Terminal d’un aéroport parisien, des passagers débarquent en provenance des Etats-Unis. Dans cette foule semble errer Bruno, Patrick Dewaere bouleversant en l’espace de quelques instants, le talent joue sous nos yeux. Il est attendu, des flics l’emmènent faire un tour au poste de l’aéroport, interrogatoire. On comprend que Bruno a fait des bêtises avec la drogue mais son regard, fatigué, fragile et avide d’une autre vie semble dire que nous sommes à un tournant de sa vie et que nous allons assister au combat d’un homme.

Sautet, dans son film le plus intime puisque se déroulant presque entièrement dans le foyer de chacun, déroule des histoires de gens qui trébuchent et tombent par la drogue et restent souvent incompris dans leurs faiblesses. En témoignent les retrouvailles de Bruno avec son père, un Yves Robert juste parfait, ouvrier besogneux et marqué par les mœurs et les principes d’une époque. Ils s’étreignent et se parlent mais ne se disent rien, entre eux il y a cette mère suicidée pendant la détention de Bruno aux Etats-Unis, lequel des deux acceptera la culpabilité de sa mort ? On sent la chape de plomb d’une époque où l’on se disait peu que l’on s’aime, où certains événements familiaux devaient rester enterrés.

Tous les personnages de ce film sont en quête de rédemption. Celle de Bruno qui veut effacer son absence et si possible rendre son père fier. Il accepte pour cela de repartir tout en bas de l ‘échelle sociale, y mettant une détermination et un courage qui forcent le respect. Il y a le père justement, convaincu sans se l’avouer, d’avoir fauter avec son fils et qui veut, sans y parvenir, devenir père, enfin. Il y a aussi Catherine amoureuse de Bruno, droguée comme lui et qui a tant de mal à décrocher. Brigitte Fossey donne un côté froid et dur à ce personnage qui cherche sans cesse à se préserver en repoussant le monde. Reste Jacques Dufilho, inoubliable bibliothécaire homo convaincu de la bonté humaine et qui recueille les égarés de la drogue.

Un Mauvais Fils est le plus sensible des films de Sautet, de ces films où un équilibre instable peut à chaque instant faire basculer une histoire d’amour ou d’amitié dans le plus effroyable des drames. Patrick Dewaere joue cette partition presque à lui seul tant son jeu mélange tous ces personnages. Il semble tout à la fois, triste, fragile, résigné mais aussi résolu, il est tout simplement émouvant et vous retourne le cœur. Son jeu est juste de retenue, une moue, un regard ou un mouvement un disent plus que toute autre réplique.

On s’attache à tous ces êtres qui semblent abandonnés de l’humanité : l’ouvrier, le drogué ou l’homo, qui nous renvoient à nos propres faiblesse, tellement humaines. Tous ils essaient pourtant de trouver un salut dans leurs semblables, quitte à rechuter parfois, mais toujours se relever. Sautet était un cinéaste des sentiments et des émotions dans ce qu’ils ont de beau et nobles et surtout dans tout ce qu’ils ne disent pas et que le jeu d’acteurs nous fait deviner. Un Mauvais Fils reste certainement sa plus belle réussite en la matière, un chef-d’œuvre de non-dits, de silences assourdissants et de fierté refoulée. Un grand film à n’en pas douter, mais un film simplement beau avant tout.
Jambalaya
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le 20 oct. 2013

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