Il y a peut-être un micro poil trop de gros plans de visages pétrifiés qui mettent en évidence un fond légèrement binaire comparé à d'autres œuvres plus ambigües et analytiques. Il n'est pas question ici de réfléchir sur la guerre mais de la ressentir à travers les 5 sens de Fiora. Et de ce côté là, le crescendo est cru, inexorable et magistral à moins d'être hermétique à cette approche. Du début, où l'ennemi invisible occupe déjà lourdement l'espace et les consciences à la fin où celui-ci est mis à nu, l'enfer sur terre est là, palpable, audible, nauséeux, brumeux et boueux. On baigne dedans. La manière russe a ce quelque chose de minéral, ancré dans le réel, sans édulcorant ni excès de Pathos, qui vous imprègne entièrement. Le collectif prend le dessus sur les identités d'un "Voyage au bout de l'enfer". Ici, c'est le groupe, l'ensemble homogène qui chavire dans les abîmes à travers l'œil d'un enfant. Les Hommes tentent d'abord de ménager son innocence avant que le réel effroyable ne surgisse irrémédiablement. Notre regard, c'est la caméra immersive au possible. La marche en temps réel s'enfonce du rêve vers la réalité de Fiora alors que nous avançons d'une simple réalité vers l'irréelle folie guerrière, par l'image mais aussi l'incroyable cacophonie grandissante de sons déployée.


Constamment beau et poisseux comme un Tarkovski, mais un Tarkovski on ne peut plus terre à terre, l'ensemble est aussi brutal qu'indémontable. La mise en scène flottante et proche de la nature invite souvent à s'échapper, jusque dans le plan final, mais la réalité s'impose : combattre. Nul ne peut l'éviter comme le montre entre autres l'image des avions de reconnaissance qui verrouillent le ciel. Pourtant, l'unique mort filmée est celle, terrible, d'une vache. Elem Klimov prend soin de ne jamais montrer le jeu de la mort et le combat tant voulu par Fiora. Il préfèrerait plutôt que la guerre ne soit pas là. Le film parvient en ce sens à ne pas être glauque. Le message est simple voire simpliste mais essentiel et évite brillamment la caricature morbide du conflit par sa parfaite mise en scène, embrassant tout de sa réalité la plus grave et accablante sans oublier de montrer la beauté de la vie. Exceptionnel.

drélium
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le 26 avr. 2011

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