Un film moyen et très inégal, quoique sympathique, dont la note gagne 1 point supplémentaire grâce à l'effet "salle de cinéma". En effet, je n'ai pas trop vu le temps passer durant la séance, et les quelques moments d'émotion ont fait leur petit effet ; alors qu'à la maison, mon implication aurait forcément été moindre, au vu des divers motifs d'agacement et de déception.

En effet, la réalisatrice Nadège Loiseau a tendance à gâcher le beau potentiel de cette histoire, en alourdissant son propos de situations grossières et de gags peu subtils.
Ainsi, le chien se nomme "Connard", ce qui provoque un ou deux quiproquos attendus mais vaguement amusants ; en revanche, à quoi bon répéter une vingtaine de fois "Connard" à tort et à travers? On dirait une mauvaise comédie américaine, où le mot "fuck" est rabâché ad nauseam...

Tout au long du film, on a également droit à de nombreux bruits corporels (rots, vomi, flatulences), qui pourraient se justifier si le but était de montrer la perte d'inhibitions sociales des SDF ; mais l'insistance du procédé suggère plutôt un effet comique hyper balourd.
De même, "Trois fois rien" se vautre dans ce travers contemporain consistant à faire brailler ses personnages, comme si ce type de dialogues beuglés constituait un effet comique en soi ; perso je trouve ça juste fatigant...

Pourtant, le film n'est pas dénué de qualités, à l'image de son immense potentiel narratif : un trio de clochards qui gagnent au loto, avant d'entamer une colocation, c'est la promesse d'un film social, d'une comédie de mœurs et d'un drame familial tout à la fois, c'est la garantie d'une bonne dose de rire et d'émotion.

Et effectivement "Trois fois rien" s'acquitte (en partie) de cette promesse, c'est pourquoi on passe globalement un bon moment en compagnie de ces trois pieds nickelés.
Le sympathique Philippe Rebbot se montre à son avantage dans le rôle sur mesure de Casquette, clochard homo qui assume sa marginalité. Le jeune Côme Levin ne démérite pas en débile léger, mais son personnage devient vite fatigant. Enfin, le véritable héros du film se nomme Antoine Bertrand, un comédien québécois plutôt doué, dont on va découvrir le passé - avant sa clochardisation - dans la seconde partie du film.

On rit parfois de bon cœur, comme lorsque la Flèche offre une flûte à Casquette (parce qu'il "fait partie de la fanfare"), où lorsque nos récents gagnants du loto décident d'inverser les rôles, en donnant une petite pièce à chaque voisin de métro...
Le film a également le mérite de pointer l'absurdité du système administratif français, et de dénoncer certaines évolutions du monde moderne (les centres d'appels qui vous laissent poireauter pendant des heures).

En revanche, "Trois fois rien" reste assez pauvre en terme de réflexion, sur des notions telles que la socialisation ou la marginalité. Certes, on devine que Casquette et la Flèche sont de véritables inadaptés, heureux dans ce mode de vie en marge, et on constate les vains efforts de Brindille pour pousser ses deux compères à retrouver "le droit chemin".
Mais on aurait espéré un questionnement plus approfondi, plutôt qu'une simple comédie optant confortablement pour un happy end généralisé. D'ailleurs la résolution du problème familial apparaît bien trop facile et trop rapide.

On assite donc à une comédie sociale à la fois sympathique et un peu ratée, qui n'arrive pas à la cheville d'"Une époque formidable", la référence du genre.

Val_Cancun
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le 20 juil. 2022

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Val_Cancun

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