Il y a quelques années, Christine Carrière a réalisé Darling, un film assez sombre, basé sur une histoire vraie, mais illuminé par une excellente Marina Foïs à contre-emploi, dans un de ses rôles les plus marquants. Un film qui tenait en haleine, qui osait aller au bout de son propos, un film grave qui parvenait à faire rire malgré des vies assez tragiques, une réussite dans l’ensemble.


Son nouveau film, Une mère, ne sort pas de ce cadre gris et sombre. Mathilde Seigner y joue le rôle de Marie, la mère de Guillaume, un adolescent de 16 ans en perte totale de repères, accumulant les mauvaises actions. Marie est une mère dépassée par les évènements. Sa vie est terne, dans cette ville du Nord indéfinie et morte, dans ce logement peu avenant, dans ces petits boulots qui n’apportent aucune satisfaction, mais seulement de la fatigue et de la précarité, dans cette relation vaguement amoureuse et peu épanouissante, et surtout dans cette relation mère-fils plus que délétère. Un trop-plein d’accablement qui fait constamment surfer le film sur le fil du sentimentalisme.


Le film est centré sur cette relation entre la mère et le fils. Le mode de communication entre eux n’est jamais le bon, rempli d’agressivité le plus souvent, de la part d’un fils extrêmement antipathique qui considère sa mère comme l’ennemi, tout comme de la part d’une mère excédée par cette attitude, mais qui ne propose à son fils qu’un visage fermé et sévère. Il est assez éprouvant de les suivre dans leur histoire, car ils n’offrent jamais l’occasion d’être en empathie. L’un et l’autre, filmés dans un quasi huis clos relationnel, jouent leur rôle de manière mécanique et exacerbée, de telle sorte que la sensation du factice envahit souvent le spectateur dubitatif, et ne laisse pas la possibilité qu’une émotion s’échappe du film.


Les agissements de Guillaume sont caricaturaux et proches du cliché, comme issus d’un catalogue du mauvais comportement chez l’adolescent. Impeccable jusqu’alors, que ce soit chez Ursula Meier (l’enfant d’en haut, Home) ou chez Anne Fontaine (Gemma Bovery), Kacey Mottet-Klein ne réussit pas à faire exister pleinement son personnage, et il ne paraît à aucun moment concerné par ce qui se passe. Au contraire, l’agitation extrême, mais surtout vaine, de son personnage l’éloigne du jeune acteur sympathique et talentueux qu’il a toujours été, à croire qu’il ne peut ni ne veut pas assumer ce rôle du méchant et vilain, ou pire, à croire qu’il a perdu son talent en route …


Quant à Mathilde Seigner, elle aussi jouant en dehors de son registre habituel, à défaut de donner de l’épaisseur et de la subtilité à son personnage, faute sans doute à un manque de matière de la part de la réalisatrice, elle arrive au moins à incarner la lassitude extrême du personnage, qui va jusqu’au tabou de la détestation, voire la haine de son propre fils. Malheureusement, Christine Carrière ne va pas au bout de son idée, et cette bravoure d’une mère qui veut être détachée de son fils présente la même tiédeur que le reste du film. L’indécision de Marie quant à la conduite à tenir par rapport à son fils vient clairement de la réalisatrice, et non du personnage lui-même.


La tentative de rajouter des ponctuations dans le métrage, au travers de « l’histoire d’amour » de Marie avec son ex-amoureux toujours transi n’est pas non plus une franche réussite. Toute se passe dans la même morosité, le même ton égal utilisé d’un bout à l’autre. Leurs discussions nocturnes sont d’une grande platitude, et portent sur des sujets morbides et faussement philosophiques et qui n’ont pas leur place dans ce récit. Leurs échanges sont indéfinissables. Ici encore, on sent nettement le manque de parti pris.


Cet article indéfini du titre, Une mère, est symptomatique du film de Christine carrière. Le propos du film n’est pas limpide, on ne sait pas si Marie est une mère comme les autres, une mère spéciale ; on ne sait même pas si, in fine, elle est une bonne ou une mauvaise mère. Elle est une mère que l’on n’a pas envie de défendre, contrairement à une autre mère à laquelle elle fait forcément penser, à l’inoubliable Diane (Fabuleuse Anne Dorval) dans le film de Xavier Dolan, Mommy, une mère qui est pourtant autrement plus éprouvée que Marie…
Après ce film très en demi-teinte, il ne reste plus qu’à éspérer que Christine Carrière retrouve vite son sens du cinéma pour nous offrir quelque chose de plus consistant à nous mettre sous la dent…


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Bea_Dls
4
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le 10 juil. 2015

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Bea Dls

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