Chérif, cow-boy urbain et solitaire

Un premier film maitrisé, fougueux et dégraissé signé Hélier Cisterne, qui dresse le portrait d’un adolescent, timide sinon renfermé, tiraillé entre ses univers familiaux, amicaux et amoureux. Envoyé par sa mère à Strasbourg chez son oncle et sa tante, où il reprend son CAP de maçonnerie, Chérif, par l’intermédiaire de son cousin Thomas, découvre le milieu des graffeurs. Un monde extrêmement codifié, agissant la plupart du temps la nuit dans des lieux de friche industrielle ou dont l’accès réputé inaccessible en fait tout le prix, où le cousin de Chérif, en compagnie de quelques potes, signe dans la clandestinité des pseudonymes des fresques colorées et tente aussi de débusquer un certain Vandal, un concurrent solitaire et doué. C’est bien dans ces ambiances nocturnes et anxiogènes traversées de jeunes silhouettes souples et encapuchonnées qu’on trouve le meilleur du film. Au sein des entrepôts désaffectés, à proximité des gares ou juchés sur les toits offrant des vues incomparables sur la capitale alsacienne, les jeunes artistes cavalent et pratiquent dans l’urgence angoissante et dans l’émulation créative leur art revendicatif et rebelle. Pour Chérif, c’est donc aussi le moyen d’intégrer un groupe dont les rites secrets s’accordent à la perfection avec sa personnalité. Le réalisateur suit également son jeune héros dans son école, où règnent d’autres oppositions et se pose le problème d’y trouver sa place, et sur les chantiers où il effectue des stages pratiques.

Avec l’énergie inépuisable de sa jeunesse, Chérif bouge et affronte aussi bien les retrouvailles avec un père absent que la découverte des premiers sentiments amoureux. Portrait subtil d’un jeune homme en train de grandir et de se confronter à la complexité de la vie et des comportements à adopter face aux circonstances changeantes et imprévues. On pense de temps à autre à Igor, un autre jeune devant faire front, dans La Promesse des frères Dardenne, notamment parce que les deux opus s’ancrent dans une même réalité sociologique. Hélier Cisterne laisse une belle place au spectateur, en pratiquant l’art de l’ellipse. Si rien n’est résolu, puisque rien ne se résout, tout est désormais possible pour ce garçon qui prend conscience. Aux côtés des comédiens adultes confirmés, mais circonscrits aux rôles secondaires (famille et enseignants), les jeunes acteurs, en tête desquels le fragile et attachant Zinedine Benchenine, impriment à l’ensemble une belle ardeur qui l’éloigne des clichés et d’un énième teen-movie, en optant sans la renier ni la galvauder pour une stylisation qui offre quelques séquences fulgurantes et enthousiasmantes.
PatrickBraganti
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le 15 oct. 2013

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