La flic en avant

‘Une femme de notre temps’ est un film tout à fait étonnant dans le paysage du cinéma français, faisant entièrement confiance au romanesque, faisant fi des convenances cinématographiques. Ne loupez pas ce film, car vous n’en verrez peu des films comme celui-ci. Un film porté de bout en bout par une Sophie Marceau époustouflante.

Juliane, commissaire de police à Paris, est une femme d’une grande intégrité́ morale. Mais la découverte de la double vie de son mari va soudain la conduire à commettre des actes dont elle ne se serait jamais crue capable.

On peut dire que globalement le film est un thriller d’inspiration Hitchcockienne. On y retrouve en effet beaucoup d’élément ayant fait le sel du cinéma du maître du suspens : une héroïne dépassée par les évènements qui ira au bout de son destin, l’importance des lieux (une vaste maison dans laquelle navigue la caméra, un motel miteux qui rappel celui de ‘Psychose’), une musique à la Bernard Herrmann et un suspens à coupé le souffle. Le film est implacable et ira jusqu’au bout, la tension augmentant crescendo et inéluctablement.

Civeyrac brosse le portrait d’une femme qui perd pied. Au début du film, c’est une femme droite comme un i. Elle est une flic dont la rigueur morale impressionne mais également auteur de polar à succès. Elle vit dans une barraque à l’architecture métallique et moderne. Seule chose qui ne va pas, elle vit dans le souvenir d’une sœur qui s’est peut-être suicidée et essaie d’écrire un livre sur elle. Mais jusque-là, elle tient encore debout. La découverte de l’adultère de son mari sera l’élément déclencheur qui la fera basculer. La chute sera violente et la vengeance planifiée l’obsédera au risque de tout perdre.

Ce qui fait l’originalité de ce film, c’est que le thriller est un genre assez balisé, prévisible. Et pourtant Civeyrac se permet d’emprunter des chemins de traverse. Ainsi un évènement dont je ne révèlerai rien viendra perturber la vengeance qui semblait inéluctable. Il détournera peut-être l’héroïne de son funeste projet. Formellement, le film se permet de nombreuses audaces. Si globalement le film est un thriller, il frôle le mélodrame par moment quand il évoque la condition de cette femme de notre temps blessée dans sa chaire. Si Civeyrac s’inspire à l’évidence d’Hitchcock, il emprunte à la mythologie grecque la figure de Diane chasseresse.

La mise en scène est d’une élégance particulièrement quand il s’agit de filmer Sophie Marceau se mouvoir dans des lieux clos. Elle semble apparemment en liberté, mais en réalité est sans cesse contrainte. Dans son appartement parisien, elle est confinée dans la salle de bain pour éviter de se faire prendre par son mari copulant avec sa maîtresse. Dans sa maison, elle erre sans réel but. Civeyrac vise en plein dans le mille avec ce film car dans le panorama du cinéma français, son film détonne. A l’instar de Nicole Garcia, le réalisateur fait le choix du pure romanesque. Point de naturalisme ou de réalisme social. Pourtant on croit à l’histoire, on est happé par l’intrigue.

Sophie Marceau est épatante. A force d’avoir joué dans des nanards, on a oublié que Sophie Marceau est une si bonne comédienne. Elle l’avait déjà rappelé dans ‘Tout s’est bien passé’ de François Ozon. Elle parcourt la gamme des sentiments avec une aisance saisissante. Elle est au début du film droite, autoritaire et légèrement sèche. Elle est à la fin effondrée, fatiguée et au bord du craquage. L’interprétation de Sophie Marceau contribue beaucoup à la qualité du film, dont la seule faiblesse est son titre, incompréhensible.