'il retournera nonchalamment à sa place d'origine et récupérera tous ses points de vie (après vingt minutes de combat à faire sans cesse la même chose, c'est toujours un plaisir), les persos sont des mannequins cabine conçus exclusivement pour faire frémir joueurs et joueuses dans leurs petits slips DBZ, n'importe qui aurait pu écrire le scénario, Chat GPT inclus, mais c'est Yoshi P aux commandes, et c'est un Final Fantasy alors on va lui mettre deux mille sur vingt et tous les autres c'est des haters qui râlent parce que c'est pas du tour par tour.

Initialement à 17, ma note tombe à 2, pour les décors et les musiques. Un pardon sincère aux internautes qui m'auraient lu auparavant et se sentiraient trahis. C'est la première et dernière fois que j'écris ma critiques avant d'avoir fini le jeu, le film, le livre, que sais-je. Promis.

Pour terminer, une anecdote : sitôt que j'ai vu Talgor bébé à l'écran, je me suis exclamé « ça, mon gars, c'est sur la boutique Square Enix dans les deux heures, à 70 balles la peluche ». Et alors bon, ça a finalement pris quelques jours de plus mais vous l'y trouverez dorénavant décliné en deux modèles, l'un à 35, l'autre à 110 euros. Aussi étrange que cela pourra paraître, j'y vois une conclusion parfaite pour ce brûlot.

Square Enix nous prend vraiment pour des Clive.

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Critique initiale à 17 (basée sur mes quinze ou vingt premières heures de jeu), parce que je ne la renie pas et qu'elle dit la même chose, finalement, mais en mieux écrite et en plus (trop) indulgente :

Alors ça commence, déjà t'es direct dans le bain, c'est un reskin honteux de la séquence d'intro des Deux Tours, mais en (un peu) jouable et tu te dis tout de suite : « ok, j'avoue, ça claque, mais j'ai comme une sensation de déjà joué », tu repenses à l'intro de Nier Automata et oui, c'est un peu ça mais non, pas tout à fait, il y a autre chose, tu l'as sur le bout de la langue, c'est plus récent, tu te creuses la cervelle et puis paf, c'est l'illumination : Bayonetta 3. Tu as joué exactement la même séquence, à plusieurs reprises, en (beaucoup) moins joli mais en (beaucoup) plus fou dans Bayonetta 3, et du coup ben le plaisir de la nouveauté, il est resté dans la salle d'attente du Pôle Emploi.

Vient ensuite un mix cinématique entre Kingsglaive et Type Zero, mais avec des personnages qui parlent couramment le Peter Jackson, et des gros mots en prime comme ceux qu'on a pas le droit de dire dans la cour de récré, pour le grand frisson transgressif. Car Final Fantasy Croix Vé Baton l'a revendiqué : la licence a mûri, elle sera plus mature et plus sombre. Il y a aura donc du sang comme dans Type 0, des chocobos qui meurent comme dans Type 0 et des discussions tout nu d'après l'amour comme dans Xenogears.

Juste pour savoir... le PG de PG18, c'est l'abréviation de PiGeon, ou comment ça se passe ?

Car les créateurs de ce nouvel opus ne s'en sont pas caché : leur principale source d'inspiration, c'est Games of Throne (ouch), si bien que dès l'apparition de Sean Bean à l'écran, on sait d'emblée qu'il ne faut pas trop s'attacher. Et du coup, bon, ça gicle beaucoup, sans mauvais jeu de mot. Les personnages ont un zizi et ils comptent bien le faire savoir, les auteurs ne reculeront devant rien, ils sont chauds comme une baraque à frite, les hormones sont over 9000, les femmes ont des trucs au niveau de la poitrine et il faut que ça se sache, hors de question dorénavant de vivre dans l'ignorance, terminés les oeunuques autistes focalisés sur le sauvetage du monde, dorénavant on peut tirer son coup autrement qu'à l'arbalète ; mais paradoxalement, l'ensemble reste pudibond comme une convention de bonnes sœurs le jour de la St Patrick, s'appliquant à masquer toute forme de nudité un peu olé olé de façon drolatique à la Austin Powers (groovy baby), à tel point qu'on se croirait revenu presque vingt-cinq ans en arrière, le jeudi sur M6 en deuxième partie de soirée (les vrais savent). Ici, les zizis sont comme l'art lui-même (ou celui de Rocco Sifredi) : dans l'oeil du spectateur. Coïncidence ? Je ne crois pas.

Mais que les amoureux de la saga de la première heure se rassurent : il y a un mystérieux personnage à capuche. L'essence de la série est respectée.

Pour le reste, scénaristiquement, ça bouffe un peu à tous les râteliers : la putasserie racoleuse de Games of Throne, donc, Final Fantasy XII/Tactics pour la géopolitique fantasy déjà vue trente millions de fois mais toujours aussi efficace (l'originalité de l'approche ici est qu'elle n'a rien d'originale), Tales of Arise pour le scénario, Tales of Arise pour les personnages, Tales of Arise pour les thématiques, Tales of Arise pour les musiques (Bandai Namco, s*lauds, vous avez spoilé FF XVI à rebours dans le temps !), Xenogears pour le background twistien du protagoniste qu'on voit venir dès la fin de la démo, l'Attaque des Titans pour la « particularité » de ce même protagoniste, Evangelion pour les combats de primordiaux (IFRIT01, HASHIN !), c'est la super compile du waow effect edgy en mode « tkt ça va pas se voir », à coups de ralentis kitschos dans les cinématiques (le dernier en date à avoir osé, c'était le réal' de Knights of the Zodiac, je dis ça je dis rien), de mort brutales sans intérêt pour faire croire au joueur que c'est un grand maintenant (tout le monde peut claquer, mais vu qu'on ne s'attache à personne, ça va, on le vit plutôt bien), plombé par une absence totale de poésie, de légèreté ou de second degré qui battaient pourtant au cœur de la série jusqu'à l'épisode IX, et avec lesquels le XV avaient renoué un peu, par la force des choses.

La mappemonde, à elle seule, illustrera avantageusement l'expression « non mais c'est une blague » dans le prochain Petit Robert. Comme disait l'autre : "excuse l'aspect rudimentaire de cette maquette, Marty, elle n'est pas à l'échelle".

Et ne parlons pas du design du héros, mash up improbable entre cliché badass du mâle alpha et grand regard naïf à la Pat Patrouille, le genre accroc aux stéroïdes (doublé par Batman, en VF) mais intolérant au lactose que rien ne peut arrêter à part les rochers, les buissons et les petits cours d'eau.

Mais en contrepartie, vous aurez des GROOOOOS monstres qui font grouar (toujours les mêmes) en sautant dans tous les sens comme dans Bayonetta 3, mais en QTE ; et des persos qui font zim zoum dans le ciel avec leurs jambes comme dans le MCU ; et des couleurs qui font de la lumière qui font de la couleur comme à la vogue de Ploutarboeuf : ce n'est même plus un blockbuster, à ce compte, c'est un stand d'auto-tamponneuses, une attraction Disney sur rail, ça cherche tellement à vous en coller plein les yeux qu'on finit par développer des troubles attentionnels, on décroche et on fait mentalement sa liste de course en attendant que ça s'achève, comme pendant les invocations à rallonge de dans le temps, tandis que la musique pompier s'égosille à coup de choeurs baroques déjà entendus trente milliards de fois et d'un classicisme décevant (même s'il s'en détache de très jolis thèmes, quand le compositeur se pique de faire le lien avec les épisodes précédents). La caméra tourne dans tous les sens, le flou cinétique rend un peu malade, on se mélange les touches parce que visuellement on dirait un From Software, mais pourtant on s'accroche et on ne décroche pas, nous.

Non parce que oui, clairement, déjà, c'est super beau. Les décors sont sublimes. On a constamment l'impression de se promener (en ligne droite, mais hé, n'est-ce pas comme dans la vraie vie ?) entre les pages d'un concept-artbook, l'Ultimania du jeu s'anime sous nos yeux ébaubis, et si ce pseudo-réalisme que Square a adopté depuis l'épisode X manque toujours autant de génie et de charme créatif, force est de constater que le moindre panorama flatte tellement la rétine que pour un peu, elle en laisserait tomber son fromage. A tel point que le titre peut se targuer d'être plus beau que le remake de Demon's Souls, dans un registre similaire, ce qui n'est pas rien. Le vrai porn du jeu, il est là : dans les briques sur les murs, dans les pavés des routes, dans les feuilles sur les arbres; A chaque mètre parcouru, c'est l'orgasme. Il fallait bien ça pour faire passer la pilule d'une structure couloir-arène-cinématique à laquelle The Bouncer n'a rétrospectivement pas grand chose à envier, ou de PNJ gaulés comme des assets PS3 en mode Jour des Marmottes qui vous répètent les mêmes bouts de dialogue en boucle dès que vous les approchez à moins de trois mètres, ou encore du level design étriqué façon... Tales of Arise.

On disait quoi, déjà, sur la deuxième partie de FF XV ?

Et sur ses quêtes annexes ?

Non parce que moi je veux bien servir des assiettes de patates, hein, c'est pas comme si j'avais une vengeance à perpétrer ni rien, holala, faut servir pendant que c'est chaud, j'ai attendu treize ans, je peux bien encore patienter cinq secondes s'il y a un bout de météorite à se faire. Y'a pas de petit profit, comme ils disent chez Square Enix.

Par bonheur, le système de combat fonctionne : il ne révolutionne rien, il paraît même déjà étonnamment daté, et trop gamer friendly malgré des ennemis sacs-à-PV pour corser artificiellement le challenge et rallonger la durée de vie, mais il est plaisant manette à la main, varié (toutes proportions gardées), dynamique, et même si là encore, Bayonetta 3 est passé avant quasi jusqu'au copié-collé, on ne lui en demande pas plus. On est néanmoins loin, très loin, de l'intelligence novatrice du système hybride de FFVII Remake, qui aurait mérité d'être affiné et réutilisé dans le cadre d'un épisode numéroté.

Il n'en demeure pas moins que la mayonnaise prend, pour citer Benedikta, de sorte qu'on a beau grincer des dents intérieurement par intermittence (dans des proportions moindres que pour ledit Remake, heureusement), on traverse l'aventure sans déplaisir et avec un certain « sense of wonder » qu'on se surprend à trouver addictif, à tel point qu'on sera enclin à se montrer plus indulgent qu'on ne devrait et lui donner un peu plus que sa chance.

Un jeu comme ça, dépouillé de ses oripeaux AAA, ça vaudrait un 5 ou un 6.

Seulement voilà, il y a dans cet émerveillement inattendu quelque chose de très « Final Fantasy », contre toute attente, cet inexplicable sentiment de neuf et d'évènement ludique qu'on ressent à la sortie de chaque nouvel opus, et si une fois de plus, cette seizième déclinaison s'avère être un mauvais épisode de la saga, abordé comme une nouvelle IP, elle constitue une proposition ludique plus qu'honorable, en dépit de ses nombreux défauts d'un autre temps. On est loin des fiascos de Square de ces dernières années.

Final Fantasy XVI s'annonce donc comme le baroud d'honneur d'un éditeur dépassé par l'époque comme par la nécessité de s'ouvrir au monde, sans trop savoir comment, incapable de renier son embarrassant héritage ou de l'assumer complètement, écartelé sans cesse entre hier et maintenant, orient et occident, risques calculés et retour sur investissement, avec tout ce que cela implique de volonté de bien faire et de maladresses.

Ce qui définit plutôt bien cette nouvelle fantaisie finale, gauche mais généreuse, forçant trop sur le maquillage et les appels de pied, mais non sans quelques adorables et irrésistibles minauderies.

Ma foi.

Ce n'est ni l'extase promise, ni le grand amour, mais on saura s'en contenter.

Liehd
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le 11 août 2023

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