Yurt
6.7
Yurt

Film de Nehir Tuna (2023)

L'amour naît où il veut, ici dans un pensionnat religieux, entre Ahmet et Hakan

L'histoire se déroule en Turquie, dans la région de Marmara. On est en 1996. Ahmet, qui dans la journée fréquente un lycée privé laïque, nationaliste, respectant les droits de l'homme et non la charia, est obligé, à l'instigation de son père récemment converti au radicalisme musulman, de passer ses soirées et ses nuits dans un pensionnat religieux (ou Yurt) pour y suivre des études coraniques strictes, se plier à la discipline de l'établissement et... subir les éventuelles brimades d'un dortoir où s'entassent les pensionnaires du lieu. Ahmet s'y sent déplacé, tant le contraste est grand entre ses journées vécues au lycée, d'esprit moderne, occidental, utilisant l'alphabet européen de 26 lettres et ses soirées & nuits passées dans un univers religieux quasi monastique (où l'alphabet arabe est, sous le manteau, encore utilisé, ce que la constitution démocratique turque de l'époque interdit), avec des garçons pour la plupart d'un milieu social beaucoup moins favorisé que le sien (son père est une huile de la région).

Bizuth de ce pensionnat religieux, Ahmet est, dès le premier soir, repéré par un autre pensionnaire : Hakan, qui, malgré son statut d'élève, exerce certaines petites responsabilités (genre assistant d'un professeur ou autres) au sein de l'institution dont, pour l'avoir intégrée depuis pas mal de temps, il semble connaître tous les arcanes. Une amitié, faite de sentiments et motifs inexprimés, naît entre les deux garçons. Au fil des péripéties, ils deviennent de plus en plus proches...

C'est un premier film. C'est finement casté, et joué avec beaucoup de naturel par les deux principaux protagonistes. Lesquels sont entourés de religieux, de professeurs et quantité d'élèves du lycée et du yurt. Le père et la mère d'Ahmet ont également des rôles importants. Mais toute l'histoire est centrée sur Ahmet (Doga Karakas) et Hakan (Can Bartu Aslan). Ils sont au coeur et le noeud du film, même si ça ne se remarque pas tout de suite, parce que Nehir Tuna, le réalisateur, prend le temps de situer et construire l'environnement de son histoire, en maintenant une sorte de suspense sur son déroulement et ce vers quoi elle mène.

Il y a pendant les trois-quarts du film un très beau noir et blanc. Le final est en couleurs, ce qui permet notamment de découvrir que les deux garçons ont les yeux bleus (ce qui doit être, j'imagine, plutôt rare en Turquie). L'histoire entre eux met du temps à se révéler pour ce qu'elle est, le réalisateur l'enveloppant longtemps de pas mal d'ambiguïté et d'un flou artistique savant. Mais dans les dernières minutes de l'opus, le choix et comportement amoureux de l'un et l'autre garçons est quand même assez clairement dit et montré. Et ils se reverront au pensionnat. En tout cas, c'est ce que j'ai compris.

Le tout dernier plan rappelle beaucoup celui des Quatre Cents Coups, en probable clin d'oeil à Truffaut, Jean-Pierre Léaud et à la Nouvelle Vague française.

Conclusion. C'est un très beau film. Une pépite du genre. J'ai passé un excellent moment.

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le 9 avr. 2024

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Fleming

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