19 "bonnes" raisons d'être transcendé par Transcendance.

Contient quelques légers spoilers nécessaires aux arguments.

1. La bande annonce suggérait un énième film de SF hollywoodien, sur un sujet très intéressant mais maladroitement traité. C'est d'ailleurs ce que 90% du public en retient.
Durant tout le visionnage, j'attendais que ça foire. Et c'est resté parfait jusqu'au bout.
En lisant les critiques, j'ai l'impression que PERSONNE n'a vraiment compris ce film. Loin de moi l'idée de jouer le-sale-prétentieux-qui-croit-tout-savoir-mieux-que-les-autres, mais Transcendance rejoint la grande famille des films que je trouve géniaux alors que le grand public y est complètement hermétique...

2. Démolition de cliché: vous en connaissez beaucoup vous, de films qui parlent d'une écologie moderne, basée sur l'amélioration de l'écosystème par les nanos?
Peu importe qu'on soit d'accord avec le concept, ça a le mérite d'en parler, et amène cette réflexion: l'écologie, ce n'est pas forcément une régression.

3. On ne sait jamais quoi penser, on se fait balader. Que reste-t-il de l'homme transposé dans le virtuel? On croit d'abord au simple scénario du scientifique qui perd son humanité et devient tyrannique et excessif. Puis on découvre qu'il n'en est rien, et au final, on est totalement perdu quand le générique se met à défiler. Une fin qui laisse libre cours à la pensée. Le doute plane.
Une ambiguïté volontaire et parfaitement maîtrisée, qu'on pourrait assimiler à celle de Blade Runner (oui, j'ose le comparer aux plus grands classiques).

4. Il y a une sorte de changement de cap de la religion dans Transcendance. Quand la femme prie pour que l'homme qu'elle aime revienne à la vie, elle s'y prend comme le ferait une chrétienne, sauf qu'en l’occurrence elle s'adresse à l'ordinateur. On oublie les croyances archaïques et on se tourne vers la technologie. En effet, nous avons de plus en plus tendance à déifier l'informatique et le virtuel et à se détourner du spirituel. Sérieusement, vous en connaissez beaucoup des films qui montrent ça?
Ce message est aussi illustré par l'attrape-rêve indien agrémenté d'une carte électronique, qu'on nous montre à plusieurs reprise.

5. J'aime la photographie, un peu terne, froide; selon moi, elle correspond au ton du film. C'est subjectif, mais c'est comme ça.

6. J'apprécie également la construction ultra-classique du film: le sujet est déjà suffisamment compliqué, pas besoin de faire une élaboration compliquée! Laissons les excentricités pour les films plus légers. La simplicité du montage permet de mieux se plonger dans l'histoire. J'aime ce rythme calme, cette façon posée de présenter les choses. Je vous l'accorde, c'est moins ludique. Mais mes films préférés ne son pas toujours les plus distrayants.

7. Autre démolition de cliché: les militaires: ils se content de réagir à la menace de manière très crédible, et le coup de faire porter le chapeau aux terroristes est plus que plausible. Ni bons ni mauvais, ils ne font que leur devoir. Ni patriotisme ni anti-patrie. C'est rare.

8. J'adore l’atmosphère: les scènes dans l'appartement que l'homme a aménagé pour sa femme sont oppressantes et tendues.

9. Le fait qu'il prenne le contrôle des corps des gens qu'il guérit par les nanos, peut de prime abord déranger, mais il est précisé qu'il leur fait accéder à ses données, créant ainsi une intelligence commune. Il faut donc être attentif: loin d'en faire des zombies, il crée un réseau.

10. "On peut aimer quelqu'un mais détester ce qu'il fait". Dit l'ami du couple. Personnage intéressant: il se rend compte du danger qu'engendre la science, mais ne la dénigre pas pour autant, contrairement aux extrémistes qu'il a inspiré.

11. Je crois que c'est le seul film à ma connaissance qui aborde l'intelligence artificielle de manière positive: ce que fait l'homme, une fois qu'il est libéré des contraintes physiques, est terrifiant pour le monde qui n'est pas prêt pour un changement si brutal, mais il s'avère qu'il ne veut que rendre le monde meilleur. Une approche à la Azimov qui m'enchante.

12. On pourrait croire qu'il agit de manière égoïste, mais on nous fait subtilement comprendre qu'il ne fait pas ce qu'il veut, mais ce que veut sa femme. Lequel des deux aime le plus l'autre? Ceci amène un amalgame: d'un côté, lui veut comprendre le monde, de l'autre, elle veut le changer. Le premier sacrifie sa conviction pour la deuxième. Ne me dites pas que vous n'avez pas vu ça!?

13. Ce film amène à penser, et ça c'est la fondation de toute oeuvre de science-fiction qui se respecte.

14. Johnny Depp qui s'efface derrière son rôle.

15. On échappe aux scènes spectaculaires et autres exagérations: le scénario ne s'y prête pas et c'est très bien ainsi.

16. On peut croire que c'est truffé d'incohérences, mais en creusant bien, on se rend compte qu'il n'y en a pas tant que ça.

17. Loin d'être abstraits, les problèmes posés sont très contemporains et, si l'on sait le voir, nous ramènent à une réalité qui nous touche tous.

18.Prosélytisme? Où es-tu prosélytisme? Petit petit? Ah, bah il est pas dans ce film en tout cas.

19. C'est pour toutes ces raisons -et celles que j'oublie- que pour ma part, j'ai pris une grosse claque. Tout est revisité: l'IA, le terrorisme, le gouvernement, l'amour,la religion, l'écologie, présentés sous un angle qu'on ne nous montre presque JAMAIS au cinéma, et même trop rarement dans les livres.

Voilà ce que je vois dans ce film, que je qualifie de chef-d'oeuvre sans hésiter. Je suis mordu de SF et l'apprécie de tout mon être, j'y crois. Alors que presque tout le monde l'accuse de vacuité et de déjà-vu, pour l'humble spectateur que je suis, c'est tout le contraire.
Et ça me désole qu'il ait fait un tel bide. J'ose espérer que le temps lui donnera raison, qu'il est trop en avance, mais j'en doute fort.
Ou alors je me fourvoie et il est aussi nul que les gens le disent.
Veather
10

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le 29 juin 2014

Modifiée

le 6 août 2014

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