Un Conte de Noël est une surprise de taille dans le paysage du cinéma français. Arnaud Desplechin a pris un plaisir énorme à réaliser son film, un plaisir communicatif jusqu'à l'ivresse.

Junon (Catherine Deneuve), mère de famille, mariée à Abel (Jean-Paul Roussillon), est atteinte d'une maladie du sang. Sa seule chance de salut est une greffe de moelle osseuse. La famille de Junon se réunit pour les fêtes de Noël : le temps pour les différentes générations de régler leurs comptes, leurs intrigues sentimentales ou filiales. Maladie, mort, inceste, dépression, guerre psychologique... Tout y passe. D'une densité scénaristique ahurissante, le film de Desplechin aborde une foule de sujets graves ou délicats, sans jamais verser dans la complaisance, ni le pathos. Le ton repose sur un humour noir ravageur et permanent, ponctué de scènes poignantes magnifiques, portées par l'interprétation de Catherine Deneuve, inoubliable figure tragique dont la nonchalance laisse affleurer une profonde angoisse. Véritable festival de répliques vachardes jubilatoires, de situations absurdes, de comportements délirants, Un Conte de Noël se dévore avec un plaisir de tous les instants.

La fabuleuse direction d'acteurs tire le meilleur de chaque comédien. Mention spéciale à Mathieu Amalric, absolument déchaîné dans un rôle de chieur d'anthologie. Le « bras de fer » opposant son personnage à celui de sa sœur est un morceau de bravoure à lui tout seul. Jean-Paul Roussillon, irrésistible avec sa trogne et sa gouaille uniques, débite tour à tour des répliques hilarantes, ou des extraits de textes philosophiques d'une portée troublante. La scène où il lit à l'une de ses filles (Anne Consigny) un extrait de Ainsi parlait Zarathoustra, de Nietzsche, est bouleversante. Le reste du casting, prestigieux (Emmanuelle Devos, Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud...), offrant des rôles tous attachants, et la qualité des dialogues confèrent au film un mélange de tons virtuose, un tourbillon de sensations et d'émotions mêlées laissant le spectateur transi d'euphorie. Desplechin peint avec un génie permanent une vision de nos vies d'une richesse saisissante, où la tendresse côtoie l'horreur, où le rire se mêle aux larmes, au gré d'un rythme quasi organique, proche de la respiration humaine. Un pur bonheur de cinéma, rencontre explosive entre la philosophie et la comédie de mœurs, qui mérite une place de choix parmi les classiques français contemporains, les films cultes de tous temps.
TheScreenAddict
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le 6 août 2010

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