Le film capte, ensemble, deux mouvements apparemment contraires, mais qui se rejoignent, se superposent, se nourrissent : Nous sommes en Inde. Des lettres d’une étudiante à son amoureux dont elle a été séparée, sont lues en off accompagnées par des images de la vie estudiantine, festives (on y danse beaucoup) ou contestataires : on y suit les assemblées générales, diverses manifestations, parfois jusqu’aux répressions policières. Une dissociation (entre l’image et la parole) qui rappelle d’emblée le somptueux News from home, de Chantal Akerman. A la différence qu’ici, ce ne sont plus des plans fixes et travellings qui impriment la ville, mais des fragments d’images enregistrées, glanées via différentes sources et régimes d’images : des plans en 16mm, d’autres en Super8, du smartphone, des vidéos de surveillance, des images télévisées, des coupures de presse. Il y a les lettres qui racontent une histoire d’amour et l’évaporation de cette histoire d’amour : Celles de L. qui raconte que son amoureux, issu d’une « caste supérieure » à la sienne, avait fui pour ne pas troubler l’ordre familial. Et cette histoire, cette déception amoureuse se transforme et ouvre sur une captation du militantisme estudiantin de New Delhi, comme si la tristesse de L. avait muté et trouvé son salut dans la révolte politique. C’est un montage qui n’est pas narratif, mais qui trouve sa voie, son rythme, son identité, façon kaléidoscope et qui peut rappeler parfois le cinéma de Marker (politique) voire celui de Mekas (intime). Le titre résonne autant avec l’incompréhension de cette femme, qui livre ses pensées, sa douleur, sa colère, qu’avec les luttes étudiantes contre une société indienne sclérosée et mortifère. C’est la voix de tout un peuple contenu dans celle d’une seule âme. Aussi passionnant que déroutant. C’est le premier long-métrage de Payal Kapadia, indienne de 36 ans. Hâte de voir les suivants.

JanosValuska
7
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le 10 août 2022

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