La bande annonce bombait son torse musclé en annonçant l'arrivée d'une relecture canine des Oiseaux alors que les images, elles, évoquaient plutôt un avatar quadrupède des origines de La Planète des Singes. Pas la peine d'en ajouter, c'était déjà largement assez pour définir mon choix de salle et me tourner vers ces meutes de Wargs là plutôt que celles d'à côté.

Une appréhension toutes fois, car l'affiche s'enorgueillit d'une récompense de festival, chose souvent inquiétante lorsqu'on évoque le film de genre, annonçant les pires détournements de style premier pour se former au moule d'une soi-disant originalité pour une "subtilité" de circonstance. D'un autre côté, ça peut aider celui qui espérerait un putain de film de terreur animale décomplexé et délesté des entraves hollywoodiennes pour une liberté euphorique d'images et de mise en scène. Après une telle annonce, on n'est plus dupe, va falloir faire avec du drame social, la langueur des errances juvéniles, les conflits familiaux, tous ces trucs.

Bon, ce film ne montre pas les nouveaux Oiseaux, pas plus qu'il n'est un ersatz de La Planète des Singes ou de Kingdom of the Spiders ou que sais-je encore... Tout au plus peut-il évoquer le sujet mais ce n'est pas ce qui fait sa substance ni son intérêt. Non, ce qui est vraiment prenant dans White God, voire touchant, c'est sa proximité constante avec le monde du cartoon. Non pas qu'on ait ici affaire à un film "cartoonesque" au sens habituel du terme, ce n'est pas un film burlesque ni un film de l'exagération déconnante, mais on a ici une mise en scène et un art des plans qui semble puiser son inventivité dans les contes dessinés.

Le film parait tenter le paradoxe séduisant d'une peinture de drame aux teintes d'apocalyptique gentillet par le biais d'une galerie d'images tout droit évadées d'un studio d'animation ou de la grande marmite du loufoque. Bien entendu au départ j'ai profité des quelques longueurs brasseuses de vide pour me raisonner, mettant cette impression sur le compte de l'utilisation récurrente de la Rhapsodie Hongroise. Voir un canidé hypnotisé par le morceau de Liszt fait forcément penser au chat, au lapin ou à la souris avant lui. Il était également probable que je me laissais avoir par mon amour du genre, ça semblait évident.
Pourtant, tout y revient constamment, de l'escapade du chien filmée à sa hauteur, les êtres humains ne devenant qu'éclats de voix envolés et cavalcades de pieds agités se perdant dans les hauteurs du cadre au plan du pont, montrant l'animal galopant de profil sur un long travelling proche d'un travail de chronophotographie ou d'un brouillon de chez Disney et allant jusqu'à frôler les ressorts humoristiques des fables sur cellulos. Et cette sensation trouve son apogée à la fourrière, alors qu'une meute entière de clebs toise un écran de télé, aspirée par la prestation de Tom dans The Cat Concerto, instant de recueillement intense trouvant toute sa force dans une ambivalence parfaitement menée. Un décalage jamais affirmé, presque improbable, somnolant paisiblement et jaillissant à l'écran par éclats brefs, qui devient très vite une force tout à fait singulière et efficace.

Un film que j'attendais au tournant comme un nouveau rejeton non assumé d'un cinéma de genre indécis en chemin vers les hautes sphères, l'imaginant déjà tenter avec lourdeur de s'extraire de l'héritage simple et efficace qui aurait dû le mettre au monde. J'étais paré, les crocs alertes, mais au final, cette histoire inattendue bercée par les notes fabuleuses de Liszt se révèle surprenante de malice, se justifiant par des détours louables, allant parfois jusqu'à la belle bravoure et réussissant à faire oublier les quelques divagations dispensables semées ici ou là. La terreur se trouve traitée avec un arôme de légèreté frivole et inversement, chaque seconde d'amusement a le goût amer de l'anxiété, ramenant l'ensemble vers la tradition du conte où l'enfantin se fait le meilleur compagnon du terrifiant.

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le 21 déc. 2014

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zombiraptor

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