Pour son premier passage derrière la caméra, Clint Eastwood s’amuse déjà de son image. Le viril bellâtre aux allures misogynes est ici victime d’une psychopathe amoureuse tandis qu’il peine à reconquérir le cœur de celle qu’il aime. D’un côté, la folle qui constitue la trame principale du film et en fait un thriller d’un nouveau genre (nous sommes en 1971…), et, de l’autre, la jeune artiste qui permet de dérouler une bluette, pour le coup, souvent ridicule. Entre ces deux extrêmes qui ne cohabitent pas toujours de la meilleure des manières, un film aux accents très jazzy et le témoignage d’une époque (la musique, la libération des mœurs, les festivals, le melting-pot assumé, les fringues) qui dévoile une autre facette d’Eastwood.
Dans les superbes paysages californiens de Carmel parfaitement filmés, le grand Clint déroule son intrigue de façon plutôt classique en lançant quelques clins d’œil à Hitchcock. Le choix de certains plans, la folie et la femme en sont des références évidentes mais le traitement des thèmes y est à rebours. Dès son premier film, et en dépit de toutes les accusations dont il a pu être victime durant sa carrière, Eastwood est un féministe de la première heure même quand il met en scène une psychopathe. Il est assez malin pour équilibrer son propos et pour montrer son propre personnage comme dépendant de toutes les femmes qui traversent l’histoire.
Au-delà du thème (vu et revu depuis) et du propos (plus fin qu’il n’y paraît), le film en lui-même reste une réussite. Certes, Eastwood ne maîtrise pas encore totalement son art et l’ensemble souffre de certaines faiblesses (ruptures de ton et de rythme trop violentes, vision trop sirupeuse de sa relation avec Donna Mills). Cependant, c’est bien fichu, bien filmé, parfaitement joué et on trouve déjà une riche matière pour en faire une lecture à différents niveaux.