Deathloop
7.1
Deathloop

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2021PlayStation 5)

Dans Deathloop, coincé dans une boucle temporelle, notre objectif est (mini spoil) d’arriver à abattre “7” cibles lors d’une même boucle. Chaque boucle étant divisée en plusieurs périodes de la journée (matin, midi, après-midi, soir) lors desquelles le joueur peut se rendre successivement sur l’un des quatres lieux proposés (se modifiant suivant la période de la journée). Contrairement, par exemple à un Twelve minutes, où le temps avance de lui-même (ok c’est plus compliqué que ça), dans Deathloop, le temps ne défile pas lorsque l’on joue, mais seulement lorsqu’on passe d’une zone à l’autre. En quittant la zone C le matin, on peut accéder à une autre sur la période du midi.
A la fin de la journée, la boucle recommence (ou en cas de plusieurs décès dans un même niveau), et tout l’équipement est perdu sauf si l’on “sauvegarde” certains objets et compétences à l’aide d’une ressource à collecter dans chaque niveau pour ne pas repartir de zéro.
Le but est en fait de dénicher des informations sur les cibles à abattre en alternant les lieux et les moments de la journée. Par exemple, le code d’un coffre donnant accès à un élément important sur une cible se trouvant dans la zone A est à dénicher dans la zone B uniquement en soirée car c’est à cette période que le hangar où se trouve le coffre est ouvert.
Plus globalement, l’idée sera de comprendre comment rassembler plusieurs cibles au même endroit, dans la même période de la journée, afin de pouvoir éliminer ces dernières en une seule boucle. Toute la progression se fait grosso modo selon ce cheminement.
Et, comme dans Outer Wilds, toutes les informations (cassettes audio, fouilles d’ordinateurs, lectures de documents, etc.) utiles aux quêtes des différentes cibles sont sauvegardées entre chaque boucle dans l’interface du joueur et reste accessible à chaque instant.
En parallèle de ce déroulement, le joueur est plus ou moins régulièrement envahi par un personnage (Juliana) pouvant être incarné par un joueur en ligne ou l’IA, dont le rôle est de nous empêcher de rompre la boucle temporelle. Antagoniste principal, qui interagit souvent avec nous, qu’il faudra éliminer (ou à défaut pirater une antenne) pour débloquer la sortie d’un niveau.


Dans un tel contexte qui paraît foisonnant de possibilités, et malgré une communication très orientée “action”, on (enfin, je parle de moi) pouvait s’attendre à retrouver en jeu un aspect immersive sim prononcé, permettant au joueur d’expérimenter plusieurs solutions possibles pour supprimer chacune des 7 cibles en alternant les lieux et les périodes de la journée. Or, dans Deathloop, point réellement d’itérations envisageables, sur le modèle de Dishonored, ou dans un autre genre, d’un Hitman. Il n’y a, notamment pour la résolution finale de la boucle, qu’un véritable cheminement à suivre. L’imagination, la réflexion et la créativité du joueur restent finalement peu sollicitées. Il existe certes dans certaines configurations une possibilité d’approcher une cible de plusieurs manières, mais cela reste en retrait sur la durée de l’aventure.


Cette absence, ou ce retrait, de l’expérimentation, se retrouve aussi dans le gameplay du jeu, qui favorise principalement les phases de shoot (ou de course) au détriment d’une approche furtive. Certes, on peut jouer plus ou moins de manière discrète (se cacher, utiliser des armes silencieuses, lancer des objets pour détourner l’attention), mais le jeu n’est pas construit pour ça et favorise globalement l’engagement direct. Mise à part au début du jeu où l’on reste fragile, on devient vite une machine de guerre capable de nettoyer les zones ennemies. Arkane a favorisé cela en dotant les ennemis d’une IA quelque peu limitée et séparant clairement les zones d’alerte. Ainsi, on peut sortir les pétoires, faire feu de tout bois dans une partie d’un niveau sans que cela ne rameute les ennemis situés à 20 mètres de là. Pas spécialement amateur du shoot, et avec une infiltration limitée, j’ai finalement opté régulièrement pour la course au travers des obstacles, qui reste elle efficace à défaut d’être particulièrement stimulante.


Par ailleurs, dans les faits, Deathloop reste un jeu très “linéaire”, malgré la possibilité d’avancer à peu près comme on veut dans les 7 quêtes principales (rattachées chacune à une cible). Une sorte de liberté (très) guidée. En effet, pour chacune des 7 cibles, le joueur est guidé par un objectif clair, par exemple “fouiller le bureau de Mme X”, un pointeur de quête étant même par défaut activé (possibilité évidemment de l’enlever pour s’imprégner de la géographie de chaque zone et favoriser l’immersion). On a globalement “juste” à trouver le lieu indiqué et souvent lire/écouter un document donnant accès à un indice supplémentaire, mais qui demande généralement de devoir visiter plusieurs lieux à différents moments de la journée. De mémoire, il n’y a que vers la fin de chaque mission que le joueur est moins guidé et un peu plus porté à la “réflexion” (c'est un grand mot), ou tout du moins à faire un effort de recherche.


Qui dit boucle temporelle, accès à plusieurs zones à des moments différents, induit de nombreux allers retours dans les mêmes environnements. Et, pourtant amateur de rogue like/lite, de jeux basés sur un concept de boucle temporelle, je suis habitué, dans un certain sens, à parcourir des niveaux identiques et “refaire la même chose”, j’ai vraiment eu du mal à m’immerger dans Deathloop. Les boucles sont chez moi tombées du côté “rébarbatif”. Je n’ai pas trouvé, malgré les 4 environnements et les 4 périodes de la journée (soit si on veut 16 “niveaux” différents) que l’expérience se renouvelle suffisamment, malgré un changement de la météo et de la temporalité, une disposition différente des ennemis, un accès modifié à certains bâtiments. Je n’ai pas non plus été poussé par la découverte du scénario, à mettre à jour la raison de cette boucle temporelle. J’aurais voulu ressentir un sentiment tel qu’on peut le retrouver dans Outer Wilds où la découverte d’une règle qui régit l’univers singulier qui nous échappe procure une réelle satisfaction et stimulation intellectuelle. Découvrir le pourquoi du comment par une mécanique, par l’observation et non uniquement par un texte à lire, un dialogue, une cassette audio à écouter comme c’est le cas ici.


Côté immersion, j’ai aussi été un peu dérangé par tout l’aspect extradiégétique faisant le liant entre les différents segments de jeu. Peut être que techniquement (ou par rapport au concept) c’était compliqué (ou inutile ?) à mettre en œuvre, mais j’ai trouvé que passer par un menu entre chaque niveau (pour sélectionner sa nouvelle destination, faire le point sur les améliorations d’arme et d’équipement, etc.), et l’interface un peu lourde pour suivre les différentes pistes, hachent trop le déroulement de la boucle, là où dans d’autres jeux l’aspect boucle temporelle était plus fluide, moins “artificielle”, et finalement mieux intégré à l’expérience.


Néanmoins, malgré un avis globalement tiède, j’ai tout de même apprécié plusieurs éléments du jeu. Ce dont on avait déjà eu un large aperçu et qui ne (me) déçoit pas, la direction artistique mêlant des éléments vintages et loufoques (miam ces décors intérieurs), le sound design, le game feel global du jeu (très bonnes sensations de déplacements et de shoot). A côté de ça, on ressent une vraie sensation de montée en puissance (corollaire aussi de la compréhension intellectuelle du personnage de son inscription dans une boucle). Et, avec Arkane, encore une fois, le level design global des différentes zones est de qualité, même si j’y retrouve moins de cheminements alternatifs qu’escompté et qu’on aurait pu s’attendre à des niveaux plus grands. Enfin, la manière de justifier et d’animer la boucle (intéractions régulières avec Juliana, cohérent avec l’univers du jeu), un peu comme à la Hadès, où on en découvre par petite touche au fur et à mesure (même si ici cela sert davantage la progressivité de dévoilement du contexte et des objectifs), la caractérisation des personnages et l’humour général qui se dégage du titre restent des points que j’ai appréciés.


Au final, une expérience originale, assemblage de plusieurs concepts et propositions de gamedesign, mais qui ne fonctionne pas réellement sur moi, ou, en tout cas, que j’aurais imaginé davantage pertinente avec une autre orientation.
Mais oui, autrement, ça n’aurait pas été Deathloop.

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le 24 sept. 2021

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