Dragon's Dogma 2
7.6
Dragon's Dogma 2

Jeu de Capcom (2024PlayStation 5)

L’année 2024 est chargée. Je n’ai pour le moment pas terminé un seul mois sans passer minimum 50h dans une grosse sortie du début d’année. Le huitième Yakuza Like a Dragon Infinite Wealth pour commencer, est venu me réconcilier avec une saga à laquelle j’avais pourtant déjà fait mes adieux. Final Fantasy 7 Rebirth quant à lui est venu confirmer cette étrange volonté de Remake d’imaginer ce légendaire jeu vidéo s’il était fait par des développeurs qui déteste l’original. Mais le titre que j’attendais le plus était bien Dragon’s Dogma 2. Développé par Capcom, sorti en 2012 avec une réception critique assez moyenne, le premier a finalement acquis une belle réputation au fil du temps et notamment suite à une ressortie sur PC et consoles modernes en 2016. Il est d’ailleurs devenu un titre pour lequel j’ai beaucoup d’amour. À l’époque, il semblait être une sorte de melting pot entre du Dark Souls, du Monster Hunter et pourquoi pas du Shadow of the Colossus. Avec la sortie de ce second épisode, on peut légitimement se poser la question si celui-ci s’émancipe de ses inspirations et enrichit la déjà très bonne formule du premier ?

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La suite d’un jeu hors du commun

La réponse à cette question, je vous le donne en mille, c’est « oui ». Vous aurez surement lu ou entendu que Dragon’s Dogma 2 n’était qu’un remake du premier en s’insurgeant (vous l’avez ?) contre le manque de nouveautés, comme si toutes les suites de jeu vidéo se devaient de réinventer la formule. Non, celle de Dragon’s Dogma s’inscrit dans le registre « reprendre et améliorer le premier ». Dans notre cas, ça me parait extrêmement pertinent tant celui-ci était capable de frôler le chef d’œuvre. Les combats étaient formidables, organiques, intenses avec des idées géniales et un système permissif que je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu ailleurs. Dragon’s Dogma est un action-rpg qui prend le terme « action » à cœur. Riche de plusieurs classes très différentes, de sorcier à épéiste, en passant par archer, les combats sont dynamiques et les compétences axées uniquement sur une barre d’endurance qui se recharge automatiquement à la manière d’un Souls. Pas de barre de magie pour les mages, ni de flèches limitées pour les archers, la difficulté réside dans la vivacité des ennemis, et la gestion des foules. Cela signifie aussi que le jeu vous laisse jouer archer ou mage et donc rester à distance. Accompagné par un maximum de 3 alliés, on peut totalement incarner un soutien, et rester loin du combat. Rien que ça, je trouve ça formidable.


Nos 3 alliés d’ailleurs sont ce qu’on appelle des « pions » dans l’univers. Ils sont contrôlés par l’IA et les ordres que l’on peut leur donner en combat sont très limités. En créant notre pion principal (le seul de l’équipe qui prendra des niveaux en même temps que notre personnage), on peut lui définir une personnalité qui déterminera son attitude en combat, mais à part pour les ordres basiques comme « stop » ou « suivez-moi », il agira à sa guise. Les deux autres pions potentiels de l’équipe sont des propres créations des autres joueurs et ça amène là aussi de très bonnes idées. Lorsqu’un de nos pions a déjà effectué une quête dans un « autre monde » il pourra nous guider vers l’objectif. Le jeu propose tout un tas de petites interactions dans ce genre qui donnent un charme fou à ce système et créé une forme d’entraide entre les joueurs sans que ceux-ci ne jouent directement ensemble. Les pions peuvent aussi connaître les points faibles des mini-boss ou leur faiblesse élémentaire.


Ce qui nous amène à ces fameux mini-boss justement. Les nombreux griffons, trolls, cyclopes, golems ou dragons peuplent l’univers et offrent des affrontements géniaux. C’est là que l’inspiration Monster Hunter et Shadow of the Colossus entrent en jeu avec une absence de lock, des faiblesses des ennemis plus ou moins évidentes (l’œil du cyclope par exemple) et surtout la possibilité de grimper sur nos adversaires pour atteindre plus facilement ces fameux points faibles. Les combats sont organiques parce que non scriptés, et que tout peut potentiellement arriver, le pire comme le meilleur. Un troll peut par exemple envoyer valdinguer un pion dans le vide et le condamner à une mort certaine, ou nous entraîner dans une zone avec des loups qui viendront ajouter une dimension bien pénible au combat. Mais à l’inverse une flèche bien placée dans l’œil et des coups répétés dans les jambes le feront basculer et il sera bien plus aisé de l’achever. C’est vivant, c’est plaisant, et le sentiment d’héroïsme est bien présent quand on se fait accompagner par des musiques grandiloquentes, en particulier quand on approche de la fin du combat et qu’un thème épique se déclenche, jusqu’à celui de victoire après le coup final, qui ne me lassera jamais.


On retrouve dans ces affrontements un sens du détail que le jeu possède aussi en dehors. Dragon’s Dogma a toujours un petit quelque chose qui favorise l’immersion dans son monde ouvert. On pense évidemment aux lanternes, qui consomment de la poix, nécessaires la nuit ou dans les cavernes pour y voir plus loin que le bout de son nez. Ceci dit le poids limité du personnage qui dépendra de sa carrure lors de sa création contribue aussi à ce sens du réalisme. Contraignant, mais pas trop, c’est un juste milieu entre un inventaire illimité et celui d’un Skyrim par exemple, limité, mais à des échelles ridicules (donc je peux porter 5 haches, trois armures et 250 patates, mais pas plus). C’est un peu tout l’esprit du jeu qui impose des règles potentiellement frustrantes mais bien moins radicales que dans un Outward. Cette réflexion pour trouver un juste milieu s’illustre parfaitement dans le système de voyage rapide, bien présent, mais très limité puisque dépendant d’un item dont le nombre n’est pas infini.


L’exploration repensée au centre de la formule

Dragon’s Dogma 2, enfin nous y arrivons, reprend absolument toutes ces qualités et les bonifies évidemment grâce à une technique de 2024. Toutes les échelles de grandeur ont été augmentés, celle du monde évidemment, mais aussi celle du bestiaire. Voir côte à côte un cyclope du premier et un du second est flagrant : ils ont pris de la taille et du poids, ce qui rend chaque affrontement encore plus épique qu’auparavant. La map quant à elle n’est pas une reprise de celle du premier mais présente un tout nouveau monde, qui reprend cependant une esthétique proche dans ses premières heures. Esthétique qui me parle tout particulièrement tant je la trouve élégante. Dragon’s Dogma 2 a beau être un monde de fantasy, son visuel est bien plus inspiré d’une époque médiévale réaliste que d’un genre féérique chatoyant. On pense évidemment à la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson et ses somptueux paysages de Nouvelle Zélande, mais c’est le cas aussi concernant le bestiaire avec des cyclopes qui évoquent évidemment les trolls dans l’adaptation de Tolkien. C’est un véritable fantasme d’avoir un jeu vidéo qui évoque autant ces films, d’autant plus dans une aventure mettant l’accent sur la marche (pas de monture ici, et on n’en ressent pas le manque), avec une notion de groupe omniprésente. C’est notre petite communauté de l’anneau à nous. En résulte une direction artistique extrêmement sobre mais pas triste pour autant (hein Final Fantasy XVI ?!). Les forêts denses, les petits courts d’eau, les grands monts et les tours de garde abandonnées lui offrent une ambiance crédible et réaliste où les chemins et ponts semblent avoir été posés par les habitants de ce monde plutôt que par des développeurs pour favoriser la route du joueur. Ambiance renforcée par la totale absence de temps de chargement et surtout par des effets visuels très réussis. Oui, techniquement, le jeu n’a pas à rougir de son moteur graphique, grâce à des effets de lumières somptueux et une distance d’affichage tout à fait honorable, mais c’est aussi grâce aux détails que le titre nous immerge si bien. Le vent qui souffle constamment, qui agite l’herbe et les arbres environnants nous invite à profiter du paysage. Il contribue à créer un monde qui semble vivant, loin de celui d’un Assassin’s Creed tout statique ou d’un Ghost of Tsushima qui lui utilise l’élément comme une mécanique de gameplay. Non, ici, pour bien continuer le name dropping, c’est le vent de The Witcher 3 ou de Zelda Breath of the Wild, présent uniquement pour renforcer l’atmosphère. Le parallèle avec le jeu de Nintendo ne s’arrête d’ailleurs pas là, en termes d’ambiance. Sans pour autant sacrifier ses thèmes épiques lors des affrontements contre les mini-boss, musicalement, ce Dragon’s Dogma 2 n’hésite pas à troquer le thème principal du premier (dont le motif était décliné sous plusieurs formes) contre une musique d’ambiance qui se fait discrète, minimaliste, où les douces notes de piano de Zelda sont parfois remplacées par des cordes ici et qui contribue à valoriser l’exploration du joueur.


Voilà bien un aspect qui a grandement été amélioré par rapport au premier : l’exploration. Malgré sa narration sous forme de quêtes (principales comme annexes) qui n’abandonnent pas les marqueurs sur la carte, celle-ci se font tout de même bien plus discrètes et ne servent que de prétexte à nous faire faire des allers-retours sur la map pour que le joueur l’explore comme il le souhaite. J’ai personnellement adoré le monde ouvert de Dragon’s Dogma 2. Passé l’introduction, on est bien vite plongé dans le bain et les défis qu’il propose. On a déjà parlé des contraintes de poids, eh bien celui-ci est encore plus limité dans le 2. De même, le premier réduisait notre vie maximale au fil des dégâts encaissés, mais permettait de la restaurer grâce à des potions ou remèdes. Ce n’est plus possible ici. La seule façon de restaurer notre barre de vie est de dormir. Heureusement, petite nouveauté, l’arrivée des feux de camps disséminés un peu partout sur la map, nous permet de régulièrement nous reposer, en prenant tout de même garde à vérifier qu’il n’y a plus d’ennemis dans les environs. En conséquence, nos excursions dans la nature sont donc plus longues que dans le précédent jeu, et les retours en ville bien plus espacés. La nuit est d’ailleurs plus dangereuse que jamais, très obscure, et remplie de créatures exclusives. C’est un monde dense, qui peut paraître redoutable au premier abord. Pourtant, le titre est très sympathique sur ses points de sauvegarde automatique qui se font avant chaque combat, rendant la mort peu pénalisante.


La map est incroyablement bien réfléchie pour nous faire toujours avancer. La route du premier village, Melve, jusqu’à la capitale Vernworth est particulièrement représentative. Finalement très linéaire, elle est surtout entourée de multiples cavernes à explorer sans que ce ne soit obligatoire d’y aller. Ces zones sont dangereuses, en particulier en début de jeu, mais c’est aussi là que vous trouverez potentiellement de meilleurs équipements que ce soit pour vous en équiper ou pour les revendre. La plupart d’entre elles ont aussi une entrée et une sortie qui ramène sur la route, juste un peu plus loin, ce qui créé un sentiment de petit détour qui n’est pas pour autant une halte. Bien sûr arrivé à la capitale et dans la région qui l’entoure, Vermund, on se retrouvera plongé dans la plus grande zone du jeu, et c’est ici qu’on passera la plus grande partie de l’aventure, à dévoiler la map, découvrir ses frontières, explorer ses secrets, affronter ses dangers, ou les fuir. Ce que Dragon’s Dogma 2 emprunte également à Breath of the Wild, ce sont ses reliefs. La carte est très montagneuse, et il n’y a pas une seule plaine véritablement plate. Pourtant, je n’ai pas eu le sentiment d’explorer tout à fait comme dans le chef d’œuvre de Nintendo. Déjà parce qu’on ne peut pas escalader toutes les falaises, mais aussi parce que le monde de Dragon’s Dogma 2 m’a semblé être construit autour des routes et des tracés humains. En suivant ceux-là, on tombe forcément sur des grottes, et s’il n’est pas du tout exclu de quitter les sentiers battus pour découvrir d’autres secrets, on finit toujours par retrouver un chemin. C’est une philosophie qu’on retrouve jusqu’à dans la construction en entonnoir du monde. Si la première région est la plus dense et peut donner l’impression que l’explorer va déjà nous prendre 100 heures, la seconde est bien plus réduite, et la dernière se traverse quasiment en ligne droite. Loin d’être petite, la carte de Dragon’s Dogma 2 est donc pensé pour être riche mais sans tomber dans l’excès, pour s’adapter à la fois au joueur qui veut tout explorer en détail mais aussi à celui qui souhaite régulièrement avancer.


Des combats jouissifs, à nouveau

Le fait de ne pas étouffer le joueur sous un contenu gargantuesque est paradoxalement la meilleure façon de l’inviter à explorer un maximum, d’autant plus que le butin à trouver dans les cavernes est souvent de qualité, quand bien même il ne concerne pas votre classe. Sauf que « votre classe », ça ne veut pas dire grand-chose dans Dragon’s Dogma 2. Il évite un écueil dans lequel tombent beaucoup de jeux à base de loot, à savoir donner de l’équipement qui n’intéressera pas le joueur, en lui proposant de changer de classe très simplement, soit dans les auberges, soit dans les guildes de classes, et ce, sans aucune contrepartie. Les aubergistes eux-mêmes nous incite à en tester de nouvelles. Même un Elden Ring échoue sur ce point selon moi avec certes la possibilité d’équiper tout ce que l’on souhaite, mais en dépendant de points de compétences qu’on aura déjà attribué et qu’il peut être contraignant de changer. Dragon’s Dogma 2 n’a simplement pas de points de compétence, mais débloque automatiquement de nouvelles techniques en fonction de la classe jouée. Tout le loot trouvé peut donc potentiellement vous intéresser tant il est aisé de changer de style de jeu. S’il y a des avantages à changer et des « talents » que l’on peut débloquer avec une classe et importer dans une autre, c’est surtout pour le plaisir de découvrir une autre façon de jouer qu’on est incité à varier, les combats étant à nouveau extrêmement jouissif.


Sur ce point, Dragon’s Dogma 2 ne change pas énormément de choses et se contente d’enrichir sa formule. Il reprend un bon nombre de classes du premier et les retravaille pour mieux les équilibrer. Adieu donc la classe de rôdeur qui permettait d’être aussi bon à distance qu’au corps à corps. Celle-ci est maintenant divisée entre le voleur (avec des dagues) et l’archer (uniquement à l’arc donc). On retrouve tout de même des classes avancées en progressant dans l’aventure comme celle de l’archer-mage ou du chevalier-mage. Si les sensations de jeu n’ont pas spécialement changé du premier au second, les combats sont tout de même plus riches grâce à une palette de mouvements un peu plus diversifiées. Beaucoup de compétences sont déclinées en fonction de leur utilisation. Par exemple, l’archer peut utiliser toutes ses techniques rapidement sans avoir à viser précisément, mais elles feront moins de dégâts. De même, le guerrier ou le voleur ont des attaques qui peuvent être bien plus puissantes quand on appuie de multiples fois sur la touche correspondant à la compétence, au prix d’une utilisation plus grande de la jauge d’endurance bien sûr. Enfin, pour ceux qui regrettent de ne pas pouvoir combiner attaques au corps à corps et à distance en une seule classe, il existe une possibilité qui intervient très tardivement dans l’aventure permettant de combiner tous les types d’armes voulus.


Si Dragon’s Dogma premier du nom approchait parfois du chef d’œuvre sans forcément l’atteindre, j’aurais souhaité vous dire que le 2 atteignait ce statut. Malheureusement, non, pas tout à fait. Le titre souffre notamment d’un équilibrage dans la difficulté imparfait et inhérent au genre du monde ouvert. Je peux donc difficilement lui reprocher tant c’est un écueil dans lequel tombent tous les jeux du genre. Si les premières heures sont pleines de tension où chaque affrontement peut être fatal, on finit à terme par être surpuissant à force d’explorer. Le joueur se retrouve dans une première moitié dans un cercle vertueux où l’aventure est difficile et donc le pousse à explorer pour trouver du meilleur équipement, gagner en niveaux pour devenir meilleur, et explorer des zones plus difficiles… Seulement, une fois haut level et avec de bons équipements, s’il se retrouve à rouler sur le jeu, ça lui enlève de l’intérêt à explorer en dehors de la simple curiosité. C’est un défaut difficile à lui reprocher, surtout que l’aventure cherche régulièrement à recréer des pics de difficulté en atteignant de nouvelles régions ou en lui mettant des dragons sur sa route qui représentent un bon challenge même à un niveau avancé.


Une narration catastrophique

Ce que je peux lui reprocher en revanche, c’est un point qu’on a esquivé depuis le début de cet article : son scénario. Dragon’s Dogma 2 est une sorte de reboot du premier en termes d’écriture : un gigantesque dragon nous vole notre cœur et nous met au défi de le récupérer. Sur notre chemin ne se dresse pas uniquement des monstres, mais des intrigues politiques, et c’est bien là tout le problème de l’histoire principale : sa narration est catastrophique. On ne s’en aperçoit pas immédiatement. C’est en arrivant à la capitale et face aux quêtes de Brant qui ne fait que nous envoyer 3 fois dans le château pour récupérer des documents ou libérer un prisonnier qu’on réalise l’absence totale de mise en scène, ou d’écriture des personnages secondaires. S’il y a quelques efforts dans la deuxième moitié de la trame, c’est loin d’être prenant, et même moins bon que la narration du premier (pourtant pas formidable) qui avait au moins le mérite de régulièrement mettre notre personnage principal (muet) en valeur. C’est vraiment triste, et je ne vous parle pas des quêtes annexes qui font passer Starfield pour un chef d’œuvre de mise en scène. Il y a vraiment des moments embarrassants à base de fondu au noir pour éviter une simple animation d’un personnage qui se lève d’un lit. L’aventure aurait gagné à s’inspirer là aussi de Breath of the Wild et de sa structure minimaliste dans sa quête principale, surtout que son postulat s’y prêtait parfaitement.


On ne va pas se mentir, s’il y a eu des concessions dans le développement, ça concerne cette narration, et il est probable que ce soit la principale raison d’un tel résultat. Pourtant j’y vois aussi une forme de narration involontairement méta, mais pour expliquer cette idée, il me faut spoiler une partie de l’intrigue du premier. Dans celui-ci, l’histoire, l’univers, les personnages sont très quelconques. De la fantasy médiévale classique avec le vilain dragon, le gentil héros, la princesse à secourir, la sorcière des bois. On y joue pour toutes ses qualités mais pas forcément pour l’écriture. Seulement, plus celle-ci avance, plus l’univers s’épaissit et détourne un peu nos attentes. La princesse à secourir, oui, mais d’un Duc qui perd la tête et qui abuse d’elle. La sorcière des bois, oui, mais en vérité, c’est un ancien pion d’un précédent insurgé. Le vilain dragon, oui, seulement les quelques rencontres avec lui nous prouvent qu’il est loin d’être dénué d’intelligence et que son rôle serait plutôt de nous tester. Nombre de questions trouveront d’ailleurs leurs réponses après avoir vaincu le fameux dragon d’ailleurs. Alors même que les crédits de fin sont en train de défiler à l’écran, on comprend que l’histoire n’est pas terminée. Le twist post-crédit du premier jeu était la présence d’un endgame. Le ciel adopte une teinte sombre, et un gouffre sans fin s’ouvre dans la capitale, nous donnant accès à des salles regorgeant d’ennemis bien plus dangereux que dans l’aventure de base. Au niveau du scénario, il traduit le fait que toute l’aventure n’est qu’un cycle qui se répète indéfiniment, à l’instar d’un Dark Souls, et aborde des thèmes qui le font soudainement plus approcher de la dark fantasy qu’auparavant.


Dragon’s Dogma 2, malgré ses faux airs de soft reboot pour les nouveaux joueurs, me semble finalement être bien conscient d’être une suite et de s’adresser aussi aux amateurs du premier. Ces anciens joueurs comme les scénaristes savent que le nouveau monde du jeu s’inscrit lui aussi dans ce cycle éternel. Et c’est justement parce qu’on en a conscience que j’ai le sentiment que le titre ne fait aucun effort concernant la narration. Comme si Capcom nous disait constamment « à quoi bon ? Tout ceci finira par être réinitialisé. » J’extrapole très certainement, mais si ce n’est pas le cas, c’est une vision très nihiliste de son univers, où tout est vain, rien n’a d’importance, alors pourquoi faire des efforts ? Dans tous les cas, c’est un aspect qui m’a grandement déçu, surtout lorsque la question des cycles est traitée avec bien plus de respect dans la saga Dark Souls.


Il y a bien une possibilité de endgame dans ce Dragon’s Dogma 2, malheureusement il ne laisse que peu d’impact, justement à cause des défauts évoqués plus tôt. A ce stade, le jeu nous demande de sauver les différents peuples du monde, en retraversant une version post-apocalyptique de celui-ci et en allant reparler aux personnages importants. L’idée est bonne, sauf que ces derniers ont tellement été mal mis en valeur que ça ne fait ni chaud ni froid d’atteindre ce but. De plus si cette version du monde est censée être bien plus dangereuse, on y arrive trop haut niveau pour être réellement inquiété. On a que peu d’intérêt à le réexplorer, d’autant plus que le jeu lui-même nous impose une contrainte de temps un peu particulière qui n’incitera pas à repartir à l’aventure. Les différents boss exclusifs qui s’y trouve paraitront d’ailleurs anecdotiques tant en termes d’affrontements que d’intérêt narratif. Une petite déception en comparaison avec la fin du premier qui venait relever l’intérêt du scénario.


Malgré ses importants problèmes de narration et ceux qui en découlent, notamment concernant un endgame décevant, Dragon’s Dogma 2 rempli parfaitement son contrat. Il reprend l’excellente formule du premier, l’enrichie dans ses combats plus jouissifs que jamais, et y ajoute surtout une dimension exploration qui encourage le joueur à flâner, à relever les défis, à être curieux, tant dans sa découverte des secrets que dans le gameplay avec ses différentes classes que l’on veut (et que l’on peut) toutes essayer. Avec sa direction artistique d’une rare élégance, le titre nous propose une aventure mémorable qui évoque autant le Seigneur des Anneaux que Breath of the Wild. Grâce à sa carte juste assez dense et intelligemment construite, ses choix immersifs qui demandent de l’engagement au joueur sans être trop radicaux, le voyage est aussi épique que bucolique. Son monde ouvert me convainc totalement, exactement là où celui d’Elden Ring m’a déçu. Dragon’s Dogma 2 a beau sembler n’être qu’un remake du premier, il prouve au contraire sa parfaite compréhension dans ce qu’il devait améliorer, et finit d’inscrire la saga comme l’une des plus importantes du jeu vidéo contemporain. Tant pis pour l’histoire, tant pis pour la fin. Ces défauts offrent à Capcom et Hideaki Itsuno une marge d’amélioration pour un potentiel troisième épisode. C’est un énième exemple qui prouve que le voyage est plus important que la destination.

TruffeMax
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le 22 avr. 2024

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