Jane Wyman et Rock Hudson de nouveaux ensembles, non plus liés autour d'un secret magnifique, mais cette fois-ci autour des beautés de la vie.


Tout ce que le ciel permet se base, et il est fondamental de le souligner, sur un scénario des plus classiques. Les tournures que prends l'histoire et les thèmes abordés sont connus, cependant, Douglas Sirk réussit à en sortir un long métrage splendide. Le film dépeint une relation amoureuse entre deux personnes venant de mondes différents : Cary est une bourgeoise, tandis que Ron est son jardinier. La vie de Cary est ordonnée de sorte qu'elle ne peut sortir du moule. Veuve d'un homme d'importance, mère d'une sociologue et d'un futur homme d'affaire, et côtoyant le gratin de sa bourgade, son entourage s'attend soit à ce qu'elle trouve un homme mûr à marier, soit à ce qu'elle vive seule dans le souvenir de son défunt mari. A contrario, Ron est un homme de la nature, marginal et imperméable à la société urbaine. Il ne connaît aucunement la notion de l'argent, toutefois, il connaît celle de la vie. C'est ce qui attirera Cary, et c'est ce qui causera de nombreux problèmes.

Le métrage mettra en confrontation du début jusqu'à la fin les deux réalités. Cary vit dans une maison luxueuse, enfermé dans des miroirs qui renvoient à sa propre condition et à son âge. Ron est plus jeune et vit en ermite au milieu de la forêt. Faisant pousser des arbres, il offre de ce fait à Cary par le biais de ceux-ci une vie dépassant le temps. De plus, il ne la met pas devant des miroirs reflétant son visage, mais devant une baie vitrée face à l'avenir. Le choix de Cary de s'échapper de son emprisonnement familial et sociétal est un choix purement féministe. Évidemment, elle aura des doutes, notamment vis-à-vis de sa famille et elle prendra d'ailleurs le partie de ses enfants. Cette décision est illusoire car se basant sur une image utopique de la famille. En effet, elle se rendra compte de ça à Noël, période de fête où la famille est censée être la plus unie. Durant ces fêtes, ces valeurs seront bafouées au détriment d'une Cary qui se retrouvera plus seule que jamais. Le paroxysme de cette déchéance familiale sera atteint lorsqu'elle se verra offrir une télévision. Le corps reflété sur l'écran, Cary sera enfermée dans un monde factice dans lequel elle ne pourra fuir sa condition. Ron formera ainsi son unique échappatoire.

Cette confrontation entre les mondes est articulée par des séquences qui se répondront tout au long du métrage. Le dîner chez les amis de Ron répondra à la soirée au country club. La différence de ton de ces deux séquences sera accentué par la photographie et surtout par la couleur. En effet, cette dernière est essentielle pour comprendre l'état de la relation entre Cary et Ron, mais aussi pour connaître les sentiments de la femme. Lorsque la teinte est sombre et bleutée, la situation se dégrade ; lorsque la teinte est lumineuse et orangée, l'amour est au plus fort. La séquence au moulin est le parfait exemple de ce jeu de lumière. Quand Ron fait sa déclaration, un long plan suit les deux personnages, de la chaleur de la cheminée à la froideur de la baie vitrée, indiquant ainsi avant même que Cary ne réponde qu'elle n'acceptera pas la proposition de son amant. Il est tout aussi important de souligner que les saisons jouent un rôle essentiel dans leur relation. Leur « rencontre » se fait en automne, là où les feuilles sont rouges de passion. L'hiver est synonyme de la mort de ces feuilles, toutefois, c'est aussi la saison de la beauté de la neige immaculée. C'est ainsi la période la plus mouvementé du couple, balançant entre crises et joies. Ce n'est qu'à la conclusion de l'hiver, aux prémices du printemps, que l'amour sera le plus fort et que les deux se marieront. Que ce soit dans le bien ou dans le mal, il y a une certaine élégance dans le traitement de l'image, une beauté à la fois tragique et magnifique.


Tout ce que le ciel permet n'est pas la meilleure œuvre du trio Sirk, Hudson et Wyman. Pourtant, elle garde une splendeur que d'autres métrages n'ont pas. Nous venons d'un monde différent de ceux des personnages, mais nous aimerions tellement les rejoindre.

Flave
7
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le 27 sept. 2022

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Flave

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