Une zone à défendre par Meuk Meuk

Un agent de la DGSI infiltre une ZAD et tombe amoureux d'une zadiste à dreadlocks, ce qui chamboule ses convictions et ses ambitions de carrière.

Avec un tel pitch, et le fait qu'il s'agisse d'une production Disney, on était légitimement en droit de s'attendre au pire.

Et même si la présence de Romain Cogitore derrière la caméra pouvait un peu rassurer les amateurs de cinéma d'auteur imprégné de social, le risque de maladresses et de récit caricatural étaient réels.

C'est donc presque miraculeux mais le parti pris anti-manichéen du film fonctionne.

Même si on retrouve évidemment certains clichés sur les militants écolo-altermondialistes et punks à chiens ou sur les policiers violents ou sur leur hiérarchie sans scrupules, on ne peut que reconnaitre au film d'avoir soigné ses personnages et la reconstitution de la ZAD semble à peu près crédible.

Là où le film réussit particulièrement son coup, c'est sur la relation entre les deux rôles principaux, Greg et Myriam, auxquels François Civil et Lyna Khoudri apportent tout leur talent et leur investissement (pour ma part, je les ai trouvés bien plus convaincants que dans les Trois Mousquetaires). Si le premier semble, sur le papier, peu attachant, voire même totalement antipathique, l'acteur parvient à lui apporter la nuance et le charme nécessaire à en faire un personnage intéressant, là où celui de Myriam trouve naturellement l'empathie, car animée dans son combat et ses choix de vie, d'intentions nobles, simples et humanistes.

Le rebondissement central, divulgâché par l'affiche (heureusement je n'avais pas vu cette dernière avant de regarder le film), apporte énormément à l'intrigue peu originale du film, et surtout permet à n'importe quel spectateur doté d'un cœur de comprendre le dilemme du "héros" et d'en saisir tous les enjeux émotionnels.

La réussite du film, comme je le disais en introduction, tient aussi beaucoup à son absence de manichéisme. Si on ne peut évidemment pas nier que le film prend plutôt le parti des zadistes (même s'il remet un peu en question les motivations de certains), il n'en est pas pour autant un film anti-flics ou anti-système. La séquence de dialogue entre un militant et un CRS où le premier invite l'autre à démissionner et à rejoindre la ZAD en est d'ailleurs l'illustration la plus évidente. Par de nombreux aspects, le film, alors qu'il aborde des thèmes très clivants (encore plus en ce moment, compte tenu de l'actualité particulièrement tendue après l'affaire Nahel), se montre étonnamment rassembleur, clairement pacifiste et plus optimiste que nihiliste.

Bien sûr on pourra critiquer quelques détails par ci par là, comme le fait d'opposer militantisme et famille (qui serait incompatible avec le fait de mener des actions) ou de proposer une fin un peu trop lumineuse (même si en réalité le réalisateur laisse l'interprétation libre au spectateur dans son dernier plan). Pour ma part, j'ai trouvé le pari réussi. Et j'ose croire (peut-être naïvement) que les spectateurs pourront apprécier cette histoire, quelles que soient leurs orientations politiques.

"Une Zone à défendre" est à la fois intelligent, émouvant, rythmé... Et c'est d'autant plus réussi que Clément Cogitore réalise ici son premier film grand public, sans y perdre ce qui a fait jusqu'ici la particularité de son cinéma, à la fois social et original, préférant montrer la complexité de personnages et de leur environnement plutôt que de les juger.

Certainement pas le film de l'année mais assurément un film important, qui trouve donc sa place sur Disney+ aux côtés de la très bonne mini-série Oussekine.