Londres, 1891. Acteur de théâtre shakespearien très réputé, Lawrence Talbot (Benicio del Toro) apprend par la fiancée de son frère (Emily Blunt) que celui-ci a disparu. Lorsque Talbot arrive dans la demeure familiale, où son père (Anthony Hopkins, grandiose) vit reclus en compagnie de son serviteur indien (Art Malik), il apprend que l’on a retrouvé le corps de son frère sauvagement massacré dans la lande, faisant courir les plus folles rumeurs sur un loup-garou qui vivrait en liberté aux environs. C’est bien malgré lui que Talbot va découvrir le bien-fondé de ces rumeurs…


Réputé pour ses films d’aventures familiaux (Chérie, j’ai rétréci les gosses, Jumanji), Joe Johnston n’est pourtant pas resté cantonné à ce genre durant toute sa carrière. En 2010, c’est à lui que font appel les studios Universal pour tenter de relancer l’intérêt du public envers leur univers de monstres, en faisant le remake du film éponyme de 1941 avec Lon Chaney Jr. dans le rôle de Lawrence Talbot. Si, à l’image de leur futur Dark Universe, la tentative se soldera par un échec au box-office, la réussite artistique est pourtant bel et bien là.
C’est sans doute avant tout par le biais de son casting ô combien prestigieux que Wolfman convainc de sa force : le trio Anthony Hopkins-Benicio del Toro-Emily Blunt fonctionne à merveille dans des scènes de confrontation inoubliables, admirables dans leur manière de mettre en scène des sentiments contenus, qui n’explosent jamais, mais soulignés avec beaucoup de subtilité.
C’est d’ailleurs un des principaux points forts du film : comme tout film de monstres qui se respecte, Wolfman n’est pas un film sur les monstres, mais un film sur les hommes. En s’appuyant sur l’introduction du surnaturel dans un cadre réaliste, le scénariste Andrew Kevin Walker (que l’on a déjà vu à l’œuvre sur Seven et Sleepy Hollow) en profite pour questionner le rapport de l’homme à la monstruosité, qu’elle lui soit intérieure ou extérieure. Ainsi, Wolfman devient rapidement une parabole (intelligente) sur la nature humaine et la perte d’humanité, parfaitement mise en œuvre dans des personnages intelligemment écrits, même si leur évolution sera finalement très limitée.
Mais Wolfman n’aurait sans doute pas été la réussite artistique qu’il est sans le talent de conteur et de metteur en scène de Joe Johnston. Et il faut dire qu’à ce niveau, Wolfman est un impressionnant sans-faute. Grâce à la photographie de Shelly Johnson, le réalisateur parvient à faire de chacun de ses plans une image mémorable qui s’imprime sur la rétine. Mais si le film revêt une atmosphère aussi envoûtante, c’est aussi grâce au travail de Rick Heinrichs, décorateur dont le talent n’est plus à démontrer (il a été directeur artistique sur Batman : Le Défi et décorateur sur les 2e et 3e épisodes de Pirates des Caraïbes) qui, avec son habituel souci du détail et renforcée par une bande-originale sombre et poétique de Danny Elfman, crée une ambiance gothique et baroque à souhait, dans la droite lignée de la littérature britannique du XIXe siècle dont Wolfman est un pur héritier.
Bien sûr, comme on est chez Joe Johnston, on ne peut pas ne pas louer la qualité sans failles des effets spéciaux, d’autant plus appréciable que Johnston, contrairement à beaucoup de ses confrères, a parfaitement réussi sa transition des années 80 aux années 2010, en évitant, lui, de s’appuyer intégralement sur des effets numériques susceptibles de vieillir très rapidement. Ici, il trouve le parfait équilibre entre des effets numériques parcimonieusement dosés et des maquillages très réussis, signés par un maître du genre, Rick Baker, qui parvient à rendre très crédible les loups-garous qui sont au centre de l’intrigue. Et ces derniers s’avèrent d’autant plus crédibles que Johnston a l’intelligence de réduire considérablement les scènes de loups-garous, afin de mieux faire ressortir le drame humain qui constitue le véritable centre du récit, en dramatisant les créatures à merveille par de somptueux jeux d’ombres et de lumières qui ne révèlent à chaque fois que le strict nécessaire pour laisser une belle place à la suggestion.
C’est ainsi que, de bête film de monstres peu prometteur, Wolfman devient une belle pépite du film gothique, qui égale sans problèmes les plus belles réussites d’un Tim Burton ou d’un Guillermo del Toro.

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le 6 oct. 2018

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Tonto

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