Un conte peut en cacher un autre
7.2
Un conte peut en cacher un autre

Long-métrage d'animation de Jan Lachauer et Jakob Schuh (2017)

Adaptation d’un livre de Roald Dahl illustré par Quentin Blake, ce petit film d'animation est une vraie réussite. Normalement le genre n'est pas ma tasse de thé, ayant un tout petit peu passé l'âge. Je l'ai vu en tant qu'accompagnant scolaire et n'ai pas regretté la grosse heure passée devant l'écran.

Déjà, le film atteint son but premier, captiver les enfants. De la première à la dernière minute, silence absolu dans la salle. Je me suis régalé à observer les mines subjuguées des p'tits bouts d'chou.

Ensuite, c'est intelligent : l'idée est de revisiter quelques classiques indémodables, tels Cendrillon, Blanche Neige, les 3 petits cochons, le Petit Chaperon rouge ou Jack et le Haricot magique (ce dernier bien plus faible que les autres). Pour faire bonne mesure, on ajoutera un clin d'oeil à La belle au bois dormant ou à Boucle d'or et les trois ours. Le film est structuré en deux parties.

Dans la première, le loup d'aujourd'hui raconte, dans un bar, à une baby sitter qui s'apprête à prendre son service, comment il a perdu ses deux enfants. Comment ? Victime du Petit chaperon rouge, qui s'est muée en tueuse de loups, revolver en main. Le premier des fistons aura avant cela dégusté les deux premiers petits cochons, ici agents immobiliers ayant investis dans la paille et dans le bois. Le second voudra dévorer le banquier avisé dans sa tour d'ivoire, c'était sans compter avec notre justicière à peau de loup. Mais celle-ci se rendra compte de l'arnaque du gras cochon et le liquidera à son tour.

Pendant ce temps, on aura suivi les aventures de Blanche Neige devenue blonde (un cliché volontairement affiché par Dahl), échappant, exactement comme dans l'original, aux griffes de sa belle mère à forte poitrine, avant d’utiliser le miroir magique permettant aux 7 nains turfistes, ex-jockeys, de gagner toutes les courses. Ouf !

Dans la deuxième partie, le loup d'aujourd'hui, après avoir bâillonné la baby sitter dans les toilettes du bar, s'en va garder à sa place les enfants du Petit chaperon rouge sortie avec sa copine Blanche neige. L’histoire se répète puisque le subterfuge utilisé par le loup, se déguiser en vieille dame, est le même que celui auquel recourut son défunt fils avec... la mère des deux enfants ! Vous suivez, les enfants ?

Pour notre loup, il y a là l’occasion d’une vengeance, doublée d'un succulent repas. L’utile et l’agréable en quelque sorte. Mais avant, les deux mômes réclament non pas une mais deux histoires : ce sera Cendrillon couplée à Jack et son haricot magique. Le prince revu et corrigé est devenu irascible et violent, c'est donc vers Jack que la belle Cendrillon se tournera. Foin de toute richesse ostentatoire, un simple bain moussant entouré de sa progéniture qui s'ébat gaiement suffit au bonheur des deux tourtereaux.

L'histoire finie, le loup s'apprête à savourer son repas puisque les légumes ont fini de cuire. Mais le Chaperon rentre et le loup, comme sentant qu'il ne peut imposer à cette mère ce qu'il a lui même vécu, renonce à sa vengeance. Il abandonne son déguisement, retrouve sa forme souple et élancée, retourne dans les bois où l'on peut encore, parfois, le croiser.

* * *

Ce qui est bien, c'est l'équilibre trouvé entre le respect des contes et leur détournement. La "juste mesure" pour apprécier le pas de côté que propose le film. Ce qui est bien aussi, c'est la qualité graphique qui s'affiche à l'écran. Pour en prendre conscience, rien de tel que la bande-annonce du dernier Disney-Pixar, Elémentaire, diffusée juste avant : couleurs flashy et criardes a gogo, son agressif, personnages d'une grande laideur. Au contraire on appréciera, dans le film du duo britannique Jan Lachauer et Jakob Schuh, l'harmonie des couleurs, le soin apporté aux formes des personnages opposant sans cesse l'ovale au longiligne, la finesse de la musique, l'imbrication des matériaux qui composent l'image, la discrétion des effets spéciaux. Les adultes attentifs savoureront même quelques clins d'oeil à l'art, ici Les demoiselles d'Avignon au mur, là une Joconde dans le coffre du banquier.

De la belle ouvrage, qui a dû ravir, à défaut du malicieux romancier disparu en 1990, son illustrateur toujours vivant. Les enfants auront-ils saisi tout le sous-texte ? Probablement pas. Mais, pendant une heure, on leur aura montré quelque chose de beau, comprenez : pas comme les blockbusters de chez Disney-Pixar. Une oeuvre utile. Et s'il faut marcher une grosse demi-heure pour se rendre au cinéma, c'est encore mieux.

Jduvi
7
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le 6 juil. 2023

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