Ce qui explique une nouvelle fois pourquoi j'ai tant de mal à me lancer dans les Ozu (même symptôme pour d'autres...). J'ai regardé l'horloge je ne sais combien de fois la première heure (pour imager). Il se passe rien, queue dalle, c'est l'ultime palier nippon, Kobayashi est un réalisateur de film d'action c'est sûr... Je me suis dit, c'est pas possible, ça va jamais le faire, je vois bien que c'est magnifiquement pur mais c'est aussi telllllement chiant et il se passe telllllement rien... Mais j'étais dedans, j'avais envie et je savais ce que j'étais venu chercher. Et comme pour Le goût du saké, la brise Ozu s'insinue, souffle dans le cou, attendrit, révèle, expose le plus simplement du monde. Les langues se délient, à peine, les émotions sont divinement cachées. Tout respire l'économie, l'écoulement naturel de la vie et tout respire aussi le Japon. La même sensation de campagne calme, la vue du balcon, les petits pas qui traversent le tatami, la vue assise du tatami, la chaleur, la pudeur, l'importance de chaque mot, la place de l'hôte, l'organisation de la maison au poil de Futon près, le temps qui passe assis, la rigueur de mise en scène. Tout ceci est classique du cinéma japonais mais ici, c'est telllllement sobre (il n'y a que ce mot vraiment), tellement dans le quotidien, calme, vide et plein, avec une infime pression flottante, totalement à l'opposé de la notion d'intrigue. Toutes les grandes questions familiales sont posées sans heurt, goutte à goutte, et répondues avec autant de plénitude tranquille que de fatalisme froid, sans que rien ne distingue le film de la réalité profonde d'un week-end familial tout ce qu'il y a de plus morne et ch... ennuyant. Mais que de sentiments sont passés avec rien. Que c'est beau de vie. Que la mort peut être simple aussi. Le dernier regard fixe de Chishu Ryu, de profil pourtant cette fois, m'a transpercé par sa puissance mélancolique. Une demi-heure après la fin, le film est ancré définitivement. Il y a clairement quelque chose de parfait, parfaitement pur et limpide, chez Ozu. Mais je préviens, c'est pas du tout cuit dans le bec pour ce que j'en dis.
drélium
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes ..Top 30 films japonais, °Chroniques nippones et 3 ans

Créée

le 21 janv. 2012

Critique lue 2.9K fois

82 j'aime

6 commentaires

drélium

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

82
6

D'autres avis sur Voyage à Tokyo

Voyage à Tokyo
Artobal
9

Le temps de Mémé est le temps de mourir

Le cinéma d’Ozu requiert de la patience et sans doute le renoncement, de la part du spectateur, à quelque espoir de divertissement. Pourtant ce cinéma est tout sauf austère et ennuyeux. C’est un...

le 8 févr. 2014

96 j'aime

12

Voyage à Tokyo
drélium
9

On se bouge les vieux !

Ce qui explique une nouvelle fois pourquoi j'ai tant de mal à me lancer dans les Ozu (même symptôme pour d'autres...). J'ai regardé l'horloge je ne sais combien de fois la première heure (pour...

le 21 janv. 2012

82 j'aime

6

Voyage à Tokyo
Dimitricycle
10

Si t'aimes pas le saké, Yasujiro de grenadine...

"Voyage à Tokyo" fait partie d'une poignée de films dont on peut décemment dire qu'ils sont parfaits. De tous les adjectifs qualificatifs qui me vinrent à l'esprit lorsque j'enlevai le DVD du...

le 15 avr. 2011

80 j'aime

28

Du même critique

Edge of Tomorrow
drélium
7

Cruise of War

Personne n'y croyait mais il est cool ce film ! Dingue ! On aurait juré voir la bouse arriver à 100 bornes et voilà que c'est la bise fraîche ! Doug Liman reprend pourtant le concept de "Un jour sans...

le 23 juin 2014

202 j'aime

31

World War Z
drélium
2

Brade pire.

Misérable. Pire film de zombies. Je m'attendais à rien et j'ai eu rien. J'ai même eu plus que rien, ou plutôt moins que rien. Il n'y a rien. Les seules scènes valables sont les trois moments...

le 5 juil. 2013

180 j'aime

66

Requiem pour un massacre
drélium
10

Va et regarde la guerre

Il y a peut-être un micro poil trop de gros plans de visages pétrifiés qui mettent en évidence un fond légèrement binaire comparé à d'autres œuvres plus ambigües et analytiques. Il n'est pas question...

le 26 avr. 2011

175 j'aime

18