Sur fond de crise grecque, le nouveau film de la réalisatrice toulonnaise Brigitte Roüan est une comédie alerte, bordélique et débridée, à son image serait-on tentés d’ajouter. En effet, celle qui est aussi actrice et scénariste a toujours su développer une fantaisie énergique, tout en restant inscrite dans la réalité de son époque. Ce film de vacances, embelli une nouvelle fois par le travail irréprochable de la directrice de la photographie Agnès Godard, est avant tout une variation sur la famille, plus précisément sur l’amour de Jo, une mère, ogresse et vampirique, pour ses quatre (grands) fils qu’elle réunit une fois l’an dans un village hellène où elle assure le financement et l’organisation d’un festival culturel. Mais cet été, faute de subventions et ayant choisi d’autres dépenses plus urgentes et moins honorables, le maire a annulé la manifestation. Jo ne compte pas sacrifier les retrouvailles avec sa tribu et redouble d’ingéniosité pour sauver ses vacances, pour lesquelles sa mère (la discrète et douce Emmanuelle Riva, en meilleure forme que chez Haneke) en pythie de mauvais augure s’acharne à prédire une mauvaise issue.
De l’ingéniosité et des trouvailles, le film n’en est certes pas dépourvu, attestant une fois encore de la fantaisie déjantée de la réalisatrice d’Outremer (son premier long-métrage, déjà dans un pays méditerranéen [l’Algérie] avec Nicole Garcia). En double présumé de Brigitte Roüan, Nicole Garcia compose avec entrain une mère possessive et accaparante qui craint plus que tout d’être abandonnée et de rester seule. Revisitant les canons de la tragédie ancienne, en convoquant le mythe d’Œdipe, le film tient en haleine sur deux gros tiers, soit jusqu’à ce que les quatre fils soient réunis. Après, il tend à s’essouffler, agrémenté de péripéties gentilles et inoffensives. On l’aura compris : le ton général est à la légèreté et au refus de mélo. Mais quelques bribes de dialogues à peine esquissées suffisent à évoquer les existences compliquées des uns et des autres (la petite retraite à venir de Jo, le chômage de Fabien, le métier à risques de Balthazar, les amours changeantes de Pierre et les mauvaises options du gestionnaire manqué Lucas). L’ensemble est savoureux et voir Emmanuelle Riva peindre en rose des phallus géants suffit à notre simple plaisir de spectateur. Dans la grisaille ambiante, Tu honoreras ta mère et ta mère déploie une bonne humeur communicative et généreuse, en mettant en scène dans un joyeux foutoir une famille qui, en dépit de ses problèmes et de ses névroses, se révèle très attachante.
PatrickBraganti
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le 7 févr. 2013

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