J'aime bien après avoir découvert un film, confronter mon ressenti à son propos à d'autres spectateurs en allant lire quelques critiques, non pas que cela influe de façon radicale sur mon avis, mais il peut arriver parfois que des arguments ou des pistes de lectures que je n'avais pas décelées tempèrent ou confirment des points. J'ai été ici très surpris de constater que le film est globalement très mal perçu et je ne comprend pas pourquoi.


Les reproches s'organisent en trois axes majeurs, qui vont donc constituer l'ossature de ma critique.


Le premier grief tient au fait qu'il s'agit du remake d'un film argentin, sur ce point hors mis le fait que si le simple fait d'être un remake soit un argument solide pour démolir un film, on n'aurait plus grand chose à se mettre sous la dent, la critique ne tient pas longtemps. Déjà, je n'ai pas vu le film argentin, il m'est donc difficile d'établir un ordre de préférence, je reçois ce film comme un acte unique et vue que l'original n'a pas bénéficié d'une exploitation grandiose en France, j'ai des doutes sur la sincérité des contempteurs usant de cet argument. Quand on rajoute à cela que si on va s'informer sur la version argentine, on découvre qu'hors mis les deux personnages principaux, les deux films jouent sur deux axes différents, l'un est un film noir, sombre, désespéré quand le film de Remi BEZANCON est une comédie solaire, un buddy movie et même un feel good movie et qu'il y réussit très bien.

Je ne comprend donc pas cette désapprobation.


Le reproche qui vient ensuite, met en avant que le film voudrait développer un discours critique sur le monde de l'art contemporain, qui serait au choix idiot ou mal amené. Je m'oppose en faux contre cette lecture, le film ne prétend à aucun moment être un regard négatif ou positif sur l'art et ses dérives mercantiles. Les deux principaux protagonistes sont issus de ce monde, l'un est un galeriste qui a intégré ce milieu suite à sa rencontre artistique puis humaine avec le second, qui lui est un peintre décrit comme un punk anarchiste, totalement déconnecté des questions du quotidien, un rebelle en crise d'inspiration, une sorte de Rimbaud/Baudelaire de la peinture moderne. Il est évident dès lors que des lignes de dialogues ou mêmes des séquences tendent à dire des choses sur cet univers, mais son but n'est pas d'être dans le cynisme comme peut l'être The Square (2017), film que j'aime bien au demeurant, son but est d'illustrer la relation amicale, presque fraternelle entre ces deux hommes. Comment les actes de l'un vont amener l'autre à faire des choix, comment cette amitié totale et exclusive les construits et dans le même temps les démolis à des degrés divers, comment le regard extérieur des autres constitue des sources de conflits ou au contraire de communs. Le film sitôt qu'on le prend pour ce qu'il prétend être et pas pour ce qu'il n'est pas, est abouti.

Je ne comprend donc pas cette désapprobation.


La dernière critique qui revient le plus tient dans le "plot twist", bon là encore je pense qu'on donne des intentions au film qui ne sont pas les siennes, en aucun cas il s'agit d'un film à twist comme peuvent l'être des œuvres comme Usual suspects (1995) qui va complètement bouleverser votre réception, ici la réalisation fait le choix de la figure stylistique du twist, mais il est destiné aux personnages du film et pas au spectateur. On parle en littérature de narrateur omniscient, j'ignore si on peut l'appliquer au cinéma, mais l'idée est là, le spectateur sait pertinemment à cet instant ce qu'il se passe et d'ailleurs le montage le démontre de façon évidente. Le mystère est vite levé et seul un flashback narratif permet aux personnages d'atteindre eux aussi le même point de compréhension que le spectateur ou le narrateur, le cinéaste.

Je ne comprend donc pas cette désapprobation.


Au final, ce film a été un vrai plaisir de spectateur, une comédie qui n'hésite pas à jouer sur des émotions diverses, émouvant quand il le faut sans jamais se vautrer dans le larmoyant, le film est très drôle, vraiment qu'il s'agisse des dialogues, des situations ou du jeu des acteurs, leur gestuelle en particulier, j'ai ri souvent et sincèrement. La scène de planque embarrassante dans une douche et sa conclusion, j'ai failli me faire dessus ! C'est un film léger qui fait du bien, qui ne peut pas être taxé de la moindre prétention, a qui on ne peut pas reprocher sa simplicité, tout comme dans une comédie romantique on sait qu'à la fin elle va épouser son amie d'enfance, là on sait comment ça va se terminer, le happy end est même obligatoire et je me rend compte que c'est plus autant la norme que ça a pu l'être dans le cinéma actuel et merde dans ce monde qui plonge dans le sombre et bien moi ça m'a enchanté. Et le cinéma n'est pas absent, il y a des idées de mise en scène, des mouvements de caméra, des idées de cadre qui mettent l'amande à tant de comédies françaises, que là encore ça constitue un argument en sa faveur.


Un dernier mot à propos des deux acteurs principaux, Vincent MACAIGNE en clown blanc m'a encore une fois impressionné par sa capacité à varier les fréquences de jeu et à toujours être juste y compris dans l'excès que réclame son personnage, mais la palme revient à Bouli LANNERS, il est parfait, on dirait qu'il vit son personnage, même ses tatouages servent le personnage, il est touchant, il est hilarant, on veut plus de Bouli LANNERS.


J'ai tellement aimé ce film, qu'il se hisse aux sommets de mon top 2023.

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le 6 janv. 2024

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