Le père, le fils, le sain d'esprit

Le visionnage de ‘The Son’, le dernier film de Florian Zeller, procure une sensation étrange. On y voit de très belles interprétations. Il y a un très beau sujet, de très belles scènes et un vrai savoir-faire. Même en additionnant toutes ces qualités, le film déçoit et n’est pas à la hauteur de la réussite qu’était ‘The Father’, le premier film de Zeller sorti il y a deux ans.

À dix-sept ans, Nicholas semble en pleine dérive, il n'est plus cet enfant lumineux qui souriait tout le temps. Que lui arrive-t-il ? Dépassée par la situation, sa mère accepte qu’il aille vivre chez son père, Peter. Remarié depuis peu et père d’un nouveau-né, il va tenter de dépasser l’incompréhension, la colère et l’impuissance dans l’espoir de retrouver son fils.

Dans Libération, la critique Camille Nevers estime que le cinéaste Zeller est surestimé. La question se pose pour moi car je m’attendais à aimer ‘The Son’ comme j’avais beaucoup apprécié ‘The Father’. Je l’avais même mis dans mon top des meilleurs films de 2021. Ce qui y était réussi, c’est que Zeller traduisait tant formellement que sur le fond les méandres du cerveau de son personnage. Le film ne reposait que sur cette idée et ça marchait très bien. Peut-être qui si ‘The Son’ marche moins bien, c’est peut-être qu’il manque l’élément qui aurait pu en faire un très bon film. Je dirais donc que Zeller n’est pas surestimé, qu’il a un certain talent. ‘The Father’ était un joli coup d’éclat, ‘The Son’ est juste un peu raté. Pas de quoi crier à l’imposture.

Le film vaut quand même le détour pour son sujet abordé frontalement. Le malaise existentiel d’un adolescent qui comme il le dit lui-même n’arrive plus à vivre. Il se désintéresse de tout, se coupe de l’extérieur. Il sèche l’école pour errer sans but, traîne dans un parc, se fait des entailles sur le bras, ment à son père, s’invente une copine, des amis. Bref, il se renferme, se coupe de la réalité sans trop savoir pourquoi.

Ce que réussit Zeller, c’est de montrer l’impuissance, le désarroi des parents face au malheur de leur fils. Ils tentent tout pour l’aider avec bonne volonté mais non sans maladresse. La mère se sent impuissante. Le père est touchant par sa naïveté, parfois son immaturité. Le personnage est paradoxale car il a au début l’impression que tout se réglera facilement, avec le sourire. En même temps, il s’en veut de faire subir et de reproduire ce qu’il reproche lui-même à son propre père. Et puis il y a la belle-mère qui est tout le temps à la maison, ce qui la met dans une position ambivalente. Elle est l’intruse car c’est la seconde épouse mais en même temps, comme elle est tout le temps dans l’appartement, c’est elle qui se heurte concrètement au désespoir de son fils.

Comme dans ‘The Father’, Zeller s’intéresse aux pensées des personnages et les traduit à l’images. Ainsi, à l’école, on pense à ses parents au travail, lesquels s’inquiètent pour leur fils. Le père repense au fils enfant quand il était souriant. Zeller fait des sortes de projections mentales, en autre dans la dernière scène à la fois étonnante et violente.

Le film est fait de scènes de confrontations très réussies. Comme celle qui ouvre le film entre la mère et le père sur le seuil d’une porte, ou celles entre le père et son fils, ou celle entre le père et son propre père. Zeller réussit à saisir la vérité des confrontations. Elles sont d’une vraie force.

Malheureusement, ce qu’il y a entre ces scènes ne marche pas. C’est comme s’il y avait les sommets d’une forme géométrique mais pas les segments qui les relient. La continuité du film pêche. Zeller me semble échouer à traduire cinématographiquement sa pièce. Quand on fait le choix d’une approche réaliste, il y a des scènes nécessaires qu’il faut écrire pour que l’ensemble marche. Et ces scènes qui ont été écrites pour le film ne sont pas bonnes. Certaines sont plates, d’autres sont excessivement mélodramatiques comme ces flash-backs idylliques d’une mièvrerie confondante. Le film est sporadiquement réussi mais la continuité cale. L’ensemble semble mal foutu. Dans ‘The Father’, la facture du film étonnait. Dans ‘The Son’, elle déçoit car le film est tout de même classique tendance plan-plan, parfois mou et convenu.

Je voudrais terminer ma critique sur une note positif car bien que le film ne soit pas réussi, il ne mérite pas pour autant le lynchage. Car les interprétations sont assez exceptionnelles. Hugh Jackman révèle qu’il a une vraie profondeur de jeu dans le registre dramatique. Laura Dern est parfaite quand il s’agit de jouer l’inquiétude. Mais j’ai surtout adoré Vanessa Kirby. N’ayant pas vu ‘The Crown’, je l’ai découverte ici et j’ai trouvé ça performance admirable. Elle interprète très bien ce personnage à la fois intruse et en première ligne. Enfin, Zen McGrath incarne avec justesse et sans excès de pathos cette adolescent au bord du précipice. Les acteurs sont impeccables. Mais si Zeller leur offre de belles scènes, il ne leur offre pas un film à la hauteur de leur investissement.

Noel_Astoc
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le 7 mars 2023

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