Pendant longtemps, j'ai nourri quelques réticences à l'égard de ce film. Aujourd'hui je me demande bien pourquoi. Je l'ai trouvé extrêmement savoureux, pleine de cette sorte d'humour noir, véritablement jubilatoire qui ne cesse d'être incorrect et s'en réjouit, toujours dans une provocation irrésistible. C'est là sans aucun doute possible son point fort.

Sur le reste, il est peut-être un peu plus conventionnel. Je dis bien "peut-être" car, notamment sur les effets spéciaux, made in Richard Edlund, Michael Lantieri, et autres artisans, faits à la main, sans l'ombre d'un pixel, il fricote modestement avec les meilleurs crus du genre. Avec cette débrouillardise qui fait le charme des années 80, dans laquelle on sent tout l'amour, le soin et le plaisir qu'ils ont pris à créer ces effets visuels bien juteux, dégoulinants, dégueulasses à souhait! C'est la marque du travail bien fait, celle de l'astuce et de l'invention qui participent à l'élaboration d'un spectacle gore, l'horrifique baisouillant allègrement avec le grotesque du meilleur comique! J'adore!

Mais meilleur encore est le mauvais esprit qui anime le scénario. Pensez : une jeune fille coincée du derche, amoureuse de son benêt devient une grande salope avide de s'offrir au latin lover à canines érectiles. La métamorphose est immorale, tellement en contradiction avec les principes les plus évidents, de fidélité, d'indissociabilité entre désir et amour, que le propos apparait d'une sauvagerie étonnante. Plus politiquement incorrect, tu meurs! Tout cela n'est pas susurré, sous-entendu mais hurlé, montré avec force couleurs, plans serrés, insistants, suggestions nettes et regards dénués de toute ambiguïté.

Clairement, le film se tourne également vers les laissés pour compte de cette société moralement exclusive, que ce soit le présentateur télé grisonnant, le has-been médiatique qui n'intéresse plus personne ou bien le freak laideron, un petit quasimodo punky (joué par le très mauvais Stephen Geoffreys) qui n'intéresse plus que le vampire.

Ce dernier interprété par Chris Sarandon joue plutôt finement de son physique. De façon très efficace, il oriente son personnage vers une liberté et une ouverture morale que sa condition lui permet de concevoir sans doute plus facilement.
Dans le rôle d'ersatz de Peter Cushing, Roddy McDowall en fait des tonnes, comme à son habitude, on peut s'en irriter, je le concède volontiers. Moi même qui voue une certaine affection pour ce cabotin dont la carrière a jalonné une partie de mon enfance cinéphile et télévisuelle, je dois avouer que sur une large première partie, il m'a un peu excédé avec ses roulements d'yeux, ses abus de mimiques et autres grimaces qu'il s'autorise quand le réalisateur lui en donne la possibilité. Ce pourrait être l'un des rares reproches à faire à Tom Holland, de lui avoir laissé trop d'aise sur ce point. Dans la seconde partie du film, quand les confrontations avec les vampires assurent le spectacle, alors ses expressions grandiloquentes sont beaucoup plus légitimes, appropriées au genre.

Donc un film assez charnu, tonique avec beaucoup d'humour et une bonne grosse dose de provocation, à apprécier sans modération.
Alligator
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le 21 déc. 2012

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Alligator

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