Mention : Follement drôle

On ne l'attendait pas forcement ici, et pourtant Marjane Satrapi frappe un grand dans le genre de la comédie horrifique. The Voices répond pleinement à ces deux univers et les tresse avec brio. Le film met autant mal à l'aise qu'il rend euphorique.

Il y a une vraie angoisse et un profond mal-être qui transparaissent du personnage de Ryan Reynolds. L'acteur est stupéfiant. Il creuse admirablement le vide dans lequel tourbillonne Jerry. Son regard est profondément perdu, ce qui a du sens car il n'a clairement aucun point de repère. Un père violent, un drame familial, bref une enfance terrible. Ce postulat aurait pu être pathos et moralisateur, ou ronfler sur du déjà-vu, mais The Voices est à la fois plus profond et plus léger que cela.
Le récit ne tombe jamais dans la fatalité mais démontre la tournure catastrophique d'une histoire de vie. C'est avant tout la solitude extrême dans laquelle se retrouve Jerry qui le rend complètement fou. La réaction de sa psy finit par être très juste. Il y a une part de névrose qui sommeil en chacun de nous. Tombent dans la folie absolue ceux qui ne peuvent partager leur tourments. C'est exactement ce qui arrive au personnage de Ryan Reynolds. Ses animaux sont sa seule vraie compagnie, il n'y a qu'eux pour l'écouter...et lui parler. Ça provoque évidement un grand déséquilibre mental en lui. Ce portrait d'une tristesse immense est franchement déroutant. On se retrouve en empathie pour ce sociopathe. Jerry est touchant dans sa volonté maladroite (ou plutôt, besoin) de tisser des liens. C'est en créant cette absence que le film devient une véritable ode à la vie et aux relations humaines.

Le travail visuel sur le côté trash du récit fonctionne très bien, il en est de même pour le son qui guide précisément cette ballade dans l'ambiguïté. L'imagerie figure très bien ce mélange de gore et de burlesque. L'univers de Jerry (bowling, voiture, forêt...) est sombre, inquiétant et répugnant. Son dernier bastion de vie c'est son travail. Ici tout est rose, souriant, et dansant. La technicolor édulcorée et la musique délurée accentuent le délire ahurissant du récit. Le kistch atteint des sommets jouissifs. Le générique de fin est aussi dingue que Wrong Cops dans sa façon de suspendre l'absurdité tendue tout au long du film.

The Voices est le parfait dosage entre effroi et fantaisie délirante. C'est en quelque sorte une introspection sous deux aspects, celui interne du malade qui ne voit que la bonté de la vie, et celui extérieur qui est la réponse objective (et atroce) à cette psychanalyse. Une histoire de vie profondément désastreuse qui paradoxalement transpire le bonheur.
Au passage, Gemma Arterton et Anna Kendrick sont d'une beauté enivrante.

Note : 16 / 20
adamkesher01
8
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Créée

le 18 mars 2015

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3 j'aime

Adam Kesher

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