[Mouchoir #19]


A Night of Knowing Nothing est une proposition esthétique à la gangrène qu'est le nécro-capitalisme, lorsque celui-ci vient jusqu'à empiéter sur les bancs d'un école de cinéma indienne, devenue allégorie du cinéma tout entier — on crie dans la rue Pasolini, Poudovkine ou Eisenstein —, et qui dès lors se doit de répliquer ; comme la goutte d'eau fait déborder le vase.


Tout film est politique, certes. Mais le film de Kapadia rappelle qu'il est venu le temps où cela ne suffit plus de le dire. Où il faut que l'affirmation rentre en jeu avec du matériau filmique, que des plans, des images, des sons, des voix, du texte militent elleux aussi. L'exploit ici, c'est de réussir à passer par le biais d'un style found footage qui prend la forme de souvenirs, d'une plastique et d'une atmosphère onirique qui dévoile peurs et fantasmes, pour mieux violenter ensuite au retour atroce à la réalité dont seule la révolution (dés)organisée semble être le salut, la sublimation, la porte de sortie provisoire. Il s'agit d'une leçon de cinéma et d'amour dans un pays où le système des castes les régissent tous les deux.


Même si ces termes ont la mauvaise réputation d'être galvaudés, il faut se rendre compte de l'importance d'un tel film, du devenir révolutionnaire qu'il réouvre, de la possibilité qu'a le cinéma d'être à la fois un témoin et un cri, sensible, intime, communautaire ; un espace dialectique de sons et d'images qui propose non pas une solution, mais une mise-en-scène esthétique du problème, mis sous tension, mis en face de ses contradictions et de sa binarité : « We as filmmakers have to be more nuanced, we should not be thinking in black and white. »


7,5.


[12/10/21]

Créée

le 13 avr. 2022

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