Quand on vous dit qu'une séparation fait mal

Succès surprise en France, affichant au box-office de 2011 plus d’un million d’entrées. Plusieurs récompenses, tels que le César et l’Oscar du meilleur film étranger. Une presse unanime à son sujet. Il n’y a pas à dire : le cinquième long-métrage d’Asghar Farhadi a grandement fait parler de lui. Au point de devenir en un rien de temps l’un de ces films qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Pour quelles raisons ? C’est ce que nous allons ici découvrir !

Sur une histoire originale de Farhadi, Une séparation se place à Téhéran, lorsqu’un couple plutôt aisé se retrouve en pleine rupture. Un point de départ hautement classique qui va pourtant entraîner diverses conséquences qui vont bouleverser des vies. Déjà, cette séparation va forcer le patriarche familial, Nader, à engager une femme (d’un milieu bien plus modeste) pour s’occuper de son père, atteint de la maladie d’Alzheimer. Seulement, elle cache qu’elle est enceinte. D’où ses plaintes d’un travail qu’elle juge plutôt dur pour elle. Et puis, quand Nader retrouve son paternel en mauvaise posture, en l’absence de son employée, c’est la goutte qui fait déborder le vase ! Il la vire violemment, apportant à la femme comme séquelle la perte de son enfant (fausse couche). Dès lors, la femme se lance dans une procédure pénale, attaquant Nader en justice pour meurtre.

Voilà ce qu’est Une séparation. Un film qui use d’une base scénaristique mille fois vue au cinéma pour finalement nous emmener vers un drame d’une ampleur émotionnelle rarement atteinte. Qui a la brillante idée de ne jamais choisir son camp (entre Nader et la femme, bien que le film se concentre bien plus sur la famille de Nader). Et tout cela grâce à un effet scénaristique, une ellipse, placée comme il faut dans la trame. Nous permettant d’adhérer à la vérité de chaque personnage pour nous permettre de découvrir le mensonge que chacun tente de cacher à leurs proches (Nader ignorait-il vraiment que son employée était enceinte ? Cette dernière n’a-t-elle pas mentie sur la perte de son bébé ?). Des petites questions qui prennent forme au fur et à mesure que le récit avance, nous empêchant ainsi de prendre partie et donc de nous intéresser à chacun des personnages, grandement travaillés. Il faut dire aussi que niveau interprétation, nous sommes servis ! Les comédiens arrivant à donner suffisamment d’humanité et de naturel pour que les protagonistes prennent vie sans difficulté. Nous donnant l’impressionnant d’avoir de véritables personnes en face de nous, et non les fruits d’une histoire de fiction.

Une séparation, c’est également le portrait que dresse Farhadi de l’Iran. Et dès lors, le titre Une séparation prend une toute autre ampleur ! Car il n’est plus question de divorce, de couple qui se morcelle. Mais plutôt d’un pays qu’est partagé. Notamment à l’échelle sociétale, où Téhéran est le théâtre d’une fracture inévitable entre les riches et les pauvres. Les plus aisés (Nader et sa famille), vivant dans un appartement confortable, la fille allant à l’école, voulant gagner l’attaque judiciaire pour garder l’honneur. Les plus modestes, qui acceptent tous les boulots possibles (même si cela nuit à la santé et au moral), la fille n’allant pas à l’école mais accompagnant sa mère sur son lieu de travail, voulant remporter l’assaut en justice pour avoir de l’argent et rembourser quelques dettes. Une rupture au niveau de la société iranienne, symbolisée par la confrontation entre Nader et son employée.

Mais Une séparation ne s’arrête pas là ! Allant jusqu’à décrire la place de la religion auprès de la population, encore une fois imagée par ce face-à-face : l’employée entièrement croyante contre Nader, qui l’est beaucoup moins voire pas du tout. Un constat qui renforce encore plus les deux univers qui s’opposent dans ce film. Permettant, par ce biais, de mettre en avant ce qu’est une femme iranienne. Qui, malgré quelques améliorations au niveau droits et libertés, doit encore souffrir de quelques inégalités vis-à-vis de l’homme. Des femmes qui, étouffées par la politique du pays (religieuse, économique, sociétale…), s’autorisent l’exil, voulant quitter leur terre natale pour vivre dans de meilleures conditions ailleurs. Cela, c’est la fameuse séparation (là, il faut comprendre le divorce de Nader avec sa femme) qui le met en valeur, via la femme de Nader qui désire partir à l’étranger.

Vous l’aurez compris : ce qui fait d’Une séparation un excellent film, c’est son travail scénaristique hors du commun. Qui bâtit une trame complexe au possible à partir d’une base plutôt simple. Afin d’en tirer un scénario extrêmement riche en thématiques. Qui permet à Asghar Farhadi de raconter les diverses anecdotes qu’il a vécu en Iran depuis son enfance. Ce qui donne à Une séparation une allure grandement personnelle. On pourrait reprocher une fin expédiée rapidement (qui délaisse un camp au lieu de l’autre). Mais un défaut finalement anecdotique quand on voit l’intégralité de ce film, qui mérite amplement toutes les éloges faites à son égard !

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le 7 févr. 2014

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