La légende noire d'Ivan le terrible

1565 en Russie. Ivan le terrible subit une défaite dans le conflit qui l'oppose à l'armée polonaise. Il crée une garde prétorienne, les chiens du Tsar, milice violente dont une tête de chien orne la selle de chaque cheval. Ivan devient paranoiaque et imprévisible. Il se méfie de tout le monde. Il nomme comme métropolite et responsable de l'église orthodoxe, son ami Filipp.

Tsar est un film russe de Pavel Louguine (l'ïle...) sorti en 2010. Le Tsar de Pavel Louguine se concentre sur 2 années de son règne, 1565 et 1566, qui voient le tyran atteindre un paroxysme dans la violence en même temps que ses troupes essuient des difficultés militaires. A la fois dévot et ayant le sentiment d'être abandonné par Dieu, Ivan nomme Filipp, un ami proche comme métropolite. Simultanément, il exerce son pouvoir dans la violence et multiplie les actions arbitraires, gratuites et sanglantes.

Filipp va s'opposer à lui, ce qui entrainera sa chute.

Le portrait d'Ivan le terrible est celui d'un monarque pervers, manipulateur mais seul. A l'image des rois des oeuvres de Shakespeare comme Macbeth ou Richard III, Ivan le terrible exerce ici un pouvoir sans partage, "faisant tellement le ménage" autour de lui qu'il devient un souverain et un homme seul.
Pour s'en convaincre, il suffit de le voir condamner à mort son bouffon suite à un "bon mot" de ce dernier et "exiler"sa tsarine en 2 phrases et en moins d'une minute.

Le film est tourné en plan serrés, montrant les échanges des protagonistes de près, conférant au film un coté théâtral et intimiste, d'autant plus que les décors sont assez sobres.

Le film réserve quelques scènes violentes et pénibles. Le budget du film s'est élevé à 15 millions de dollars.

Le bien contre le mal

Le réalisateur s'appuie sur un casting solide, notamment Piotr Mamonov (Ivan), dont le jeu halluciné et inquiétant renvoie l'image d'un homme cruel et capricieux. Il faut voir l'acteur "rouler des yeux" en parlant à ses interlocuteurs médusés, les regardant avec un air de "grand père pervers"...

Face à lui, Oleg Yankosvsky interprète le métropolite.

Le règne d'Ivan le terrible a eu un impact très fort sur la Russie, modelant même avec ses excès, le portrait du dirigeant idéal comme celui d'un homme autoritaire et absolu. Le pouvoir du Tsar venait de Dieu, il requérait l'adoration. On a un peu de mal en Occident à comprendre pourquoi, encore aujourd'hui, le modèle du dirigeant idéal pour les russes (qui ont gardé un bien mauvais souvenir de l'ère Elstine) est tellement différent du nôtre: la raison de cette différence de perception est historique, inscrit dans des centaines d'années de règne des Tsars perpétuée par les autocrates du XXème siècle.

Tsar préfigure, par sa lecture du pouvoir, une tradition de dirigeants russes cruels et paranoiaques (y compris après la chute des Tsars) dont le meilleur exemple historique demeure Staline.

Avant Tsar, Sergueï Eisenstein avait réalisé en 1944 un dyptique sur ce personnage incontournable de l'histoire russe.

A propos du pouvoir des Tsars, Ivan le terrible avait écrit dans une lettre au prince Kourbski:
« Les tsars doivent toujours être prudents, et comment ! […] Pour leurs serviteurs, pour les bons – la compassion, la douceur et la paix, mais pour les mauvais – la cruauté et la souffrance ! Mais s’il n’en est pas capable, le roi, alors, il n’est pas roi, il est rien ! Il est la honte et honte à lui. »

Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur ce Tsar tourmenté et cruel:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivan_le_Terrible

Trailer

Ce personnage historique de la Russie (et ceux qui l'ont suivis) prend en 2023 une acuité toute particulière. A l'heure où l'Occident a atteint le stade de co-bélligérant contre le pouvoir russe autocratique qui a agressé militairement l'Ukraine, on peut légitimement s'interroger sur le fait de se retrancher derrière le droit international alors que les dénonciateurs du jour n'ont pas mieux agi par le passé. Il serait temps de s'interroger sur le droit d'ingérence systématique des puissances occidentales (Etats-Unis en Irak en 2003, France en Lybie en 2011...) alors que ces mêmes occidentaux ont si mal "soldé" des bouleversements historiques radicaux comme l'effondrement du mur de Berlin et de l'URSS dans les années 90...sous peine qu'un incident industriel se produise un jour ou l'autre.

Ma note: 7/10