L'affiche, la bande-annonce, le casting, tout contribuait à ma méfiance de spectateur. Le film constitue finalement une (relative) bonne surprise. Vie sauvage souffre de quelques stéréotypes auxquels je m'attendais, et je pense en particulier à l'esthétisation de cette fameuse vie sauvage dans la première partie du film. Même si la deuxième partie cherche à montrer les limites d'une telle marginalité, le réalisateur n'a pu s'empêcher d'esthétiser à outrance les scènes d'harmonie entre l'homme dépouillé des artifices de la société et la nature. On perd par moment un peu de la simplicité tant vendue du projet, en somme. Cédric Kahn a tiré parti du décor naturel et du jeu de lumière que celui-ci apporte, mais les intrusions musicales alourdissent l'ensemble, et je pense notamment à l'insertion de la musique extra-diégétique de Chopin qui insiste sans subtilité sur la vision bien trop romantique de la vie naturelle. Malgré tout, on ne peut que reconnaître une certaine honnêteté dans le traitement de l'histoire: le film ne représente pas la vie marginale de façon utopique, mais il ne fustige pas non plus le père qui s'en fait l'ambassadeur. Le film n'en reste pas moins biaisé, le personnage de la mère étant tout de même parfaitement antipathique, à moins que ce ne soit que l'actrice qui soit peu convaincante.
L'intérêt que je porte au film tient moins à l'histoire en elle-même qu'au traitement narratif du détail, qui offre, pour le coup, un certain renouveau bienvenu. Cédric Kahn lance beaucoup de fausses pistes dans la narration : un couteau sort et ne déclenche aucun bain de sang, un mal de ventre n'est rien qu'un mal de ventre, une chute ne provoque aucune mort. Le film multiplie des pistes qui auraient donné lieu à un excès de dramatisation dans d'autres œuvres, comme s'il cherchait à neutraliser la dimension spectaculaire de chaque événement, afin d'atteindre, peut-être, une certaine gratuité de l'événement en en sapant les potentialités dramatiques. On assiste à une vie sauvage sans rebondissement excessif, après le point de départ peu banal d'un père qui enlève ses enfants, ce qui constitue finalement une manière détournée - et intéressante - de mettre en avant, malgré les artifices cinématographiques, la marginalité.