Avec UN HOMME A LA HAUTEUR, Laurent Tirard reste dans le registre de la comédie qu’il connaît déjà bien puisqu’il a, entre autres, réalisé les deux opus du Petit Nicolas, Astérix et Obélix au service de sa Majesté et a collaboré en tant que scénariste au très sympathique Prête-moi ta main. Il revient ici avec le remake d’un film argentin inédit en France intitulé Corazón de León (Marcos Carnevale, 2013). Initialement peu intéressé par l’exercice d’adaptation d’une œuvre existante, le réalisateur a cependant accepté de le faire par conviction, conquis par cette histoire d’amour à la fois drôle et intelligente. C’est donc un film véritablement inspiré et assez réussi, même si techniquement laborieux, que Laurent Tirard nous propose.


UN HOMME A LA HAUTEUR c’est l’histoire de Diane (Virginie Efira), une belle avocate, intelligente et distinguée, qui tombe amoureuse d’Alexandre (Jean Dujardin), l’homme parfait, si ce n’est qu’il mesure un mètre trente-six ! De toute évidence, cette relation la rend heureuse comme elle ne l’a jamais été mais elle a beaucoup de mal à l’assumer… Ce n’est pas de la différence que nous parle ce film, mais du poids de la norme sociale dans l’inconscient, du frein qu’elle représente et qui pourrait faire passer chacun de nous à côté de son bonheur. Il est parfois bien difficile d’admettre que la personne qui nous rend heureux ne corresponde pas du tout à l’idée que l’on s’en était faite…


PHOTO : Jean Dujardin, pile à la bonne hauteur


Pour pouvoir apprécier ce film, il faut être honnête, il est nécessaire de se détacher de toutes considérations techniques de réalisation. Nul doute que si l’on se focalise sur les procédés utilisés pour rétrécir Jean Dujardin ou en donner l’illusion, il sera difficile de se concentrer sur le fond ou de l’apprécier. En effet, qu’il s’agisse des scènes où il est à genoux, de celles tournées sur fond vert (telle que la scène de la danse) ou de celles dans laquelle Virginie Efira est sur une estrade, impossible de dire que cela fasse très naturel où que l’on ne devine pas les superpositions d’images… Toutefois, en dehors de cela, force est de constater qu’il s’agit d’un film à l’esthétique particulièrement soignée. Qu’il s’agisse des costumes, des décors et notamment des intérieurs très réussis, de la photographie ou des comédiens qui composent le casting, UN HOMME A LA HAUTEUR est un plaisir pour les yeux.


Ceci étant, la principale qualité du film reste, contre toute attente, sa justesse. Eu égard au manque de crédibilité totale de la situation dans l’absolu, ce n’était franchement pas évident de proposer quelque chose de sincère et touchant. L’intelligence de Laurent Tirard est ainsi de partir d’une situation improbable pour nous amener à des dialogues authentiques. La petite taille d’Alexandre est une caricature servant le côté comique de la fable, mais dans le fond ce n’est que la métaphore de caractéristiques bien plus usuelles et extrêmement fréquentes qui empêchent bien souvent d’assumer une relation par rapport au regard des autres. C’est ici que le film parvient à émouvoir car les mêmes dialogues, le même ressenti, la même analyse de la situation et du rapport aux autres pourraient s’appliquer à d’autres cas et permet l’identification : différence de religion, de milieu social, d'ethnie, etc… Tout ce qui ne correspond pas à la norme sociale ou familiale qui pèse si lourdement sur certains et entrave la vision ou l’analyse objective de ses propres sentiments. En fonction des codes du milieu dans lequel on évolue il pourra même s’agir de simples détails pour les uns qui prendront des proportions insensées pour d’autres dans l’appréciation réelle de la personne. UN HOMME A LA HAUTEUR parle certes de l’affranchissement nécessaire vis à vis du regard des autres mais aussi du sien. Le dépassement des idées préconçues par soi-même de ce que doit être l’autre, de ce qu’il doit représenter ou de ce que doit être le couple, et qui peuvent conduire à renoncer à une relation ou gâcher le plaisir qu’elle procure. C’est en cette justesse d’analyse qui se ressent à travers les dialogues, attitudes et comportement des protagonistes que le film puise sa force de conviction et son potentiel émotionnel.



"En dépit d’une réalisation imparfaite, UN HOMME A LA HAUTEUR est un film surprenant, bien écrit, drôle et émouvant par endroit tant il reflète une réalité que chacun a pu vivre"



Si cette crédibilité tient la route, c’est aussi grâce à ses interprètes qui n’ont pas versé dans la caricature et ont su donner le ton juste à leur personnage. Virginie Efira, fidèle à elle même, est lumineuse et naturelle. Quant à Jean Dujardin, on peut dire qu’il est étonnant. Peut-être est-ce lié aux nombreux échanges qu’il a eu avec sa doublure, un homme d’un mètre quarante qui lui a beaucoup dépeint sa réalité, son quotidien, et qui est à l’origine de plusieurs répliques qui traduisent son ressenti par rapport au regard des autres. Peut-être est-ce aussi lié au réalisateur qui a su éviter les deux écueils que représentaient la hargne et la prétention en composant son personnage. Quoi qu’il en soit, il en résulte qu’Alexandre est parfait. Certes, il doit en faire plus pour se faire aimer, il se donne la peine de faire ce que la plupart des autres hommes ne font plus par facilité, il est plein d’attentions, et c’est en cela qu’il est à la hauteur des attentes de cette femme, au dessus des autres. Il a une sincérité et un élan de vie supplémentaire qui le rendent exceptionnel. Humour, élégance, dignité, intelligence, altruisme, on a presque envie de dire que Jean Dujardin n’a jamais été aussi séduisant que dans ce rôle !
Au final, en dépit d’une réalisation imparfaite, il s’agit bien là d’une comédie romantique à la hauteur de ses intentions qui permet de passer un très agréable moment. UN HOMME A LA HAUTEUR est un film surprenant, bien écrit, drôle et émouvant par endroit tant il reflète une réalité que chacun a pu vivre, même si la différence qui dérange est ici volontairement extrapolée.


Par Stephanie, pour Le Blog du Cinéma

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le 17 mai 2016

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