Un prologue réussi mais un film perfectible

Cinq années après un Usual Suspects absolument majestueux, Bryan Singer devient réalisateur de la première adaptation au cinéma de la saga X-men qui deviendra assez vite et jusqu’à encore aujourd’hui ma franchise de super-héros préférée sur grand écran, et pourtant il y avait déjà du bon et du moins bon dans ce premier film. La première chose que j’aime bien dans les X-men en règle générale c’est qu’on est pas face à des gentils parce qu’ils sont gentils face à des méchants parce qu’ils sont méchants, ce qu’on retrouve un peu trop souvent à mon goût dans les autres films de super-héros : il y a là un propos politique, une diversité des personnalités des protagonistes, des antagonistes qui ne revêtent pas toujours ce rôle... en somme un propos sérieux plutôt qu’un simple divertissement.

Mais est-ce que tout ça était bien introduit dès ce premier film ? Parce que faire découvrir plus de 30 ans de comics X-men à un grand public en y restant fidèle dans l’esprit pour les fans, en y intégrant une dimension politique intéressante mais pas trop lourde, en étant compréhensible et cohérent, en laissant place à l’action attendue de part du genre... et le tout en 1 heure et demie c’était quand même un défi de taille. Personnellement, je ne parlerai pas des comics, je vais surtout m’intéresser à ce que je pense connaître le mieux, à savoir la place occupée par ce film dans la franchise au cinéma.

Pour bien présenter l’univers, on le découvre via les yeux de Malicia et de Wolverine, ce qui je trouve est une très bonne idée pour un premier film plutôt que de commencer directement avec tous les X-men dans leur école. Le casting des X-men est d’ailleurs vraiment excellent, Famke Janssen en Jean, Halle Berry en Storm, Hugh Jackman en Wolverine, Patrick Stewart en Professeur... c’est un quasi-sans faute, j’ai beaucoup de mal à imaginer d’autres interprètes qu’eux, ce sur quoi je reviendrai pour leur versions jeunes alternatives dans les futurs X-men depuis First Class. Il n’y a que James Marsden pour Scott que je trouve trop peu expressif dans ce film.

Si les X-men sont assez nombreux, ce film préfère se concentrer sur quelques personnages plutôt que tous : en gros Wolverine et Malicia. Les autres sont très peu présents finalement en comparaison et malheureusement je trouve que ça ne marche que moyennement, la petite crise d’ado de Malicia qui fugue et joue la demoiselle en détresse, Wolverine qui se montre comme brutal (mais qui a du mal à gagner la plupart de ses combats) en raison d’un passé dur (qui n’est que survolé)... c’est pas mauvais mais ça peine à me plaire alors que c’est vraiment le pilier du scénario. À côté de ça, Storm, Jean, Iceberg... ont un rôle que je trouve trop léger, c’est amusant de constater ce problème alors que la surcharge de personnages est ce que je reprocherai le plus à X-men Apocalypse, trouver le juste milieu est sans doute ce qui me convient le mieux.

Pour les antagonistes, si Magneto est introduit d’abord enfant merveilleusement bien avec cette scène osée du camp de concentration très réussie qui confère un aspect sérieux et dramatique au personnage dès ses premiers instants, si son aisance à manipuler le métal est bien montrée (comme lorsqu’il se construit un pont au fur et à mesure sans peine) et si Ian McKellen l’interprète très bien, son plan n’est vraiment pas terrible et c’est bien là tout le problème. Rendre mutants les dirigeants des pays est vouée à l’échec de ce qu’on apprend, n’est pas très intimidant comme menace et dévoile un côté lâche du personnage qui préfère le confier à Malicia plutôt qu’à lui même pour ne pas en risquer sa vie.

Dans ce film, et je dis bien dans ce film, je ne trouve pas le personnage de Magneto bien traité alors qu’il est clairement l’antagoniste principal, ce qui pour un film de super-héros s’avère très problématique, pour moi un film de ce genre avec un méchant foiré ne peut pas être un excellent film, j’ai beau cherché je ne trouve même pas un seul contre-exemple perso à cela. Dents de sabre et Crapaud n’ont aucun charisme, ce n’est pas un mal qu’on ne les revoit plus par la suite, par contre Mystique sauve le tout, que ce soit son humour, son agilité, sa ruse, son costume, son thème, son doublage (VF comme VO)... tout est réussie lui concernant, heureusement qu’elle est assez présente.

Le propos politique est introduit via le débat au sénat sur le fichage des mutants, l’humanité a pris conscience que des mutants vivent dans la société et cela pose problème puisque leurs pouvoirs soulèvent des questions de sécurité qui motivent certains politiciens à prendre des mesures contre eux pour mieux les avoir à l’œil, simplement parce qu’ils sont différents du reste de la population. Ce qui fait évidemment écho à la surveillance accrue de la population pour soit disant mieux parer les problèmes d’insécurité en dépit des dérives que ça peut engendrer ainsi qu’à l’intolérance et la méfiance envers ce qui est ou paraît différent de nous, ce qui n’entraîne jamais rien de bon pour qui que ce soit.

Cette intolérance est perçue aussi par la pluralité des X-men comprenant autant de femmes que d’hommes, des handicapés physiques, des afro-américains... dans leur rang. Ces thématiques sont très intéressantes et reviendront souvent par la suite, en revanche je trouve qu’elles ne sont que peu développées ici même si au moins présentes. L’opposition idéologique entre Magneto et le professeur faisant écho à l’opposition entre Malcom X et Martin Luther King, je ne l’a perçois pas encore dans ce film, sauf peut-être au cours de quelques dialogues comme dans la scène finale avec les échecs mais c’est pas le cœur du film à mon sens.

En tant que début pour la saga ce premier X-men se défend, Bryan Singer dit lui-même qu’il le considère comme un prologue pour l’avenir de la franchise, que ce qui lui plaît le plus c’est ce que ce film lui a permis de faire par la suite, je suis assez d’accord avec ça : des bases sont posées mais personnellement si je le considère comme un bon prologue j’ai du mal à le considérer comme un bon film parce qu’il raconte peu de choses compte tenu de son univers et ce qu’il raconte me laisse plutôt dubitatif mais vu ce qui a suivi ça valait le coup.