Volt, star malgré lui
5.6
Volt, star malgré lui

Long-métrage d'animation de Byron Howard et Chris Williams (2008)

Le chien Volt est très attaché à sa maîtresse Penny. Génétiquement modifié, il use de ses superpouvoirs tous les jours pour la protéger des sbires de l’infâme Dr. Calico, qui a kidnappé le père de Penny. Ce que Volt ignore, c’est qu’en réalité, Penny, Calico et lui-même ne sont que les acteurs d’une série télévisée qui fait vibrer l’Amérique toute entière. En effet, l’équipe chargée de la série s’est arrangée pour tourner tous les épisodes en conditions réelles, enfermant Volt entre chaque épisode afin qu’il soit convaincu de la réalité de ce qu’il vit. Seulement, le jour où un épisode se clôt sur l’enlèvement de Penny par Calico, Volt, persuadé de la réalité de ce kidnapping, s’enfuit des studios à la recherche de sa maîtresse. Oui, mais dans le monde extérieur, ses pouvoirs n’existent plus…


Si Ernst Lubitsch avait dû réaliser un Disney animé, nul doute que ce film aurait ressemblé à Volt, star malgré lui. Des jeux entre l’illusion et la réalité qui parsèment l’œuvre du maître, Chris Williams et Byron Howard ont tout gardé pour les transposer dans l’univers de Volt.
Initié par Chris Sanders, qui débarqua du navire à cause d’un conflit avec le producteur John Lasseter (dont le génie n'est pourtant pas à démontrer), Volt, star malgré lui ne connut pas le sort de plusieurs de ses prédécesseurs (Kuzco, La Ferme se rebelle) en échouant entre les mains d’animateurs de seconde zone prêts à faire les quatre volontés de producteurs peu regardants, mais de réalisateurs de talent dotés d’une vraie vision. Ainsi, ils exploitent à merveille toutes les potentialités offertes par un scénario malin, en instaurant des jeux de va et vient entre l’illusion et la réalité avec une intelligence rare. Car en effet, le film tout entier de Williams et Howard, film méta par excellence, est tout à la fois une réflexion et un hommage à l’illusion cinématographique dans toute sa splendeur, revêtant régulièrement de faux airs de Pixar échappé chez Disney (Lasseter oblige !).


Dès l’introduction, le ton est donné au travers de ces dix minutes qui prennent un malin plaisir à entremêler le fictionnel et le réel sur un plateau de tournage littéralement impossible, afin de nous le faire voir du point de vue de Volt, intimement convaincu de la réalité de ce qu’il vit. Postulat de départ rocambolesque, argueront les plus rationalistes des spectateurs, puisque pour que Volt puisse ne se rendre compte de rien, il faudrait que tous les effets spéciaux soient présents dès le tournage et que tout objet technique soit invisible aux yeux du chien. Même si les réalisateurs eux-mêmes s’en amusent, quelques scènes plus loin, en nous proposant une nouvelle scène de tournage, vue cette fois du point de vue des techniciens eux-mêmes (fous rires garantis), cette introduction nous introduit parfaitement dans la poétique du film, et dans son jeu permanent sur la dualité entre le réel et le fictionnel.
Cet entremêlement de l’illusion et de la réalité qui ouvre le film et se brisera progressivement tout au long du récit fait écho au climax qui le clora : la scène de l’incendie du plateau. De fait, cette fois, loin des douces illusions du début, la fiction et la réalité touchent ici à l’apogée de leur antagonisme. Le monde mental de Volt s’est brisé au fur et à mesure du récit, voilà que son monde physique fait de même, parachevant la mue du chien. L’illusion se détruit (littéralement) pour laisser place à la réalité la plus objective qui soit, le chien et sa maîtresse vivant comme une sorte de « mort », pour renaître dénués de tous les artifices qui les encombraient. S’appuyant une dernière fois sur la fiction (le « super-ouah »), Volt entre ainsi de plain-pied, et cette fois consciemment, dans la réalité, la « vraie réalité », parfaitement mis en perspective par son ami Rhino qui a également brisé sa bulle (là encore, au sens littéral, en écho au sens figuré dont il se fait le porte-parole symbolique).


Ainsi, par le biais de la métaphore et de la double-lecture, Chris Williams et Byron Howard s’ingénient à captiver leurs deux publics, jeunes et vieux, chacun lisant le récit à son niveau, avec une jouissance devenue rare, même pour un film des studios Disney. Ce qui les touche autant les uns que les autres, en tous cas, c’est l’humour irrésistible qui naît du décalage constant entre Volt et la réalité, faisant de cet œuvre une des plus drôles que Disney nous ait jamais offert. S’appuyant sur des personnages parfaitement écrits, tous aussi attachants les uns que les autres sans qu’il y en ait un seul d’inutile, Volt, star malgré lui peut se targuer de ne compter aucun temps morts, tant l’inventivité est présente à chaque scène. Si l’humour diminue sensiblement dans le dernier quart d’heure de film, il laisse néanmoins la place à une belle émotion qui comble à merveille le vide, donnant au film tout son sens. Sans oublier une dénonciation assez délicieuse d'une télévision cynique, morte et sans âme qui fait du bien par où ça passe...
Et c’est au rythme des dernières notes de la (comme toujours) magnifique partition de John Powell que l’on quitte à regret un film qui, enfin, amorçait la sortie du désert des studios Disney, les amenant lentement mais sûrement vers un Nouvel Âge d’or. Un Âge d’or dont deux des plus grands artisans venaient de poser une pierre d’angle particulièrement imposante…

Tonto
8
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le 3 sept. 2018

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