Slasher tardif, puisqu’il arrive au crépuscule du genre, qui en 1987 tente de se réinventer, mais dès 1988 sombre dans l’exploitation la plus sommaire, ‘’April Fool’s Day’’ est une production qui répète à la perfection toute la partition du parfait petit Slasher. Ne payant pas de mine, il s’amuse à jouer avec le genre, et ses codifications très strictes.


Neuf étudiants décident de fêter leur diplôme de fin de parcours, qui parallèlement annonce la grande plongée dans la vie active. Pour cela ils partent sur une île, où une de leurs camarades possède une grande, très grande maison. Bien entendu il y a un bémol, puisqu’ils y vont le 1er avril. C’est donc la porte ouverte à toutes les PRANK de bons, comme de mauvais goûts.


Sur le temps impartis en général à la présentation des différents protagonistes, avant que les meurtres ne débutent, passage nécessaire parfois un peu long, et rarement très intéressant, ici c’est sous le jour du fun que ça se déroule. Des petites blagues, disséminées dans toute la maison, offrent au public l’opportunité de faire connaissance avec les personnages, selon leurs réactions à ces canulars.


Bon, dans l’ensemble c’est comme d’habitude : de jeunes adultes libidineux, partis en week-end pour se la coller sévère, et s’envoyer en l’air. Sauf que sous cet air affiché de légèreté, ils renferment tous un secret, exploité par le tueur pour leur jouer des tours. Cela va loin, puisque le film n’hésite pas à aborder des thématiques plutôt lourdes pour l’époque (‘’l’époque’’, mais en vrai c’est quasiment la même merde aujourd’hui. Ce qui au passage fait de ‘’April Fool’s Day’’ une œuvre étonnamment d’actualité.)


Le film de Fred Walton se présente véritablement comme une allégorie du parcours initiatique. L’aventure proposé peut ainsi être vu comme ce rite du passage de l’enfance à l’âge adulte. Ce qui est le cas dans la majorité des Slashers, mais avec plus ou moins de pertinence. Ici, le récit aborde tour à tour l’avortement, la douleur et le deuil que cela engendre pour celle qui doit vivre avec ce traumatisme. Une réflexion encore, malheureusement, dans l’air du temps. La question est abordée rapidement, mais frontalement, ce qui fait écho à une dure réalité : celle dans les années 1980.


Avec le retour d’un bon gros conservatisme des familles au pouvoir, au cours de cette décennie l’Amérique se radicalise sous le regard de Jésus Christ, son sauveur. Toute la folle aventure libertaire du Flower Power, à peine 20 ans plus tôt, est complétement dépassée. Et c’est pour cette raison que le Slasher est souvent perçu comme un genre réactionnaire, du fait de l’époque à laquelle il est largement diffusé. Et du fait que les victimes soient des représentations d’une Amérique dévergondée, à un moment où ce qui compte le plus sont les valeurs et la tradition.


Hors, le Slasher, pour la plupart des cas, ce sont des œuvres réflexives sur le passage à l’âge adulte, et la difficulté d’aborder une nouvelle vie. Dans un monde cruel qui lorsque l’on est enfant est obstrué par des mensonges et des illusions. Devenir adulte c’est se confronter à la dureté de la réalité, à des drames, personnels, où présent dans le cercle proche.


L’amitié est ainsi un point pivot du métrage, ce cercle qui se construit autour d’un être unique, qui interagit comme un corps, pouvant réconforter au besoin, tel une soupape pour les coups durs, qui possède des limites flexibles. Il est possible d’agacer et d’énerver un/e ami/e, au point de repousser son seuil de tolérance, sur la seul garantie d’un lien invisible qui lie des êtres différents ensembles.
Ce qui fait qu’en tant qu’ami/e il est possible d’être parfois con/ne, voir détestable. Mais les liens sont plus fort. Sauf dans le cas où pour des raisons qui vous sont propre vous décidez de rallier LaREM. Là c’est un acte défiant toute amitié. Fopadéconé.


Dans ce microcosme que représente un groupe d’ami, il y a des personnalités multiples, différentes, parfois complémentaires, souvent complexes. ‘’April Fool’s Day’’ dresse ainsi un petit portrait de personnages avec leurs différences, qui correspondent à des conventions, sans jamais tomber dans le cliché. Comme c’est trop souvent le cas.


Cela permet d’aborder une pathologie, rarement approchée dans ce type d’œuvre, qu’est l’autisme. En effet, l’une des protagonistes est clairement asociale, et apparaît toujours en décalage vis à vis du comportement des autres. Ce qui au passage fait d’elle un coupable potentiellement parfait, mais permet surtout de montrer comment évolue une personne légèrement extérieure au monde, au milieu d’un groupe de franc/ches camarades.


Avec son rythme suivant scrupuleusement, à la gamme prête, le déroulé du Slasher par excellence, ‘’April Fool’s Day’’ se permet de moquer un peu les jeunes mâles, persuadés d’être Alpha, qui aiment la bière et la testostérone, exemplaires parfaits d’une génération recentrée sur le moi et son culte malsain du corps parfait. Ce qui fait passer Muffy (l’inadaptée sociale) pour encore plus étrange qu’elle ne l’est réellement.


Sont alors mise en avant des jeunes femmes, qui échappent aux clichés de la Scream Queen, ou de la Final Girl, des conventions un peu réductrices, d’aucuns diront ‘’sexistes’’ (le mot est lancé). Ici elles sont pleines de courageuses, n’hésitent pas à prendre les devants, lorsque les beaux gosses baraqués font étal de toute leur couardise engaillardie par une expression désespéré d’un paternalisme éculé. Assez peu sûr d’eux au-delà d’une image renvoyée par la société dans laquelle ils vivent. Qui sur cette île, loin de tout, n’existe pas. Ce sont donc les femmes qui prennent les affaires en charges.


Il est possible, sans frémir, de classer ‘’April Fool’s Day’’ comme une œuvre féministe, en plein cœur des années 1980, dans une société radicalisée, tel un joli pied de nez au reaganisme triomphant et l’avènement du héros américain tout en muscle. Retour aux réalité avec un Slasher, qui rappel à quel point devenir adulte peut se résumer à la confrontation avec une horreur des plus viscérale : la violence d’un monde et et de ses déviances, autour de mensonges organisés. Qui permettent d’alimenter une vision anticapitaliste de nos sociétés.


‘’April Fool’s Day’’ est ainsi une œuvre pleinement ancrée dans son temps, au point de traiter de sujets de fonds, et non de modes, qui 35 ans après sa sortie reste l’un des tout meilleur Slasher de la période. De plus, le film s’amuse avec son audience, sans trop en montrer, le tueur n’apparaît jamais à l’écran avant le final. Comme une variation adulescente du ‘’And then there were none’’ d’Agatha Christie. Un whodunit fun et efficace, pas très sanglant, mais avec une économie d’effets font tout mouche.


Une œuvre aussi amusante que son titre l’indique, c’est du tout bon, c’est cool, riche et intelligent. Et non, ce n’est pas un poisson d’avril…


-Stork._

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le 4 mars 2020

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Peeping Stork

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