Les archives James Bond, dossier 8: Espion, je te fais. Là, Moore.

Quotient James Bondien: 5,75
(décomposé comme suit:)


BO: 5/10

Pour la première fois depuis Bons baisers de Russie, John Barry n'est pas le compositeur de la bande originale d'un James Bond. Poussés à collaborer avec l'ex-Beatles Paul McCartney pour la chanson-titre, les producteurs Saltzman et Broccoli en profitent pour travailler avec leur célèbre architecte musical George Martin. Sans être honteux, le résultat du maitre-arrangeur de la pop peine toutefois à se hisser au niveau de Barry. Les arrangements et réutilisations des thèmes connues de la série sont parfois intéressants, mais les ajouts et les nouveautés sont trop peu nombreuses et trop peu marquantes pour mériter une place de choix dans la grande, l'immense histoire des BO des Bond.


Titre générique: 6/10
Il faut à l'auteur de ces lignes préciser d'emblée un point essentiel pour bien comprendre son propos: il n'existe pas énormément de personnes sur cette planète capables d'être plus fan que lui des Beatles en général et de Paul McCartney en particulier. Mais, si inoubliable soit ce Live and Let Die, qui continue à faire trembler les stades dans lequel se produit son auteur-compositeur-interprète de génie, le titre reste plus attaché à la carrière de l'ex-fan four que de la saga Bond. Le titre, repris à deux ou trois reprises dans le film, continue à sembler un peu extérieur à la saga.


Séquence pré-générique: 5/10


Une introduction complètement atypique, dans la mesure où elle la seule de la saga à ne pas présenter son héros en action, même dans une version factice (comme l'avait fait Bons baisers de Russie ou le fera le suivant L'homme au pistolet d'Or). La mise en scène de ces trois assassinats ne suffit pas à faire de cette séquence un moment fort du film.


Générique: 5/10
Maurice Binder ne semble pas complètement inspiré par le thème de ce film, et si le passage du visage de cette femme à celui d'un crâne est assez efficace, au moment où la musique explose, le reste est bien plus paresseux. Voilà deux génériques de suite ou Binder ne trouve pas de véritable second souffle, et propose un travail un peu convenu, sur les excellentes bases qu'il a lui-même contribué à créer.


James Bond Girls: 6/10
Solitaire (Jane Seymour) fait certes partie des héroïnes mémorables, de par ses accoutrements souvent extraordinaires, mais son rôle de grande prêtresse aux pouvoirs surnaturels fonctionnels (ce James Bond est donc le seul de la série à introduire une dimension magique avérée -outre l'immortalité de son personnage principal-) liés à sa virginité peine à être pleinement convainquant ou émotionnellement puissant. Pour le dire autrement, Solitaire est une oie blanche qui manque un peu de poids dans le récit.


Méchant(s): 7/10

Yaphet Kotto est un tel acteur qu'il ne pouvait que transcender un personnage sur le papier un peu léger. Ses changements d'humeur, passant de l'onctueux au menaçant en quelques fractions de secondes, sa dualité (peu aidée par un port de masque très moyennement convaincant) et son ambition assez modeste (par rapport aux multiples Blofeld des films précédents, par exemple) ne sont pas assez d'obstacles pour composer un méchant emblématique et redoutable. Pour ce faire, l'acteur a dû surpasser une série de sérieuses réserves quant aux lignes de dialogues qui lui sont proposées, et la place de la communauté noire dans le film.


Cascades: 7/10
Au moins deux d'entre elles apparaissent dans la plupart des compilations consacrées à cette catégorie issues des films de la franchise: la course sur dos de crocodiles (réalisée par la patron de la ferme où a été tournée la séquence, et réellement nommé Katanga, et qui du s'y reprendre 5 fois) et le saut de hors-bord par-dessus une digue, qui, avec ses 37m de longueur, est entrée dans le Guinness book pour de nombreuses années. Sans oublier le tête-à-queue avec un bus à impériale sur une route de 10m de large.


Scénar: 5/10

Comme son prédécesseur, le film veut intégrer un trop grand nombre d'angles d'attaque pour proposer un résultat homogène et convainquant. A la fois adaptation d'un roman de Fleming et le fruit d'une volonté de surfer sur une blaxploitation en plein essor, en même temps désir de présentation d'un nouvel acteur dans un nouvel environnement et remix d'épisodes passés (Dr No et Bons baisers…), et surtout dépendant des repérages effectués (toute la partie Louisiane vient du fait de trouver assez de péripéties sur place pour justifier un tournage sur place), le script est un grand gloubi-boulga assez indigeste et surtout peu passionnant.


Décors: 5/10

La seule petite friandise du film est de nous présenter l'intérieur douillet de 007, ce que seul Dr No avait fait avant lui (ce qui ne sera d'ailleurs plus jamais refait par la suite). Le reste présente un mélange de tournage "on location" et d'un repaire final sans la moindre once d'imagination ou de réelle nouveauté par rapport à ce que nous avions connu par le passé (oh, une grotte ! Oh, un monorail !). Syd Cain ne remplace pas Ken Adam pour la première fois, mais ça reste un de ses prestations les plus oubliables.


Mise en scène: 6/10
Pour son troisième Bond, Guy Hamilton propose un travail propre mais sans réel génie. Pensant en avoir fini avec l'espion anglais après Les diamants sont éternels, il est rappelé par Saltzman et Broccoli car il s'était engagé selon eux à mettre sur les rails un nouvel acteur, ce qui avait été finalement impossible avec l'épisode précédent, on s'en souvient. Guy s'est donc retrouvé (assez gentiment) coincé.


Gadgets: 6/10
Essentiellement une montre couteau suisse, au magnétisme puissant. Le détecteur de micros et la brosse émetteur ne semblent apparaitre que pour la forme. Pour dire si les gadgets sont peu importants dans ce film, le bon Demond Llewelyn (Q) n'apparait pas à l'écran.


Interprétation: 6/10
Roger Moore n'est pas encore pleinement installé dans son nouveau rôle, mais donne une première bonne impression de ce qui va suivre. Un humour détaché et une façon de ne jamais se prendre au sérieux qui va rapidement infuser les aventures de l'espion. Le plan où il survole San Monique en deltaplane cigare en bouche donne une assez nette image de ce que ce nouvel acteur propose en terme de décontraction et distanciation. Pour le meilleur et le pire.


JAMES BOND ROUTINE:


- Drague: Miss Caruso, une jeune agente italienne frivole est la première victime consentante de Roger Moore, et sera rapidement suivie de Rosie Carver (en service commandé) et Solitaire, peut-être un peu trahie par les cartes.

- Plus loin que le bisou ? Avec les trois. Et c'est une double première pour 007 qui couche pour la première fois à l'écran avec une James Bond girl noire, et une autre James Bond girl vierge.



- Bravoure: Courir sur 5 dos de crocodiles peut être facilement qualifié d'acte de bravoure. Mais si on se dit que c'est ça ou la mort sur son petit îlot…

- Collègues présents: Trois agents sont tués au cours de la séquence pré-générique, mais rien ne précise s'il s'agissait de 00. A priori, ils ne l'étaient pas.



- Scène de Casino ? Pas cette fois.

- My name is Bond, James Bond: Roger prend son temps entre les deux parties de la phrase et surtout s'applique à ne pas prendre l'accent écossais qui lui vient naturellement en pensant à Sean.


- Shaken, not stirred: Non seulement il n'est pas prononcé, mais en plus, sacrilège, tout à sa volonté de ne pas copier Sean Connery, James commande un bourbon.

- Séquence Q: Pas d'apparition pour ce bon vieux Q, tout juste est-il mentionné au sujet de la montre de James, qu'il aurait réparé.


- Changement de personnel au MI6: Aucun. Notons de Bernard Lee et Lois Maxwell se déplacent dans l'appartement de Bond, ce qui est une première (après que l'espion soit allé chez M dans Au service secret de sa Majesté)


- Comment le méchant se rate pour éliminer Bond: De nouveau un nombre incalculable de fois. Il y a d'abord une statuette cachée dans la jungle télécommandée qui ne choisit mystérieusement que de tuer Rosie Carver. Ensuite, Tee-Hee et ses amis décident de laisser James sur un petit îlot cerné par les crocodiles. Enfin, Kananga pousse le raffinement d'attacher 007 et Solitaire sur une minuscule plateforme en suspension au-dessus d'une piscine peuplée de requins. Et devinez quoi ? Ça reste toujours moins efficace qu'une balle dans le front.


- Le même méchant tue-t-il un de ses sidekicks ? Kananga possède une éthique. Il ne pratique pas ce genre de divertissement.


- Nombre d'ennemis tués au cours du film: 6. Cet épisode est d'ailleurs considéré comme le moins violent des 22 premiers films par une études néo-zélandaise de 2012.


- Punchline drolatique après avoir éliminé un adversaire ? "Il a toujours été assez gonflé d'orgueil"


- Un millésime demandé ? Un Bollinger.



- Compte à rebours ? Aucun.

- Véhicules pilotés: Une voiture conduite depuis la banquette arrière pour cause de chauffeur assassiné, un deltaplane tiré par un câble puis laissé libre, un bus à Impériale, et un hors-bord volant.



- Pays visités: Les Etats-Unis (New York et la nouvelle Orléans), San Monique (en vrai la Jamaïque).



- Lieu du duel final: La grotte du vilain, puis un train.


- Final à deux dans une embarcation perdue en mer ? Pas ici.


PRÉ-PRODUCTION


James Bond a 10 ans. Et c'est déjà la 8ème film.
Roger Moore connait Cubby Broccoli et Harry Saltzman depuis de nombreuses années. Parce qu'ils se sont croisés dans les salles de jeu de la capitale anglaise. Parce que le tournage de Amicalement Votre a eu lieu dans les studios Pinewood. Parce que Roger a plusieurs fois été évoqué pour endosser le costume de 007 (Au moment de Dr No, de au service Secret de sa Majesté et Les diamants sont éternels. A l'époque du lancement de la production du tout premier James Bond Ian Fleming lui-même avait listé Moore comme comédien possible pour son personnage fétiche.
Cette fois, malgré de nombreuses rumeurs inévitables concernant d'autres acteurs, c'est la bonne pour le comédien anglais. Même si Saltzman le trouve un peu trop lié à son rôle dans Le Saint, un contrat de trois ans (!) est signé.


Albert R. Broccoli a pour habitude de sonder les différents publics qu'il peut croiser pour savoir ce qu'il aime ou non (en entrant dans des salles de pays dont il ne comprend pas un mot de la langue, par exemple), et il développe une idée assez précise de ce qu'il faut pour lancer la franchise sur de nouveaux rails. Une bagarre qui l'a opposé au scénariste des Diamants…, Tom Mankiewicz est assez éclairante à ce sujet. Le producteur reprochait au scénariste d'avoir tenté d'introduire une référence à La Rochefoucauld dans le film, le seul pays où la réplique avait fonctionné (la France) étant un des pays où le film n'avait pas fait un carton. Il charge donc le scénariste qui rempile de viser fun, glamour et simple.


C'est Mankiewicz qui a envie d'adapter Vivre et laisser mourir pour -personne ne mentira jamais à ce sujet-, surfer sur la blaxploitation qui déferle sur les écrans depuis un an ou deux, chacun étant conscient que présenter des méchants exclusivement noirs sera un sujet délicat à appréhender. Le roman lui-même est déjà le plus controversé de Fleming.


La première mouture du script date de mai 1972. Les repérages vont avoir, peut-être encore plus que d'habitude, une grosse influence sur sa version finale. Mankiewicz et Hamilton, grands amateurs de Jazz, cherchent ce qu'ils pourraient filmer à la Nouvelle-Orléans, un carnaval comme dans Opération Tonnerre étant exclu. Rapidement, l'idée de l'enterrement et d'une grande course-poursuite dans les canaux autour de la ville est adoptée.


Pour l'île du méchant, qui ne s'appelle pas encore Katanga, la Jamaïque sera de nouveau choisie, 10 ans après sa première apparition dans un Bond. C'est en effet le patron d'une ferme de crocodile (qui arbore la fameux panneau "Trespassers will be eaten", Joss Katanga qui donne non seulement l'idée de tourner chez lui pour une des séquences les plus connues d'un Bond, mais aussi celle d'emprunter son nom pour le patronyme du méchant, après avoir immédiatement sympathisé avec Syd Cain, le chef décorateur remplaçant de Ken Adam sur le film.


Le casting pose son lot de problématiques habituelles. Si Diana Ross est ardemment désirée par Mankiewicz pour le rôle de Solitaire (ce qui introduirait une gentille noire), l'idée pose trop de problème aux producteurs: une romance interraciale interdirait le film dans certains états ou pays, et ils ne sont pas prêts à prendre ce genre de risque à ce moment de la franchise qui doit valider l'arrivée d'un nouvel acteur. Et après que leur second choix soit arrêté Gayle Hunnicut (après avoir envisagé Goldie Hawn ou Helen Mirren), elle tombe enceinte et c'est au dernier moment Jane Seymour qui hérite du rôle, créant enfin l'unanimité entre Broccoli et Saltzman. Pour contrebalancer (un peu) ce non-choix d'une James Bond gril principale noire, on crée le personnage de Rosie Carver (l'alliée qui s'avère traitresse) et on introduit le personnage du shérif Pepper, raciste et borné. Mais comme on va le voir, ce choix va se retourner contre les producteurs et le scénariste, en devenant un des plus populaire du film, au point d'être réutilisé dans le film suivant.
Yaphet Kotto est lui recruté dans la rue en plein tournage de across the 110th Street, par David Picker le boss d'United Artists lui-même, qui lui annonce que plutôt que de rentrer chez lui après le tournage auquel il participe, il sera le méchant du prochain Bond s'il le souhaite. Sans même faire le moindre bout d'essais.


Roger Moore débarque donc sur le plateau d'un tournage de James Bond alors qu'il a trois ans de plus que Sean Connery !
Il doit surmonter une série de problèmes, plus ou moins gros, comme combattre sa phobie des armes, et trouver sa propre voix, alors même qu'il a le réflexe de parodier l'accent écossais de son célèbre prédécesseur quand, par exemple, il doit prononcer la fameuse tirade "Bond, James Bond". Pour l'aider à trouver son style, on décide de ne pas suivre les traces de Connery: pas de chapeau, fin de la Vodka Martini, pas de Q ou de bureau du MI6.


Le planning est le suivant: 7 semaines à la Nouvelle-Orléans, 7 autres à la Jamaïque, 8 à Pinewood et enfin les 2 dernières à New York.


TOURNAGE


La poursuite dans les bayous représente évidemment le premier très gros morceau du tournage. D'autant que le script proposait jusqu'à la veille du tournage "la plus belle poursuite en bateau jamais vue". C'est Jerry Comeaux qui réalise le fameux saut avec le petit hors-bord.


Moore se rend vite compte que ses relations avec Saltzman (qui est le producteur le plus présent sur cet épisode, un peu comme un chant du cygne) sont d'une nature rapidement moins amicale, Harry aimant montrer qui est le boss sur un plateau. Néanmoins, ils continuent à parfois jouer au Gin Rami le soir, et ils évoquent déjà ensemble ce que pourrait être le neuvième James Bond.
La prestation de Clifton James en shérif Pepper (alors que l'acteur est new-yorkais) impressionne tout le monde, et fait notamment hurler de rire les flics locaux, alors que l'équipe de production ne voit pas de réelles différences entre les originaux et la caricature.


Se révélant être un pilote naturel, Moore se montre particulièrement habile dans le maniement des bateaux, et il apprend assez vite à faire des figures avec le bus. Pour la course sur dos de crocodiles, c'est bien Ross Kananga, le propriétaire de la ferme où est tournée la séquence qui exécute les 5 tentatives (les reptiles étant simplement attachés par les pattes) et le visionnage des quatre premières prises donne une idée assez précise des risques encourus par le patron du zoo.


C'est Hamilton qui a l'idée de la poursuite avec un avion qui ne décolle pas. Ce qui ajoute une scène après que Saltzman ait décidé de supprimer celle où Rosie Carver devait se jeter au fond d'un ravin, que le producteur juge trop couteuse et inutile. On remplace donc le moment avec ce meurtre rapide venu d'une statuette qui jonche le parcours du personnage.


Geoffrey Holder, qui interprète le Baron Samedi, connait si bien la culture vaudou que c'est lui qui s'occupe de tout pour la préparation de la scène en question, ce qui fera dire à Tom Mankiewicz que s'il l'avait connu avant, il lui aurait donné une place bien plus importante dans le film.
Notons que, toujours dans une optique de réduction de couts, l'arrivée de Tee-Hee dans le train passe d'un moment spectaculaire et couteux à une simple évocation de sacs postaux posés nonchalamment à l'insu de Bond.


Les deux dernières semaines de tournage, en plein Harlem, apportent sans surprise leurs petites péripéties. Il y a d'abord ce garde du corps qui ne se présente pas parce qu'il s'est fait agresser la veille, ou cette Cadillac qui disparait pendant le tournage, parce que son chauffeur est parti faire le plein sans prévenir et se fait arrêter par la police qui constate les fausses plaques de la voiture. Ou encore la sécurité du plateau assurée par les Black Muslims, qui se révèlent courtois et parfaits.


La dernière frayeur concerne le passage à la douane des pellicule new-yorkaises. L'employé de l'aéroport JFK fait preuve d'un zèle excessif en demandant à ouvrir les boites (alors que des scellées ont été posées et validées par la même douane en amont), et devant le refus obstiné de Sue Baker, la secrétaire d'EON production de s'exécuter, les boites sont passées aux rayons X, ce qui peut notoirement détériorer le matériel. Heureusement, les images resteront intactes.
Le tournage prend donc fin le 16 mars 1973.


POST-PRODUCTION


Quand Harry Saltzman explique à Guy Hamilton que Paul McCartney a envoyé une démo, le réalisateur lui répond qu'il faut accepter sans même écouter la chanson, le cadeau étant trop beau. Pourtant, Harry -le bientôt ex-producteur de la saga- n'aime pas ce qu'il entend. Et quand il demande au producteur historique des Beatles, qui pourrait bien interpréter la chanson, George Martin indique poliment c'est déjà un des plus grands artistes de tous les temps qui le fait.
Du coup, c'est Martin qui est choisi pour exécuter le reste de la bande originale, John Barry étant occupé par ailleurs.


L'inévitable avant-première, qui a traditionnellement lieu à l'Odeon, sur Leicester Square, permet à Yaphet Kotto d'estimer non sans malice que Moore propose un Bond bien plus anglais que Connery, avec son humour, sa sophistication et son côté snob. La même avant-première à New York, donne l'occasion à Samuel Davis Jr, (qui avait tourné une scène des Diamants sont éternels, finalement coupée au montage) en riant fort, d'entrainer toute la salle avance lui et emporter l'enthousiasme du public.


Le film réalise 116 millions de dollars de recettes, et lance la carrière Bondienne de Roger Moore sous les meilleurs auspices. L'acteur est adopté, ce qui enlève une sérieuse potentielle épine du pied des producteurs. Qui travaillent de moins en moins ensemble. Cette fois, c'est Harry Saltzman qui était très présent tout le long du tournage, pour le dernier Bond dont il s'occupera réellement. Ses ambitions personnelles, beaucoup plus dévorantes que celles plus terre à terre de Cubby Broccoli, vont bientôt l'éloigner définitivement de l'univers de 007.
Mais ceci est une autre histoire.


LA CAUSERIE FINALE AU COIN DU FEU D'ONCLE NESS
(Un feu de paille, qu'il vient d'éteindre aussitôt allumé, déjouant ainsi les plans de son ennemi qui a cherché à le faire sortir de la grange dans laquelle il s'est réfugié, en compagnie d'une reporter de guerre qu'il aide à s'éloigner d'une dictature sanguinaire qui a attaqué sans raison un pays voisin…)


Et ainsi, Roger remplaça Sean. Au-delà de la qualité intrinsèque des différents films dans lequel ils apparaissent, au-delà de l'affection que l'on porter à l'un ou à l'autre, notamment si on a par exemple découvert l'univers de Bond avec le premier ou avec le second (pour les plus vieux des spectateurs), la différence fondamentale est qu'un acteur de séries remplace un acteur de cinéma.


Sean Connery, et c'est toute sa force, est autant connu pour la suite de sa carrière, faite de très grands films, que pour sa période Bond, qui le fit pourtant découvrir. Et c'est sans doute le seul des 6 acteurs dont on peut dire ça.
Au moment d'endosser le costume de 007, Roger Moore est apparu dans pas moins de 13 séries télé ! (dont une apparition parodique en tant que James Bond, dans un épisode de Mainly Milicent où il joue l'espion en vacances). Et ce n'est pas faire injure à l'acteur anglais que de constater qu'il ne jouera jamais un rôle plus marquant que celui de l'espion anglais. La côté serial lui va donc à merveille, ne reste plus qu'à lui proposer des scénarii à la hauteur, ce qui ne sera pas toujours le cas.


De sa sortie jusqu'à nos jours, Vivre et laisser mourir a pu être considéré comme un film raciste, pour des raisons évidentes. Les méchants sont tous noirs, et la seule blanche parmi eux se révèle être la seule à repasser du côté du bien avant la fin. Pourtant, conscients dès le début des écueils présentés par le roman original, le scénariste Tom Mankiewicz et les producteur Saltzman et Broccoli tentent de surfer sur le succès des films de la blaxploitation avec plus de finesse qu'il n'y parait. Bond couche pour la première fois avec une héroïne noire (même si ce n'est pas la principale James Bond girl du film), et son comportement ne dénote jamais la moindre once de racisme. Katanga est animé des mêmes motifs ingénieux que les méchants précédents et se montre aussi intelligent et retors que ses prédécesseurs. Le seul personnage caricatural, le shérif borné et stupide, n'est cependant pas parvenu, on l'a vu, à équilibrer l'impression que le film a pu donner à certain. Le constat se doit donc d'être bien plus nuancé que ce qu'un résumé natif pourrait donner à croire.


Enfin, on l'a vu, soucieux d'offrir à Moore une réelle nouvelle direction propre, cherchant à se démarquer de Connery, les composants du personnage évoluent et la filiation avec les premiers films de la série se feront par une série d'hommages ou de rappels. La présence de la Jamaïque (même si elle n'est pas nommée) et Quarrel Jr, l'attaque d'un animal venimeux dans la chambre d'hôtel (ici un serpent remplace l'araignée), la visite de l'appartement de Bond rappellent sans équivoque Dr No. L'attaque finale dans le train, elle, ne peut pas ne pas rappeler Bons baisers de Russie. Pour autant, quantités d'autres éléments incontournables du personnage Bondien sont abandonnés, au moins pour cette première période. Histoire d'affirmer une nouvelle fois que le personnage est plus important que l'acteur, qui peut avoir ses propres tics.


La différence apportée par Moore va même jusqu'à concerner la façon dont Bond traite les femmes. S'il déflore sans le moindre doute Solitaire (puisqu'elle en perd ses fameux pouvoirs), son comportement vis-à-vis d'elle sera par la suite beaucoup plus paternel: quand Leiter demande au couple ce qu'il pourra bien faire pendant les 16 heures de train qui les attendent, le plan suivant les montre en train de jouer aux cartes. Mais cet axe du personnage ne tiendra pas bien longtemps, puisqu'un certain nombre de fondamentaux reviendront dans les films suivants.


Avec son ambiance particulière, le premier Moore n'est pas considéré par de nombreux amateurs de la série comme un grand cru, et le suivant, qui actera le divorce définitif des producteurs de la série, aura bien du mal à relever le niveau. Il faudra attendre un peu plus pour que la série regagne ses véritables lettres de noblesse.


Ceci est le quatorzième dossier des 27 que comporte la série des Archives James Bond


Un dossier à retrouver avec musique et illustration sur The Geeker Thing

guyness

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